Une monoplace originale, des performances calamiteuses, une fiabilité douteuse, de la tôle froissée ...voila le menu de la semaine!
En 2014, la Formule 1 entre dans une nouvelle ère : celle des moteurs turbocompressés, une première depuis 1988. Il faut noter que leurs caractéristiques sont les suivantes : V6 hybride comprenant deux systèmes de récupération d’énergie (SREC, ou ERS en français), puissance du moteur limité à 600 chevaux et poids des monoplaces en hausse…voila de nouveaux ingrédients pour la seconde moitié de la décennie 2010 dans la catégorie-reine du sport-auto et une aubaine pour les équipes pour contrer la domination de Red-Bull et de Sebastian Vettel.
Résultats en or, situation dans le noir
Pour l’équipe Lotus F1 Team (Pas grand chose en commun avec le constructeur britannique hormis le fait qu'elle partage son nom et logo), anciennement Renault, la saison 2013 a été fructueuse sur le plan des résultats avec une victoire et plusieurs podiums.
Toutefois, la structure basée à Enstone (en Angleterre) connait pas mal de soucis financiers, ce qui a provoqué le départ de Kimi Raikkonen avant même la fin de saison (même si des soucis de dos ont été invoqués) et conduit à un avenir plus qu’incertain durant l’hiver. Un rachat du team par l’obscur homme d’affaire Mansour Ijaz, via sa société Quantum, est évoqué, mais finalement Lotus restera toujours sous la houlette de Gérard Lopez et de sa société Genii Capital. Les départs du team principal Éric Boullier et de l’ingénieur James Allison sont à noter. Federico Gastaldi remplace le premier cité tandis que Nick Chester devient directeur technique.
En janvier 2014, et alors que l’équipe manquera les premiers essais officiels à Jerez, la nouvelle monoplace, la E22, est dévoilée sur les réseaux sociaux.
Bien évidemment, cette machine ne partage rien avec sa devancière, nouvelle réglementation oblige. La principale curiosité vient de l’aileron avant et notamment par son nez « en fourchette » et asymétrique. Celui-ci est conçu de cette manière afin d’obtenir le meilleur flux d’air à l’avant. Hormis ce point original (disgracieux ou non), la E22 est globalement conventionnelle si on omet le fait que la voiture est équipée de suspensions interconnectées, un système nommé « FRIC » permettant d’améliorer la stabilité et la tenue de route en plus de régler la hauteur de caisse ! Un petit système efficace donc…
Pour le moteur, Renault reste toujours avec Lotus et c’est bien sur un nouveau bloc qui se logera sous la E22. Mais ce V6 Turbo posera quelques soucis…
Enfin, comme c’est le cas depuis 2011, Pirelli est l’unique fournisseur de pneus en F1.
Passons aux pilotes, si Romain Grosjean est toujours de la partie, le bouillant vénézuélien Pastor Maldonado l’épaulera cette saison. Il apporte avec lui le pétrolier PDVSA, ce qui veut donc dire que la monoplace sera à la fois sponsorisé par la compagnie vénézuélienne et par Total !
Absente pour la première journée d’essais à Jerez, la nouvelle monoplace n’était pas encore prête, certaines pièces ne sont pas tout à fait finies et l’original nez posait quelques petits soucis d’homologation. Plus problématique est le fait que Lotus n’a toujours pas payé son inscription pour 2014…
Au final, l’équipe sera bien présente cette année et participera eux essais à Bahrein mi-février.
Dès les premiers tours de roue, c’est la galère : le bloc Renault rencontre pas mal de soucis qui grèvent le temps de roulage. A l’instar des équipes utilisant le V6 français, la fiabilité est mise à mal et les performances sont insuffisantes. Mais avec Lotus, c’est loin d’être le principal talon d’Achille. La E22 est tout aussi peu compétitive, sa robustesse est également pointée du doigt par les pilotes et pire, elle est à la limite de l’inconduisible. Les soucis financiers et les incertitudes durant l’hiver ont surement affecté la conception de cette nouvelle monoplace. En tout cas, chacun a compris, pilotes en premier, que cette saison va être très difficile…ce qui n’empêche pas les dirigeants de l’équipe de rester optimiste, voire ambitieux !
Douche froide
Pour le premier meeting de l’année, à Melbourne (Australie), on ne sait quoi penser de Lotus, sinon espérer franchir la ligne d’arrivée.
Dès les qualifications, le cauchemar commence : Panne pour Maldonado (aucun temps signé) et 21eme place pour Grosjean, à plus de sept secondes de la Mercedes de Lewis Hamilton et juste sous les 107% en termes de chrono (au delà c'est une non-qualification) ! En course, les Lotus se traîneront dans le ventre mou du peloton avant qu’une panne mécanique mette fin au calvaire pour Maldonado peu après la mi-course. Scénario identique pour Grosjean à moins de dix tours de la fin. Un sacré exploit car pas mal (dont l'auteur de cet article) auraient parié un retrait dès les premiers tours.
La course suivante, en Malaisie, sera meilleure : si Maldonado doit à nouveau renoncer, Grosjean lui s’accrochera à une 11eme place, à la porte des points, après une belle bagarre dans le peloton. Mais c’est à Bahreïn que la E22 se fera remarquer, mais pas en termes de performances : alors à la porte des points, Pastor Maldonado sort des stands et se retrouve face à face avec la Sauber d’Esteban Gutierrez. A l’entame du premier virage, les deux voitures se touchent et…
Plus de peur que de mal, mais pour notre ami vénézuélien: stop & go de dix secondes et cinq places de pénalités sur la grille pour Shanghai…De toutes façons, il n’avait pas signé un chrono suite à des ratés de moteur et un accident en voulant entrer aux stands ( !). Sinon, à part ça, rien de neuf sous les tropiques, même si Grosjean atteint l’arrivée lors de ces deux épreuves. Les soucis sont désormais connus, plus le fait que l’E22 peine à faire chauffer rapidement les pneus les plus durs…
Après une petite trêve, la F1 arrive en Europe. C’est également le moment pour les équipes d’apporter des évolutions majeures sur leur monoplace. C’est le cas de Lotus qui a notamment retouché le train arrière de l’E22 pour plus de stabilité et ça semble fonctionner : pendant que Pastor fracasse sa voiture en qualifs, Romain signe une magnifique 5e place. Le français confirmera le lendemain en terminant huitième, la ou son partenaire s’accrochera avec une Caterham et finira loin derrière après une autre pénalité. Enfin le réveil pour Lotus cette saison ?
Le tracé de Monaco de devrait pas convenir à la E22, les pilotes sont d’ailleurs assez loin sur la grille. Le début de course est comme prévu difficile : Maldonado rencontre un souci de pompe à essence sur la grille et renonce avant même le départ. Pendant ce temps, Grosjean, après un arrêt aux stands dès les premiers tours (suite à l’intervention de la Safety Car), se retrouve englué dans le ventre mou du peloton, tentant vainement de dépasser la Caterham de Marcus Ericsson, puis la Marussia de Jules Bianchi. Toutefois, les nombreux abandons durant l’épreuve permettent au pilote Lotus de finir à la neuvième place, huitième officiellement suite à la pénalité de Bianchi. Quatre points supplémentaires au championnat et un résultat inespéré dans les rues monégasques.
Mais ces performances n’auront pas de suite, les Lotus E22 retomberont dans le fond du peloton (avec Sauber et même parfois avec les modestes Marussia), la fiabilité est toujours problématique que ce soit en essais ou en course avec un moteur Renault toujours pas au top ou encore un aileron arrière qui se détache à Montréal !
Le FRIC c’est pas chic
Le milieu de l’été sera terrible pour Lotus, en plus de ne voir aucune amélioration du coté de la E22, la FIA décide d’interdire le système FRIC, donc adieu les suspensions interconnectées et leur avantage. Les monoplaces anglaises vont tout simplement manquer d’appui aéro et de stabilité suite cette suppression. Pour couronner le tout, les pilotes perdent également les pédales, bon ce n’est pas une surprise concernant notre cher Pastor (accroché par…Gutierrez à Silverstone, touchette avec Bianchi à Budapest et sortie de piste dès les premiers essais à Spa), mais Grosjean a également eu un moment de « vide » à Budapest en détruisant sa monoplace …sous le régime de la voiture de sécurité (la piste était certes détrempée ).
Les épreuves s’enchainent et les performances de l’E22 déclinent course après course. Le meeting de Monza, un circuit rapide pour rappel, est une véritable galère : les pilotes étaient plus en lutte avec les Caterham et Marussia qu’avec le reste de peloton, faute de vitesse de pointe élevée.
Une situation qui finit par doucement agacer Grosjean, la preuve durant les essais qualificatifs à Singapour après un énième pépin sur le moteur :
Lors de la manche nord-américaine, à Austin, Lotus apporte une évolution de son museau, mais uniquement pour les essais libres. Le nez est entièrement redessiné et devient plus classique, il doit apporter plus de stabilité et servir de test pour la future Lotus E23.
C’est durant ce weekend que Lotus renoue avec les points : 9eme place grâce à un Pastor Maldonado combatif qui marque la ses premiers points de l’année, là où son partenaire alterna le tout et le n’importe quoi durant l’épreuve…
L’ultime manche de cette saison, à Abu Dhabi, permet à Lotus de terminer en beauté : explosion du moteur de Maldonado en course et jolies flammes pour illuminer le GP nocturne, le tout sous les rires des mécaniciens qui ont certainement fait une blague au bouillant pilote, ou bien trop insisté sur les substances…mais il ne nous convient pas de juger sur ce point-là.
C’est ainsi que se termine cette sale saison 2014. Huitième au classement des équipes avec dix points inscrits, la comparaison avec 2013 fait très mal ! Monoplace ratée (ou non aboutie) et pas fiable, moteur Renault pas exempt de tout reproches (au final il ne s’en sort pas si mal en regardant les résultats de Red Bull et surtout comparé au bloc Ferrari cette saison) et finances toujours dans le rouge (départs de quelques sponsors et licenciements d’employés), ce qui a en grande partie affecté le développement de cette machine, Lotus sera également moins radical dans la conception de la future E23 (donc adieu le nez en fourchette, tu nous manqueras), désormais motorisée par Mercedes. C’est la fin de vingt ans de présence pour Renault au sein de la structure basée à Enstone, que ça soit sous son propre nom ou par Benetton et Lotus…
Fiche auto :
Moteur : V6 Renault 1600cc avec moteur électrique
Aspiration : turbocompressé
Implantation : central-arrière
Puissance : 600 ch + 180 avec le moteur électrique à 15 000 tr/min
Châssis : monocoque en fibre de carbone
Freins : en carbone d’origine Brembo
Boite de vitesses : séquentielle à 8 vitesses, fournie par Renault
Transmission : à l’arrière
Poids : 690 kg (pilote inclus)
Dimensions : 5,088 m(L) * 1,8 m (l)
Pneumatiques : Pirelli
Résultats en course :
A participé au championnat 2014 de F1
8e au championnat des équipes, 10 points
Pilotes : Romain Grosjean (14eme avec 8 points) et Pastor Maldonado (16eme avec 2 points)
Meilleur résultat : 8e à Barcelone et Monaco
K.N
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