Découvrons ensemble la dernière Nissan qui a couru dans la catégorie-reine du rallye au début des années 1990…
Présente depuis l’aube des années 1970 avec les Datsun 240Z, puis les 160J ou les Violet GT, le constructeur nippon était souvent présente dans le monde du rallye, mais celle-ci visait particulièrement les épreuves en Afrique afin de promouvoir sa marque. Cette stratégie fonctionne car Nissan remportera pas mal de trophées dans ce continent.
A partir des années 1980, les choses se compliquent un peu, la 240RS, la machine de Nissan à la période des Groupe B, est trop rustique et pas assez performante face à ses rivales. Le retour du Groupe A comme catégorie principale en rallye à partir de 1987 permet à la firme de retrouver des couleurs, notamment avec une victoire au Bandama 1988 avec Alain Ambrosino.
Malgré tout, la 200SX n’est pas la plus performante et Nissan aimerait bien monter plus haut en termes d’ambitions, avec la construction une voiture qui peut cette-fois, jouer la gagne à la régulière dans le championnat du monde des rallyes (WRC). Dès l’aube des années 1990, la marque va créer une antenne européenne basée à Didcot, en Angleterre (et plus précisément près d’Oxford). Celle-ci se nomme Nissan Motorsports Europe.
Le modèle choisi pour représenter la marque est la Sunny (Pulsar au Japon) N14, berline compacte commercialisée chez nous entre 1990 et 1997 avant d’être remplacée par l’Almera.
GTI-R
L'équipe va se servir de la version GTI (uniquement disponible en 3 portes) comme base.
Plus précisément, ce sera une machine survitaminée qui se nommera GTI-R que Nissan va utiliser pour les rallyes. Parlons un peu de cette version sportive de la Sunny: sous ses airs de sage compacte trois-portes (hormis les entrées d’air sur le capot) se cache une vraie bombe capable d’aller chatouiller les Golf GTI, Mazda 323 GT ou autres Toyota Corolla GTi. Son moteur 4-cylindres turbocompressé développe 230 chevaux. De plus, la petite bombe est également dotée de la fameuse transmission intégrale ATTESA (avec trois différentiels), bien connue pour être également dans la Skyline GTR.
Au final, on a un produit performant et original…bien que méconnue dans nos contrées. D’autant plus que son gabarit et ses dimensions réduites pourraient être un avantage sur les spéciales de rallye.
Pour pouvoir courir en rallye, et plus précisément dans la catégorie principale à l’époque le Groupe A, il faut au minimum 5000 exemplaires construits sur une période de 12 mois. Chose réalisée facilement car au total, plus de 13 000 Sunny GTI-R sont produites en l’espace de trois années. Il reste maintenant à préparer la machine, dont Nissan Motorsports Europe (NME) se charge de la construction…
Extérieurement, les différences avec la version de série sont minimes vue de loin (règlement oblige), c’est sur le plan mécanique que le travail a été principalement effectué. Le 4-cylindres toujours turbocompressé affiche désormais près de 300 chevaux. Et ce n’est pas tout, étant donné que le compartiment-moteur de la Sunny est exigu (encore plus dans sa version de rallye), le (large) système de refroidissement d’air, ou l’intercooler tout simplement, est placé juste au-dessus du moteur. Une implantation originale et curieuse mais on y reviendra après.
Comme ce fut le cas depuis ses débuts officiels en rallye, les pneus Dunlop vont équiper la Nissan.
A noter qu’une autre version est également développé pour courir en Groupe-N, catégorie où les voitures sont strictement de série.
Les premiers tests ont débuté durant l’année 1990, notamment en Grèce ou au Kenya. Ils servaient en premier lieu à évaluer les performances du moteur, d’abord sur un proto basé esthétiquement sur la Sunny N13 (génération précédant la N14), puis sur la véritable Sunny N14 GTI-R. Des soucis de fiabilité ont été décelés, à voir si tout ceci sera résolu lors de ses débuts en compétition.
La firme japonaise, enfin Nissan Motorsports Europe si on veut chipoter même si c’est un engagement officiel, vise un programme partiel en WRC pour 1991 avant quelque chose de plus complet en 1992. Afin de viser haut, Nissan choisit le très expérimenté Stig Blomqvist (avec Benny Melander comme copilote), lui-même champion en 1984. C’est lui qui a principalement effectué les tests avant son entrée en compétition. Il reste maintenant à trouver un autre pilote dans la seconde voiture…
Surchauffe !
La Sunny GTI-R effectue ses débuts en WRC lors de la quatrième manche de la saison 1991, plus précisément au Safari à la fin du mois de mars, un rallye difficile dont connait bien Nissan pour avoir remporté plusieurs victoires dans cet environnement.
Trois voitures sont présentes pour cette épreuve, avec Blomqvist, mais également une pour le double vainqueur du championnat britannique David Llewellin ainsi que pour le local de l’étape Mike Kirkland, lui-même fidèle de Nissan depuis des années.
Concernant la concurrence, celle-ci est assez importante avec les fameuses Lancia Delta Intégrale, les Ford Sierra, les Toyota Celica GT4 ou encore des Subaru Legacy et des Mazda 323 GTR. Bref, les grands constructeurs japonais répondent également présents à cette fête.
Les Sunny commencent bien l’épreuve, mais assez vite, elles vont rencontrer divers pépins mécaniques : fuite d’huile, boite de vitesses capricieuse, perte de puissance et surtout surchauffe du moteur. Ce qui n’empêche pas Blomqvist et Kirkland de terminer respectivement 5e et 7e du rallye. Un résultat final satisfaisant, même si c’est très loin derrière la Lancia de Juha Kankkunen.
Mais c’est également durant ce rallye que les nombreux problèmes de la Sunny GTI-R se dévoilent : malgré son gabarit compact, sa maniabilité est médiocre à cause d’une répartition des masses pas assez optimisée (trop de poids à l’avant), ce qui fait également que la voiture use assez rapidement ses pneus à l’avant. D’ailleurs, les Dunlop se sont montrés trop durs face aux Michelin ou Pirelli…
Plus problématique est la partie mécanique, le 4-cylindres manque de robustesse à cause de la puissance en hausse et surtout, a tendance à surchauffer du fait de l’inefficacité de l’Intercooler. Justement, bien qu’il contribue également à améliorer la puissance du moteur, son système de refroidissement est tout simplement inutile comme il ne refroidit rien du tout…sa position juste au-dessus du moteur n’était pas judicieux.
En attendant de résoudre ces problèmes, la Nissan Motorsports Europe poursuit son programme. Cette-fois, destination le rallye d’Acropole, en Grèce, un autre rallye réputé exigeant pour les voitures, même si la Sunny a effectué pas mal de tests dans ce type d’environnement.
Deux Sunny sont présentes pour cette épreuve du championnat mondial, avec Blomqvist et Llewellin. Seul le dernier cité terminera le rallye à une 9e place après une prestation transparente…
Zappant quelques autres manches suivantes, la prochaine étape pour le team est le rallye des 1000 lacs, en Finlande. Encore un rallye qui n’est pas facile en raison de ses spéciales rapides et piégeux. Les deux Sunny engagées vont rejoindre l’arrivée sans gros problèmes, mais sans éclat également : 7 e et 9e.
L’équipe fera une petite escapade dans le championnat britannique, pour le rallye dans le Pays de Galles. Llewellin, seul pilote engagé par NME, s’impose et permet à Nissan de garder un peu confiance.
On retrouve ensuite les Sunny lors de la dernière manche du WRC, au RAC Rally (toujours en Angleterre). Blomqvist ne verra pas l’arrivée, faute de suspension endommagée alors que celui qui s’était imposé à deux reprises sur ce rallye était un temps en lutte pour le podium. Idem pour Lllewellin avec un problème électrique…
Outre les soucis énumérés ci-dessus (ceux liés aux surchauffes ne sont toujours pas résolus), la saison de Nissan a également été émaillée de tensions entre la maison mère et Nissan Motorsports Europe. Concernant la voiture, il sera difficile de remédier très rapidement aux problèmes car la Sunny GTI-R a été homologuée telle qu’elle : avec l’intercooler juste sur le moteur, à moins de créer une nouvelle version et de produite 500 unités supplémentaires pour pouvoir l’homologuer (selon les règlements de la FIA), mais ce procédé est couteux et Nissan préfère continuer avec la machine actuelle…
Deuxième chance
Pour 1992, il s’agit de participer à toutes les épreuves du championnat mondial de rallye. Les soucis de fiabilité et de surchauffe sont en théorie résolus. La Sunny a désormais un capot avant légèrement bulbeux, notamment au niveau des entrées d’air, suite à un intercooler modifié et pour plus de refroidissement. Ceci dit, cette petite modification affecte quelque peu l’aero de la voiture.
Direction le rallye du Monte-Carlo fin janvier pour la première manche du championnat. Blomqvist reste toujours le pilote principal de l’équipe, mais il ne participera pas à cette manche. Deux Sunny sont présentes avec Francois Chatriot (qui avait couru pour Subaru en 1991) et un jeune finlandais au nom de Tommi Makinen. Notons que Nissan soutient également la Sunny GTI-R Groupe N du belge Grégoire de Mévius.
Les performances sont un peu meilleures (malgré des Dunlop toujours un ton en dessous de ses concurrentes), de même en ce qui concerne la fiabilité et les deux machines se classeront 7e et 9e au terme de ce rallye. Des progrès, mais peut mieux faire.
La deuxième manche se déroule sur les spéciales enneigées de Suède. Une seule Sunny est présente avec Stig Blomqvist. Chez lui, il va pourtant apporter à Nissan son premier podium de l’année avec une troisième place ! Certes, la concurrence est un peu moins relevée lors de cette 41e édition du rallye de Suède, mais le pilote a parfaitement utilisé son expérience pour l’amener jusqu’à cette position, d’autant plus que la Sunny n’avait rencontré aucun souci durant l’épreuve. Nissan peut sourire…même si l’épreuve ne compte pas pour le classement des constructeurs.
Le rallye du Portugal sera un retour à la normale pour l’équipe Nissan : 6e place pour Chatriot et sortie de route pour Makinen.
Ensuite, l’équipe ne participera pas au rallye du Safari, alors que la connaissance de ce terrain pourrait être un avantage pour celle-ci. En réalité, Nissan annonce que le programme avec la Sunny est arrêté. Une décision brutale, en plein mois d’avril et alors qu’on a à peine entamé le tiers du championnat. La maison mère, visiblement pas très patients et ne croyant pas au potentiel de la voiture, ne semble pas satisfait des performances, d’autant plus que les conflits entre elle et Nissan Motorsports Europe sont toujours présents (tout en blâmant également l’inefficacité des Dunlop ainsi que le moteur pour les dirigeants de la marque). Enfin, le constructeur rencontre quelques soucis financiers depuis le début de cette décennie, ce qui explique surement ce retrait, sans compter le fait que la marque est présente dans d’autres championnats…
Toutefois, NME continuera toujours d’exploiter la Sunny GTI-R dans deux autres manches du championnat mondial, mais avec un plus faible soutien de la part de la marque.
En Finlande, Makinen et Blomqvist vont renoncer suite à des pannes de transmission et de moteur, puis au RAC Rally, seul le jeune finlandais termine l’épreuve, à la huitième place.
Pendant ce temps, Grégoire de Mévius signe plusieurs bons résultats et quelques victoires de classe avec sa Sunny version Groupe N. Il sera champion dans cette catégorie à la fin de l’année.
Pas assez compétitive, présentant des défauts de conception, la Sunny GTI-R Grp.A n’aura pas eu le temps également de dévoiler tout son potentiel alors que des progrès se sont fait sentir en 1992. Les machines sont ensuite confiées à des pilotes privées ou sont modifiées afin de courir en rallycross. Grégoire de Mévius utilise ce modèle en 1993. Alternant championnat européen et rallyes belges, celui-ci signera des bons résultats avec.
Quant à NME, elle continue encore son parcours en rallye (certes avec un soutien moins important de la part du constructeur), notamment en développant une Sunny répondant à la réglementation Kit-car. La Sunny GTI (sans le « -R ») est désormais une simple traction à moteur atmo’, mais qui se révèle polyvalente et efficace sur les spéciales de rallye. Alister Mcrae et Mark Higgins gagneront le championnat britannique des rallyes avec cette voiture.
Fiche technique :
Moteur : Nissan SR20DET 4 cylindres 1998cc
Aspiration : turbocompressé
Implantation : à l’avant
Puissance : environ 300 chevaux à 6400 tr/min
Châssis : basée sur la Sunny GTI-R de série
Boite de vitesses : Manuelle à 5 ou 6 vitesses, d’origine X-Trac
Transmission : Intégrale avec système ATTESA
Poids : 1100 kg minimum
Dimensions : 3,975 m (L) * 1,6 m (l)
Pneumatiques : Dunlop
Résultats en compétition :
Engagée par Nissan Motorsports Europe, programme officiel dans le championnat du monde des rallyes entre 1991 et 1992.
En 1991 :
4 rallyes disputées
5e au Safari
Pilotes (en parenthèses les copilotes) : Stig Blomqvist (Benny Melander), David LLewellin (Peter Diekmann)
7e au championnat des constructeurs
Une participation au championnat britannique, avec Llewelin. Victoire au Audi Sport Rally (Pays de Galles)
1992 :
5 rallyes disputées au mondial
3e en Suède*
Pilotes : Stig Blomqvist (Benny Melander), Francois Chatriot (Michel Perrin) & Tommi Makinen (Seppo Harjane)
6e au championnat des constructeurs
(*Ne comptait pas pour le championnat des constructeurs)
Liens/ sources :
The gravel Crew
K.N
Comments