Voilà près de vingt ans que l’écurie fondée par Ken Tyrrell ne joue plus les premiers rôles en Formule 1 en dépit de quelques coups d’éclat. Et la saison 1996 ne fait pas exception à la règle. En dépit d’une monoplace, la 024, plutôt saine, d’une équipe technique compétente, de deux pilotes au potentiel certain et un moteur Yamaha bien connu sous le capot, les résultats seront décevants malgré des débuts intéressants. La compétitivité décline au fil des épreuves faute de gros moyens, et la fiabilité du V10 nippon est loin d’être parfaite.
L’hiver 1996-97 s’annonce délicate pour Tyrrell. Motoriste de l’équipe depuis 1993, Yamaha s’en va chez Arrows/TWR pour un deal exclusif. Décevant durant deux saisons, le pilote japonais Ukyo Katayama quitte également le navire, emmenant avec lui le sponsor cigarettier Mild Seven. Et ce n’est pas fini, en plus de ce dernier, on enregistre également les départs de Korean Air, Fondmetal, Motorola, Cell Star ou encore Cataraman Watches. Le budget vient de prendre un vilain coup pour la saison prochaine…
Pour 1997 donc, l’ambiance n’est pas vraiment à la fête à Ockham, siège de Tyrrell Racing qui fêtera ses trente ans de présence en Formule 1. La future monoplace sera une évolution de la 024. Sous la houlette de l’expérimenté Harvey Postlethwaite et secondé par Mike Gascoyne, Tim Densham ou Simon Barker, la voiture sera malgré tout sensiblement améliorée. Les pontons sont revus, l’avant aborde un nez plus haut dont celui-ci soutient l’aileron avec un seul tenant, ce qui permet d’obtenir davantage d’appui aérodynamique tout en conservant la stabilité dans le comportement. Encore mieux : on annonce un ajout aérodynamique à la fois majeur et innovant qui apparaitra d’ici les premiers GP de l’année. Avec la boite de vitesses séquentielle « maison » (à six rapports), la nouvelle 025 apparait bien finie et soignée. Pour les pneus, et alors que Bridgestone entre en scène, on reste toujours fidèle aux Goodyear.
Pour remplacer Yamaha, Tyrrell contacte un vieux de la vieille en la personne de Ford-Cosworth, comme à la vieille époque. Toutefois, point de V10 inédit qui est uniquement réservée à la toute nouvelle équipe Stewart Grand-Prix. Il va falloir se contenter du bloc ED client. Ce V8 de 3-litres équipait les saisons précédentes les fameuses structures telles que Simtek, Paciic, Forti ou encore Minardi. Petite consolation, l’écurie britannique recevra la dernière évolution de ce moteur (nommé « ED4 », apparu fin-96 mais jamais utilisé jusqu’alors) dont la puissance maximale progresse de 640 ch à près de 670 ch désormais. C’est certes moins que les autres moteurs V10 ou le V8 Hart qui propulse les Minardi, mais il est plus compact, théoriquement plus sobre et sa fiabilité ne devrait pas poser de soucis à l’équipe. C’est néanmoins une maigre consolation car le V8 ED, en dépit de ses caractéristiques, n’est pas plus léger en comparaison des autres. Il faut noter que l'ED est basé sur les blocs Ford HB de 1989.
Pour les pilotes, le solide Mika Salo sera toujours de la partie. Le finlandais qui entamera une troisième saison chez Tyrrell sera accompagné du néerlandais Jos Verstappen qui a piloté chez Footwork-Arrows en 1996. Avec ceci, l’équipe peut compter sur un duo solide et talentueux pour espérer réaliser quelques gros coups d’éclat.
Une bonne nouvelle s’invite durant l’hiver. Ancien pilote Tyrrell et désormais manager (en plus d'être propriétaire d’équipe), Satoru Nakajima soutient désormais Tyrrell, d’abord en devant directeur sportif, puis en plaçant son protégé Tora Takagi,4e de Formule Nippon, comme pilote-essayeur et poussant l’équipementier PIAA à sponsoriser l’écurie. Voila de quoi décorer un peu la livrée blanche et noire très (trop ?) sobre. L’objectif pour 1997 est clair : grapiller régulièrement des points et espérer séduire un gros partenaire, qu’il soit financier ou motoriste, afin de survivre.
Les premières courses montrent que les deux Tyrrell 025 sont condamnées à trainer dans le fond de grille. Salo et Verstappen occuperont même la dernière ligne au Brésil, sur le circuit d’Interlagos. La voiture est clairement moins performante que la majorité du plateau (en dehors des fameuses Lola-Mastercard, mais bon, ça n’aura tenu qu’un GP…).
Au GP d’Argentine et pour le 400e grand-prix de l’écurie, Tyrrell surprend tout le monde en installant des appendices aérodynamiques aussi imposants qu’inédits. Installés sur les pontons et à côté du cockpit, ces ailerons-pingouins (ou X wings ) très imposants ne font pas qu’augmenter la largeur maximale de la 025, elles permettent également d’améliorer l’appui aérodynamique. Ceux-ci apparaitront également sur les circuits sinueux ou lent, comme Monaco ou le Hungaroing.
Coup de génie (100% légale grâce à un « trou » dans la réglementation) ou non, cela ne permet pas aux Tyrrell 025 d’avancer dans la hiérarchie, sur le tracé de Buenos-Aires. Une casse moteur pour Verstappen constitue une certaine déception car le néerlandais était à la porte des points avant son abandon après la mi-course.
Après ceci, les Tyrrell continuent de stagner dans le fond du peloton, sans espoir de remonter en course. La 025 n’est pourtant pas une mauvaise machine. C’est l’exemple-type d’une monoplace bien conçue, au potentiel intéressant, mais handicapée par le manque de moyens de la part de l’écurie…et de la faible puissance du V8 Ford-Cosworth. A priori, le GP de Monaco ne devrait pas changer grand-chose aux performances bien que la souplesse du V8 devrait permettre aux pilotes d’être moins largué que d’habitude.
Brillant 14e sur la grille, Mika Salo va effectuer une sacrée remontée le lendemain. Profitant de la pluie et des conditions de piste plus que délicates qui piégeront pas mal de pilotes, le pilote finlandais va très bien se débrouiller dans les rues de la principauté. Sans effectuer la moindre faute et en ne s’arrêtant pas ( !) une seule fois aux stands, il réussit à franchir la ligne d’arrivée à la cinquième place, synonyme de deux points au championnat. Un joli exploit !
Ce sera malheureusement le seul moment de lumière pour Tyrrell en 1997. Malgré quelques qualifications intéressantes à Barcelone (pour Salo, 14e) et à Montréal (Verstappen 14e), les voitures ne sortiront jamais de l’anonymat. Pire dans tout ça, la fiabilité à partir du début de l’été devient problématique. C’est que l’évolution du V8 du Ford-Cosworth (nommé ED5) casse régulièrement en plus de toujours manquer de chevaux face aux autres. A huit reprises, celui-ci casse en course (dont à Silverstone où les deux pilotes ont renoncé pour la même raison) et on ne compte pas les autres blocs qui ont rendu l’âme durant les essais. De temps à autre, la boite de vitesses pouvait faire des caprices.
Hormis quelques petits ajouts qui sont majoritairement arrivées peu avant la mi-saison (amélioration de la stabilité de la 025), la monoplace n’a pas évolué du reste de l’année faute d’argent. Evidemment, Verstappen et Salo sont condamnés à occuper les deux dernières lignes sur la grille de départ avec les Minardi. Rendant près de trois secondes (ou plus) aux meilleurs sur les tracés traditionnels/rapides, les pilotes doivent se contenter de tout juste se promener en course en dépit de bons débuts d’épreuve. La seule vraie déception est le GP du Canada où ces derniers étaient à la porte des points avant de connaitre une panne de boite (Verstappen) et de moteur (Salo).
La dernière épreuve de la saison, à Jerez, voient les deux 025 monopoliser la onzième et dernière ligne au départ, à trois secondes de Jacques Villeneuve et de Michael Schumacher. Les pilotes ne vont toutefois pas démériter en course en effectuant un bon départ et en se battant à l’arrière-garde du peloton. Salo (12e) et Verstappen (16e) verront l’arrivée. C’est la première fois depuis Monaco (soit 13 courses) que les deux Tyrrell terminent une course ensemble.
A l’issue de la saison, Tyrrell termine dixième et dernière écurie classée, avec deux points marqués. Plus que tout ceci, des rumeurs de rachat se font entendre au cours de l’année. Il y’avait eu l’australien Paul Stoddart, le boss d’European Aviation qui sponsorisait l’équipe en cours d’année, aurait été intéressé pour prendre des parts (ou tout reprendre ?) dans l’écurie.
Finalement et comme annoncée depuis des semaines, celle-ci est rachetée par Craig Pollock (manager de Jacques Villeneuve) et le groupe British American Tobacco (BAT) rachètent entièrement Tyrrell Racing le 2 décembre 1997. C’est la fin d’une aventure entamée à l’aube des année 1960 et dont le parcours en F1 est marqué par un titre au championnat des constructeurs, en 1971. Pour 1998, le nom de Tyrrell apparaitra une toute dernière fois avant de devenir British American Racing à partir de 1999…et de faire table rase du passé tout en mettant les gros moyens.
Fiche technique
Moteur : V8 2999cc Ford-Cosworth ED4 & ED5.
Position : central-arrière.
Puissance : 665ch à 685ch
Chassis : monocoque en fibre de carbone.
Boite de vitesses : séquentielle 6 rapports
Transmission : à l’arrière.
Poids : 600kg
Dimensions : 4,43m (L) * 2m (l)
Liens/ Sources
STATS F1
Motorsport. com
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