En NASCAR, on avait des petites structures et des très petites structures parfois contraint de ne pas boucler toute la durée d’une course, surtout dans les divisions inférieures comme en Nationwide Series. La 2nd Chance Motorsports faisait partie de ceux-là, mais était également impliquée dans de drôles d’incidents…
Depuis le début des années 2000, la deuxième division de la série NASCAR, la Nationwide Series (nom du sponsor-titre entre 2008 et 2014, anciennement Busch Series et maintenant Xfinity Series) connait quelques soucis en ce qui concerne les équipes les plus modestes. Ces dernières sont de plus en plus nombreuses dans cette série et pas mal rencontrent des soucis d’équipement ou de budget. Conséquence de tout ceci, certaines ferment rapidement leur portes, d’autres optent pour une saison à temps-partiel. Mais encore plus extrême, une petite majorité ont recours au start and park.
Un Start & park ? Kézako ? Pour résumer la chose, certains teams n’ont pas les moyens financiers ou matériels afin de terminer une course donnée (si l’équipe en question arrive à se qualifier, bien sûr). Résultat de ces soucis, ces derniers vont se contenter de boucler quelques tours (voire un peu plus) en début d’épreuve avant de rentrer au garage et d’abandonner…en tout prétextant officiellement un quelconque souci mécanique afin de masquer ce retrait volontaire. L’avantage est que même en étant classé dernier tout en ayant couvert qu’une poignée de tours, les teams gagnent une prime pour leur participation à l’épreuve (prime qui augmente en fonction du classement). De plus, ces gains accumulés permettent à ces petites structures de progresser petit à petit et de courir de manière régulière pour la suite.
A partir de 2008 et surtout 2009, ce phénomène prend de plus en plus d’importance au sein de la Nationwide Series, mais également dans d’autres divisions inférieures de la NASCAR ou dans le stock-car américain. Ainsi, il n’était pas rare de voir à certaines occasions dix voitures renoncer en début de course en ayant recours au start & park. Vous voulez un exemple ? Lors de l’épreuve sur l’Ovale d’Atlanta en 2009, on comptait onze voitures (sur les 43 partantes) qui procédaient à ce système, toutes ont renoncé après moins de 70 tours, soit à peine plus d’un tiers de l’épreuve…
Specialty Racing
Avant d'évoquer notre sujet, la 2nd chance motorsports, revenons un peu en arrière:
Ancien pilote en NASCAR Weekly Series et de Sportsman Series (en somme les divisions inférieures, voire régionales) dans les années 1980 et 90, Charles Shoffner fonde sa propre équipe en 2006 avec l’aide de Doug Howe, qui a lui-même dirigé une team entre les années 1970 et 1999. L’équipe qui se nomme Specialty Racing fait son entrée en NASCAR Busch Series fin-2007, plus précisément sur le short-track de Memphis, dans le Tennessee. Ayant récupéré une Ford Fusion stock-car pour participer à la course et engagé Matt Carter comme pilote, l’équipe arrive à se qualifier pour la course.
En 2008, la Specialty Racing, flanquée du numéro 61, s’engage à plein-temps en Nationwide Series (le sponsor-titre a changé entre temps) et engage le vétéran Kevin Lepage comme pilote. Rien de particulier à signaler hormis peut-être un carton assez insolite à Talladega.
Brandon Whitt le remplacera à mi-saison, sans voir une amélioration coté résultats. Au moins, l’équipe n’a pas eu recours au start & park tout au long de l’année…
Le scénario se répète en 2009, Matt Carter prend la place de Whitt en milieu de saison, mais la Ford #61 du Specialty Racing ne décollera jamais du ventre mou du peloton (meilleur résultat : 19e à Gateway II). Encore plus problématique, le manque de moyens et l’absence de sponsoring contraint le team à se contenter à faire du start & park lors des ultimes courses de la saison.
2010 ne s’annonce guère meilleure : toujours pas le moindre sponsor à l’horizon. Josh Wise est chargé de piloter la Ford #61. Cette saison sera également les débuts des nouvelles voitures dans cette série : les CoT, déjà mises en places en Cup Series (division principale en NASCAR) depuis 2007 et destinées à remplacer les bonnes vieilles voitures dites de la Generation 4 depuis 1991. Plusieurs courses avec la CoT sont prévues au calendrier, et plus précisément à partir de la seconde partie de l’année et comptent bien évidemment au championnat.
Problème, Specialty n’a pas un rond pour s’offrir une de ces nouvelles voitures. Pire, après deux non-qualifications de suite au Texas et à Richmond, l’équipe est dans le rouge financièrement parlant et disparait des garages au printemps, malgré une courte apparition en aout à Watkins-Glen, Chase Miller se contentant de start & parker et une non-qualification sur le circuit de Montréal…
Seconde chance ?
En septembre 2010, on apprend qu’une nouvelle équipe a racheté tout l’équipement (voiture, outils…) issu de la Specialty Racing. Son nom ? 2nd chance Motorsports, crée par un entrepreneur au nom de Rick Russell, qui a notamment fondé un atelier/boutique de pièces de rechange pour des voitures de course, précisément en stock-car ou en Sprint-car. L’objectif est la participation full-time en Nationwide Series en 2011 et de soutenir des jeunes pilotes dans les divisions inférieures (en K&N Series). La base de l’équipe sera à Mooresville, en Caroline du Nord.
L’équipe débarque en fin de saison 2010 avec la Ford issue de la désormais défunte Specialty Racing. Tim Andrews est nommé pilote, son père, le vétéran Paul Andews, est nommé crew-chief du team (littéralement chef mécano). L’objectif est de participer aux dernières épreuves de la saison, sauf sur celles où les CoT cars sont requises (comme à Charlotte), la 2nd Chance n’a pas encore acheté les nouvelles voitures. Pas grand-chose à dire à part ça, l’équipe se contente de faire du start & park sur ces épreuves histoire de mieux se roder pour 2011 et d’amasser un minimum d’argent pour le futur…
Justement, la NASCAR impose les nouvelles voitures CoT en Nationwide Series à partir de 2011. Ça tombe bien, Russell vient d’acheter un châssis Ford Mustang CoT et le moteur à la Roush-Fenway Racing, une des teams de référence dans le monde de la NASCAR. Puis, Jennifer Jo Cobb sera la pilote pour la 2nd Chance Motorsports.
Toutefois, elle n’a signé que pour les cinq premières courses, après ceci, le volant ira surement au plus offrant. Cobb apporte avec elle quelques petits sponsors et le crew-chief Steve Kuykendall. Notons que ce dernier fait déjà équipe avec Cobb comme elle pilote pour sa propre équipe en NASCAR Truck Series, la JJC Racing.
Plus intéressant est que la 2nd Chance Motorsports s’allie avec la JJC Racing pour ce début de saison, ce qui n’est pas un désavantage en soi pour ces deux modestes structures afin de s’unir coté performances et finances. Plusieurs membres de la JJC Racing travaillent ainsi avec la structure de Rick Russell et Cobb apporte également quelques sets de pneus, un vrai plus !
En tout cas, aucun grand sponsor n’est intéressé par la structure de Rick Russell, il va falloir se serrer la ceinture…
Curieuses affaires
Pour la première course de la saison 2011 sur le superspeedway de Daytona, qui se déroulait mi-février, on compte 45 voitures engagées, un chiffre sensiblement moins élevé que les années précédentes conséquence de l’introduction des CoT (pas mal de teams n’ont pu se payer ces nouvelles voitures).
Sachant que 43 voitures sont admises au départ, il y’aura forcément deux qui vont rester sur le carreau, et c’est malheureusement le cas pour Jennifer Jo Cobb qui n’a pu se montrer plus rapide en qualifications. La Ford Mustang #79 sponsorisée par Rimrock Design à cette occasion rentre à la maison après cette séance…
La semaine suivante à Phoenix, la native de Kansas City est présente à la course. Elle terminera 32e de l’épreuve. A Las Vegas, la voiture est détruite suite à un accident avec un autre concurrent.
Comme l’équipe n’a que cette voiture pour courir dans ce championnat, il va falloir la réparer au plus vite pour Bristol, qui a lieu le weekend suivant.
Retapée juste à temps pour ce meeting. Cobb reçoit l’instruction de la part de Rick Russell de faire quelques tours et de rentrer au garage, l’équipe préfère avoir recours au start & park afin de ne pas prendre de risques. Cependant, celle-ci refuse catégoriquement et va même ne pas participer à la course, d’autant plus qu’on lui a annoncé ceci moins de dix minutes avant le départ !
Vu que Cobb est parti, Rusell décide de la remercier par la même occasion , mettant fin au partenariat entre son équipe et celle de Russell, il faut vite trouver un pilote pour le remplacer, d’autant que les autres concurrents entament déjà leur tour de chauffe ! Pire, le crew-chief Steve Kuykendall s’en va également, plus bordélique que ça tu meurs !
Russell a finalement trouvé un pilote en la personne de Chris Lawson, qui n’avait pas réussi à se qualifier avec un autre team en qualifs la veille’. Le voilà maintenant pilote temporaire chez la 2nd Chance.
Lorsqu’il prend le volant de la Ford #79, les concurrents ont déjà entamé leur 15e tour de course ! Après quelques boucles, la direction de la NASCAR décide de brandir le drapeau noir à l’encontre du pilote et de l’équipe, la présence du crew-chief est obligatoire pour chaque pilote, et comme celui-ci est parti…
Cette histoire entre Cobb et 2nd aurait pu s’arrêter là, mais quelques jours après Bristol, Rick Russell accuse Cobb et Kuykendall d’avoir dérobé l’équivalent de 16 000 dollars d’équipement et d’outils. Les accusés eux affirment que Russell leur a autorisé à récupérer un peu de matériel dans les garages de l’équipe avant leur départ. Peu importe qui a dit juste ou faux, Russell intente un procès à l’encontre des deux accusés pour vol début-avril, on ne connaîtra pas l’issue de cette affaire…
Mais Russell doit surtout trouver un pilote et un crew-chief pour les prochains meetings, c’est ainsi qu’il nomme Tim Andrews et Ben Leslie. Ce dernier sera remplacé par Kevin Eagle après Richmond et deux courses.
Comme l’équipe est toujours à la recherche d’un gros partenaire et qu’Andrews n’apporte rien côté finances, la Ford #79 se contente de faire du start & park pour toutes les courses suivantes. En moyenne, Andrews parcourt une petite vingtaine de tours avant de rentrer à la maison, ce qui est déjà assez pour empocher à peu près 14 000 dollars par épreuve courue, soit une somme suffisante pour payer salariés, pilote et fournisseurs par mois. Attendez, 14 000$ multiplié par 14 (le nombre de courses auxquelles l'équipe a couru), cela nous fait donc...
Durant la 14e manche de l’année à Chicagoland, au tout début du mois de juin Kevin Eagle fait part à son pilote juste avant le départ de la course son intention de quitter l’équipe à l’issue de ce meeting. Et après un autre start & park et ayant appris la nouvelle le soir même, Rick Russell « péte un plomb » (ou ragequit ?) et fait savoir à tout son personnel (pilotes et mécanos …) qu’ils sont virés sur le champ. Ah et ils ne seront pas indemnisés par ce licenciement bien sûr.
Certaines sources écrivent que Russell a tout valdingué au motif que l’équipe entière se léguait contre-lui au moment où Eagle a annoncé son départ…En tout cas, c’est sur cette histoire pas banale que se clôt l’aventure e la 2nd Chance Motorsports, moins de 10 mois après sa naissance. De toutes manières, peu ont misé sur la survie du team après ces mésaventures…
La 2nd Chance aurait pu être une banale équipe anonyme de NASCAR sans argent si celle-ci n’était pas impliquée dans de drôles d’histoires, et cela mérite largement sa place dans Fail-auto !
Après cette belle aventure, Russell continue de gérer son atelier de pièces pour véhicules de stock-car, avant de le revendre à Circle Track Warehouse en 2012.
Liens-sources :
ARCHIVES jayski
K.N
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