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  • Photo du rédacteurGoodstone

Alpine A220 (1968-'69)

Dernière mise à jour : 22 mai 2022

Elle devait viser la victoire absolue aux 24 heures du Mans…L’Alpine A220 n’aura hélas, pas eu le succès espéré…




Changement dans le paysage de l’endurance : pour 1968, la Commission Sportive Internationale (CSI, futur FISA) va, dans un souci d’homogénéisation des catégories et des performances, imposer les prototypes de 3 litres comme classe principale. Toutefois, les moteurs de plus de 3000cc sont tout de même autorisés (la CSI craignait d’avoir un faible nombre d’engagés parmi les protos 3L), à condition d’aller en Groupe-4, alias catégorie « Sport », ou de production et construire au minimum 50 voitures sur une année, puis de ne pas dépasser les 5 litres de cylindrée (donc aux oubliettes les Ford GT40 Mk IV ou Ferrari 330P, les animatrices de l’édition 1967 au Mans) afin de compliquer l’homologation de ces voitures. C’est également un moyen pour contrôler les couts et la course à la surenchère.

Ford GT40 Mk IV vs Ferrari 330 P4: l'attraction des ces 24h du Mans en 1967. Elles ne seront plus éligibles l'année suivante (©Classic Sports Car)

Ces changements provoquent diverses réactions : Ferrari annonce son retrait (temporaire) des compétitions d’endurance alors que pour d’autres constructeurs, il y’a une opportunité à saisir. C’est le cas de Porsche ou d’Alpine.


Allez France !


Fondée en 1955 par Jean Rédelé, tout le monde doit connaitre la marque Alpine et ses participations en sport-auto, comme en rallye avec l’A110, ou encore de son parcours en endurance. Non je ne parle pas des performances actuelles en WEC, mais plutôt de celles d’il y’a plus de cinquante ans. Pour résumer, la marque a débuté dans cette discipline en 1963 et assez vite, celle-ci va remporter plusieurs victoires de classe ou d’indice à la performance, notamment au Mans, avec les M63, M65 ou l’A210, que ce soit du coté des protos d’1 litres, d’1,3 ou de 1,5 litres.


La petite, mais costaude A210. ici au Mans 67 avec Delageneste et Jacques Cheinisse (©?)

Avec la nouvelle réglementation, Alpine voit une belle opportunité de viser la victoire au général, et pourquoi pas remporter la prestigieuse classique Mancelle.


Tout d’abord, il faut un moteur disons, plus ambitieux : exit donc le petit 4-cylindres de l’A210, un V8 sera choisi. Il s’agit en fait de l’association entre deux 4-cylindres dont Amédée Gordini s’est chargé de préparer ce nouveau bloc. Produisant 310 chevaux, il a également l’avantage d’être léger : 150 kg. A noter que ce même bloc devait propulser la future monoplace de F1, mais ce projet restera mort-né.

Il a d’ailleurs été monté sur une A210 bricolée, nommée A211, afin d’évaluer les performances. Ayant participé à quelques épreuves entre fin-1967 et début 1968, les résultats et les performances sont mitigées, faute du V8 pas adapté au frêle proto et pas encore solide…

L'A211: une A210 avec le nouveau V8 (© les Alpinistes)


Revenons à notre sujet : le futur proto Alpine, l’A220, est conçu dans les ateliers à Dieppe, avec Marcel Hubert, Michel Bouleau ainsi qu’un jeune ingénieur du nom d’André de Cortanze. Cette machine est présentée au public au salon de l’auto de Paris en octobre 1967.


Outra sa ressemblance avec l’A210 mais en plus élargie, la longue et basse A220 utilise un châssis multitubulaire et se distingue par sa finesse extérieurement parlant, l’aérodynamique a été une des priorités dans la conception de la voiture, notamment en ce qui concerne la vitesse maximale dans les lignes droites. D’ailleurs le poids de celle-ci pèse 680 kg, soit à peine 10 kg de plus que l’A210 et malgré la présence du V8 (la aussi léger pour rappel). La boite de vitesses provient de chez ZF et Michelin est choisi comme partenaire pneumatiques.



Après de multiples essais, délicats, mais on y reviendra juste en dessous, sur le circuit de Monthléry ou au Nurburgring. L’A220 va effectuer ses véritables tours de roues en avril 1968 pour les essais du Mans. Pas une course donc, mais un bon moyen d’évaluer l’A220.


©Les Alpinistes

Baptême de feu

Deux de ces Alpines sont présentes sur le tracé de la Sarthe, avec notamment Mauro Bianchi. Si le proto affiche une jolie vitesse de pointe, atteignant pratiquement les 320 km/h, il y’a pas mal de soucis.

Déjà aperçu lors de ces premiers tours de roue, l’A220 se révèle très instable à haute-vitesse, au point que celle-ci peut décoller à tout moment dans les longues lignes droite, et cela a failli avoir lieu lors des essais au Mans bien qu’au final c’est le capot arrière qui s’était détaché, causant une petite frayeur pour Mauro Bianchi. Bref, l’aéro de la voiture est imparfaite. Le V8 reste toujours fragile et manque de puissance face à ses rivales, Porsche 908 en tête. Enfin, bien que légère, l’A220 est un peu plus lourde face au proto allemand. Il va y’avoir du travail en perspective chez Alpine…


©?


La première véritable course aura lieu deux semaines plus tard, aux 1000km de Monza, manche du championnat du monde des voitures de sport. Une A220 est présente avec Bianchi et Henri Grandsire. Une A211 est également présente pour cette épreuve. D’ailleurs, très peu de protos 3L sont présentes hormis la marque française hormis les nouvelles Porsche 908 Coupé. Pour le reste et si on omet les GT, on a plusieurs protos de 2 litres à l’instar des Porsche 910 ou des Alfa T33/2. Enfin, la catégorie « Sport » compte pas mal de « vieilles » GT40 MK II avec leur gros moteur de 5 litres. Ces dernières sont les favorites de l’épreuve en raison de leur puissance élevée…


Revenons à nos agneaux. Sur ce tracé ultra-rapide empruntant à la fois la piste permanente et l’ovale avec ses bankings relevés, l’unique A220 ne brille pas en qualifications : 10eme à plus de douze secondes derrière la GT40 de Jacky Ickx, elle est également derrière les 908 et quelques autres GT40. La course sera tout aussi difficile entre performances insuffisantes et moteur à la fois faiblard et fragile. Elle verra quand même l’arrivée, mais non-classée. Quant à l’A211, elle réussira à terminer troisième de l’épreuve…


Le mois suivant, pour les 1000km du Nurburgring, sera très bref : cabriole aux essais et forfait pour la course.

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Avec un proto manifestement pas tout à fait au point, l’épreuve des 24 heures du Mans risque d’être difficile pour Alpine…Mais les événements de mai vont pousser les organisateurs à reporter ce meeting à septembre. Une aubaine pour le petit constructeur de Dieppe qui va améliorer l’A220 à cette occasion, et en même temps de construire d’autres châssis.


En attendant, l’équipe fera une apparition en août pour les 500km de Zeltweg avec Bianchi et André de Cortanze himself. Une fuite d’essence mettra fin à la course de l’A220 tôt en course…

Départ des 1000km de Zeltweg, à coté des Porsche 908 (©Lienhard racing)


Amères désillusions


Et nous voici fin-septembre pour la fameuse épreuve mancelle. Quatre A220 sont au départ avec un lineup mélangeant expérience, jeunesse et pilotes maison:


La #27 pour Mauro Bianchi et Patrick Depailler.

La #28 avec Grandsire et Gérard Larrousse.

La #29 conduites par Jean-Pierre Jabouille et Jean Guichet.

Et enfin, la #30 pour de Cortanze et Jean Vinatier.



A noter qu’Alpine engage également plusieurs A210 pour la victoire en classe inférieure.


Départ des 24h du Mans..en septembre (©Jacques A.)


Les A220 ont été un peu améliorées au niveau de la stabilité. Mais ce sera certainement insuffisant pour contrer les 908 ou autres GT40. Au passage, notons la présence de deux Lola T70 et de quelques Ferrari 250 LM en catégorie « Sport », des originales Howmet TX à moteur à turbine et c’est à peu près tout en ce qui concerne les nouveautés coté concurrence.


Après des essais qualificatifs moyennes, les Alpine A220 entament l’épreuve dans des conditions fraiches et humides, ce qui n’est pas un souci car les protos jouent dans le top-10. Cependant, la #28 doit renoncer à la sixième heure : souci de frein et sortie de piste à Mulsanne. Les trois autres survivent tant bien que mal à la nuit, mais la 29 rencontre électrique en début de matinée.

Mais à moins de quatre heures avant la fin de l’épreuve, la 27, alors pilotée par Mauro Bianchi, alors 9eme après avoir pointé 6e une bonne partie de la nuit, perd le contrôle de la voiture aux S du Tertre Rouge et heurte les barrières. L’A220 s’embrase instantanément.


Après l'accident...(©?)


Bianchi parviendra à sortir de la voiture, mais terriblement brûlé, il s’écroulera une fois sorti de cet enfer. Cet incident marque la fin de la carrière pour le pilote franco-italien.


En ce qui concerne l’unique A220 encore en course, la #30 de Vinatier-De Cortanze, elle parviendra à voir le drapeau à damier à une huitième place générale. Loin derrière la GT40 du John Wyer Automotive qui a remporté l’épreuve et sa seconde place parmi les protos 3L ne signifie pas grand-chose…


L'unique A220 survivante au terme de la 36eme édition des 24h du Mans (©lemans-history)

Seule consolation dans le camp Alpine, les victoires des A210 dans les catégories 2L et 1,5L. Pour l'histoire, c'est une bonne vieille Ford GT40 (de la catégorie Sport) qui s'impose.


Après cette pénible aventure, place aux 1000km de Paris sur le tracé de Monthléry. L’équipage Grandsire-Guichet se classe au pied du podium tandis que Depaillier-Larrousse terminent 6e. Enfin un résultat probant, même si les Porsche étaient intouchables.

Aux 1000km de Paris. Ici l'équipage Depaillier-Larrousse: 6eme de la course (©Mic Leoparti)


Les A220 reprennent du service en octobre pour le Grand-prix de la Corniche, sur le circuit urbain de Casablanca (Maroc). Sur cette épreuve où la concurrence est plutôt minime, André De Cortanze s’impose sur cette petite épreuve. Voilà un succès qui redonnera surement le sourire aux hommes d’Alpine…

Victoire au GP de la Corniche (©JB Bassibey)

Dernière chance


Le programme de l’A220 est maintenu pour 1969, mais il s’agit d'oublier rapidement les déceptions de 1968. Le règlement est un peu plus permissif : suppression possible de la roue de secours, plus aucune nécessité d’aménager un coffre à bagages et poids minimal en baisse.



La voiture a été abaissée, l'arrière retravaillé, les freins et radiateurs revus, le V8 plus puissant et retravaillé pour plus de fiabilité. Ce sont les principaux changements pour cette année, clairement pas assez pour s’imposer à la régulière. Quelques tentatives originales comme l’ajout d’un immense aileron arrière-façon F1 ou bien d’ailettes aux extrémités arrière ont été testées, sans suite.

L'aspect de l'A220 s'est quelque peu "affiné" pour 1969 (©"PHN16"/Alpine)


La saison débute aux 1000km de Monza, quatrième manche du championnat mondial des voitures de sport. Les principales nouveautés en Proto 3L concerne l’apparition des Ferrari 312P ainsi que la Matra MS630. Trois A220 sont présentes, mais une seule, celle de l’équipage De Cortanze-Vinatier, bénéficiera des dernières évolutions. En tout cas, les résultats ne progressent guère et les Alpine tirent toujours la langue face à ses rivales. Seul l’équipage Depaillier-Jabouille sera classé à l’issue de l’épreuve…bien qu’il soit violemment sorti de la piste en fin de course (6e tout de même !). Le V8 reste faiblard et peu robuste…

De Cortanze-Vinatier en bagarre avec une Ferrari 312 P à Monza (©?)

Le scénario est identique à Spa puis arrive les 24h du Mans. Cette année, et devant le manque de concurrence en proto 3L, la CSI va donner un petit coup de pouce à la catégorie « Sport » : 25 exemplaires doivent être construits à l’année. Une petite liberté dans le règlement dont profite Porsche : l’apparition de la fameuse 917, déjà aperçue à Spa, qui va bouleverser ce petit monde.

©French Classic Cars

Quatre A220 sont présentes pour cette mythique épreuve :


#28 pour De Cortanze-Vinatier

#29 avec Jabouille et Depaillier

#30 confiée à Andruet et Grandsire


Enfin, la #31 est aux mains de jeunes rallymen au nom de Jean-Luc Thérier et Jean-Pierre Nicolas. Ils doivent se contenter du modèle ’68 pour cette occasion.

Pour être bref, toutes vont renoncer pour des soucis mécaniques. Encore une nouvelle désillusion au regard des moyens affichés pour cet événement et ce, malgré une prestation plutôt intéressante en termes de vélocité. Au moins une A210 a remporté la classe des 1,5L…

Boum! Moteur en rade pour l'équipage Andruet-Grandsire, abandon à l'issue de la sixième heure de course (©lemans-history)

Ce sera la dernière apparition des A220 avant une petite course d’exhibition sur le circuit de Nogaro avec une A220 raccourcie à l’avant et à l’arrière. Elle terminera seconde aux mains de Jean Vinatier. Ce dernier participera également à la course de côte de Chamrousse avec une troisième place à la clé. L’A220 ira même en rallye pour le Tour Auto avec Jabouille où il renoncera durant l’épreuve. Un parcours et des résultats décevants au regard des ambitions affichées, avec un proto insuffisamment mis au point (ou alors délicate à la rendre performante) et un V8 pas au niveau (qui sera à l'origine de la brouille entre Redélé et Gordini). Au moins l’A220 était jolie…

Victoire à Nogaro pour Jean Vinatier sur cette A220 raccourcie à l'avant...et à l'arrière ! (©Club Alpine Picardie)

D’un autre côté, c’est également un échec ( ?) de la part de la CSI de vouloir mettre les protos 3L sur le devant de la scène. La formule ne prend pas vraiment écho auprès des constructeurs. En 1970, ces protos ne seront plus du tout capables de jouer la gagne à la régulière…

Après ce coûteux programme, Renault n’est pas enclin à soutenir un autre programme en endurance et Alpine se concentrera davantage en rallye, avec succès. Il faudra attendre 1973 pour revoir le nom d’Alpine en Endurance.

Neuf A220 ont été produites, certaines sont occasionnellement présentes dans les meetings historiques.

L'A220, quand élégance ne rime pas avec performance

Fiche auto

Moteur : V8 2996cc préparé par Gordini

Aspiration : atmosphérique

Implantation : central-arrière

Puissance : 310 chevaux à 8000 tr/min (350 ch en 1969)

Châssis : multitubulaire en fibre de verre

Boite de vitesses : manuelle à 5 vitesses

Transmission : propulsion

Poids : 680 kg

Dimensions : 4,6m (L) * 1,7m (l)

Pneumatiques : Michelin

L'A220 mord la poussière face à la bonne vieille GT40, ici l'équipage Jacky Ickx-Jackie Oliver qui va s'imposer au Mans '69 (©Ford)

Résultats en compétition

En 1968 :



Participations aux 1000km de Monza (6e bien que n’ayant pas terminé la course), du Nurburgring (accident aux essais), aux 500km de Zeltweg, et aux 1000km de Paris (4e et 6e)


Participation aux 24h du Mans avec quatre voitures : une verra l’arrivée, 8e pour De Cortanze-Vinatier


Victoire au GP de la Corniche, avec André de Cortanze

En 1969 :

Participations aux 1000km de Monza et de Spa.

Aucune A220 ne verra l’arrivé au Mans

2e à la course de Nogaro. Participation au Tour Auto.

Liens-sources :


L’Aventure Automobile, Hors-série « Alpine : le sang bleu », ed. Hemidal, 2018



1973: retour du nom d'Alpine en endurance avec cette A440, avec Renault désormais actionnaire majoritaire de la compagnie (©caradisiac)

K.N

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