Non, on ne parle pas de Marlboro ni de « Bono » alias Peter Bonnington et encore moins de couture nippone, mais d’une écurie de Formule 1 qui est née dans des circonstances très particulières. Et bien évidemment, l’aventure aura été aussi éphémère qu’infructueuse. Allons aux Pays-Bas pour commencer l’histoire : la HB Alarmsystemen, ou HB Bewaking Systems, est crée à la fin des années 1950. Comme son nom l’indique même si vous ne maitrisez pas la langue de Max Verstappen, la société est spécialisée dans la création d’alarmes de sécurité à destination de particuliers et d’entreprises.
Dirigée par les frères Bob et Rody Hoogenboom à partir de la décennie suivante, ces derniers sont également fans de sport-automobile, ils ont d’ailleurs un peu fait de compétition au milieu des 60s (et notamment Bob dans le championnat local de tourisme). Et quelques années après leur prise du pouvoir dans HB, ils s’intéressent à entrer dans le milieu en tant que sponsor. Tout commence en 1973 quand la compagnie de systèmes d’alarme soutient un pilote local en la personne de Roelof Wunderick. Il sera champion du championnat néerlandais de Formule Ford à la fin de cette saison et participe également plusieurs épreuves en Formule 3. Après une année complète dans le championnat européen de F5000 en 1974, Wunderick accède à la Formule en 1975, toujours soutenu par HB. Il dispute la quasi-intégralité de la saison avec l’équipe Ensign. Le rêve pour les Hoogenboom qui envisagent de viser plus haut à terme, et pourquoi pas parrainer une plus grosse structure par la suite…en emmenant un pilote néerlandais ci-possible.
La monoplace, la N174, et le budget ne sont pas fameux, mais la petite structure britannique peut maintenant compter sur le sponsoring de HB Systems, qui devient le commanditaire principal d’Ensign pour toute l’année (tant que Wunderick est au volant).
Néanmoins, le pilote n’a aucune expérience en F1. Et en sept participations, Wunderick ne se qualifie qu’à trois reprises et ne verra le drapeau à damier qu’à l’occasion du GP d’Autriche (arrêté peu après la mi-course pour cause de pluie), mais non-classé. La nouvelle voiture, la N175, apparue dans la deuxième partie de saison, ne change pas grand-chose aux résultats.
A la fin de l’année, une histoire étrange se déroule entre HB et Ensign. Le sponsor reproche à Mo Nunn (le fondateur d’Ensign) de ne pas avoir respecté les clauses financières concernant le contrat publicitaire. En voulant certainement arrêter de soutenir au plus vite l’équipe et pas convaincus des perspectives avec celle-ci, les frères Hoogenboom vont aller jusqu’au procès à l’encontre de Nunn et gagnent. Sachant que ni le patron ni l’équipe n’a le moindre argent en poche, on leur donne la dernière monoplace conçue par l’écurie, l’Ensign N175 (la seule construite). Et voila que les deux frères se retrouvent avec une Formule 1 dans leur entreprise !
Sachant qu’ils veulent à nouveau investir en compétition, pourquoi ne pas rentabiliser l’acquisition et revenir en F1 ? Mais cette-fois, en tant que constructeur à part entière ! Au lieu d’utiliser tout simplement le nom de la compagnie d’alarmes de sécurité, on va s’appeler Boro Racing. Ne cherchant aucun hommage plus ou moins lointain avec Marlboro, le nom « Boro » correspond à l’utilisation des deux premières lettres des frères Hoogenboom. La base de cette nouvelle écurie sera installée dans la banlieue d’Amsterdam, plus précisément à Bovenkerk et quant à l’Ensign N175 récupérée, elle sera utilisée pour participer à la saison 1976 de F1, et sans modifications ! Après tout, pas besoin d’investir énormément dans cette machine qui a encore sa place dans le peloton, même si c’est juste pour se promener dans le fond du tableau.
Concepteur de cette voiture, Dave Baldwin a toute de même retouché celle-ci, bien que les changements soient plus que minimes. Quelques nouvelles pièces mécaniques ont été ajoutés semble-t-il et l’Ensign change d’identité pour devenir « Boro 001 ». A l’instar de la quasi-majorité du plateau à l’époque, le moteur utilisé est un V8 Ford-Cosworth DFV et Goodyear fournit les pneumatiques. La nouvelle équipe, sponsorisée par sa propre entreprise et composée d’une toute petite poignée de mécanos peut entamer l’aventure dans la catégorie-reine de monoplaces et de sport-auto. Pour la question du pilote, Wunderick raccroche définitivement son casque fin-75, c’est le champion d’Europe de Formule 3 qui sera derrière le volant durant toute n’année, à savoir l’australien Larry Perkins.
Absente en début de saison, Boro débarque au GP D’Espagne, sur le circuit de Jarama, pour la quatrième manche de la saison ’76 et premier meeting européen qui s’est déroulé au début du mois de mai. A côté, vingt-neuf autres voitures sont également présentes pour cette épreuve et avec vingt-quatre places disponibles, il va être difficile de se faire une place au soleil. Et pourtant, Perkins arrive à se qualifier de justesse, à la dernière place et à trois secondes pleines de la McLaren de James Hunt. En course, l’australien effectue une course sans histoire et finit treizième (et dernier classé), à trois tours de retard.
Ça sera mieux à la manche suivante, la Boro 001 est vingtième sur la grille et terminera à une très honorable huitième position finale, à seulement un tour de Niki Lauda. Le retour à la réalité sera rude pour l’équipe à Monaco puisque Perkins n’arrivera pas à se qualifier (la grille était limitée à vingt partants).
Par la suite, on verra toujours la monoplace blanche sur la grille de départ, avec des performances intéressantes en qualifs’ comme en Italie où Perkins se qualifiera treizième. Mais la fiabilité de la Boro forcera le pilote à renoncer à chaque course, que ça soit en Suède ou en Italie et à « domicile » sur le circuit de Zandvoort, c’est le pilote qui part à la faute. En trois participations après Monaco (et en zappant le GP d’Allemagne et d’Autriche), le pilote australien ne connaitra que des abandons.
Après Monza, le programme de Boro pour cette saison s’arrête là. L’écurie néerlandaise ne fait pas le déplacement pour les trois derniers GP de l’année, au Canada, aux USA et au Japon, les couts de déplacements sont trop importants pour cette dernière. Dans l’ensemble, Boro ne s’est pas trop mal comportée durant ses apparitions, et la monoplace née Ensign semblait avoir du potentiel pour viser mieux si les moyens auraient été plus importants.
Par la suite, il n’y a pratiquement plus aucun signe de vie à propos de Boro. Elle n’est pas présente en début de saison 1977, ni par la suite. Peut-être que les frères Hoogenboom se rendaient -ils compte que la Formule 1 coute cher, très cher pour une modeste structure comme Boro sans pour autant mettre en péril HB Systems.
En fait, il faut attendre la fin du mois d’aout 1977 pour revoir l’équipe sur un Grand-Prix. Et ce sera chez eux, sur le tracé de Zandvoort, que la Boro 001 fait son retour dans les stands. N’ayant pas du tout évoluée depuis pratiquement onze mois, la monoplace est désormais peinte en noire pour l’occasion. Coté pilote, ce sera l’anglais Brian Henton, pilote en Formule 2 (et ayant déjà fait quelques piges en F1 deux ans auparavant), qui sera l’heureux élu pour cette course. Avec 34 participants pour 26 places, la tache sera ardue, d’autant plus que la voiture commence à prendre de l’âge. Mais Henton réussit à se qualifier 23e.
Naviguant en milieu de grille durant l’épreuve, le britannique part à la faute aux trois-quarts de la course et la Boro est immobilisée dans le gravier. Le pilote parvient à repartir avec l’aide des commissaires…ce qui n’est pas autorisé et le drapeau noir lui est présenté à quelques tours de la fin. Dommage car la prestation de l’équipe était plutôt solide jusqu’alors.
La manche suivante, sur le circuit rapide de Monza, verra la Boro 001 retrouver sa livrée blanche. Toujours avec Henton au volant, les résultats seront différents puisqu’il échouera à se qualifier, réalisant le 28e chrono à six centièmes de secondes du 24e et dernier qualifié, la March de l’écurie Williams pilotée par Patrick Nève.
Après ceci, Boro zappe les dernières manches du championnat qui se disputent hors-Europe, et les frères en profitent pour liquider l’écurie. C’est la fin de la courte histoire du Boro Racing qui, malgré ses quelques participations, n’a pas non plus été larguée, loin de là. Preuve que le châssis de base était plutôt compétitif en dépit du manque de gros sous et de l’inexpérience de l’équipe. Elle sera d’ailleurs vendue à l’équipe du Mario Deliotti Racing qui l’engagera en British F1 (série plutôt « mineure » qui accueille des anciennes monoplaces de F1 mettant en valeur des seconds couteaux de la F1 justement, plus quelques noms ronflants en Grande-Bretagne) en 1978 avec Geoff Lees au volant. La monoplace reprendra d’ailleurs son nom originel, Ensign N174, à cette occasion.
Pour Bob et Rody Hoogenboom, on reste toujours impliqué dans le monde du sport parallèlement à leur activité dans HB Systems. De 1979 à 1981, ils ont été le sponsor majeur d’une équipe de cyclisme qui porte le nom de l’entreprise, puis d’une autre dans les courses offshore, avec les bateaux de course. Plus récemment, les deux frères ont tenu une équipe de karting jusqu’au début des années 2010 (et sponsorisée par HB bien sûr), en faisant confiance à de jeunes pilotes du pays.
Liens & sources
STATS F1 et archives Autosport
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