Chanoch pilote de Formule-1 !
- Goodstone

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Dernière mise à jour : il y a 14 heures

On peut être homme d’affaires et devenir pilote de Formule-1 de manière officielle en parallèle. Chanoch Nissany a réussi à le devenir, il y’a à peine vingt ans. Ceci dit, le mot « officiel » est un peu exagéré puisqu’il n’a participé qu’à une seule reprise, à une séance d’essais libres d’un Grand-Prix. Qu’importe l’avis du public et des mauvaises langues, Nissany a bel et bien participé à une séance officielle, et donc il peut être considéré comme un pilote de F1.
Né en 1963 à Tel-Aviv, capitale d’Israël, notre futur pilote en herbe gagnera bien sa vie dans le domaine de l’immobilier, principalement en Hongrie où il vit depuis son jeune âge semble-t-il. Nissany est-il passionné de sport-automobile ou non ? Au milieu d’un mois d’aout ensoleillé sur le circuit du Hungaroing, l’homme d’affaires hongro-israélien (il a également la nationalité hongroise) a eu un gros coup de cœur pour le GP de Formule-1 qu’il regardait en tant que simple spectateur.

Nous ignorons si c’est la beauté des monoplaces, la victoire et du quatrième titre de Michael Schumacher ou bien la sortie de piste de Luciano Burti qui a impressionné Nissany. Toujours est t-il qu’il a désormais un nouvel objectif : devenir pilote de course, et accéder un jour à la F1 ! Rien n’est jamais trop tard dans la vie, surtout quand on veut débuter dans le monde du sport-auto à 38 ans !
Et à partir de 2002, il se lance directement dans le grand bain en disputant le championnat hongrois d’E 2000. Grace à sa fortune amassée en tant qu’homme d’affaires et au soutien de quelques sponsors venus d’Israël, Nissany pilote une Coloni CN198 à moteur Nissan su Szasz Motorsport pour toute l’année. Dans un championnat au niveau disons, modeste, et avec un plateau de monoplaces aussi varié qu’hétérogène, le pilote israélien termine vice-champion pour sa première année de compétition !
Et 2003 sera encore meilleure pour Chanoch. Toujours avec la même voiture et la même équipe, il remporte sept des huit manches du championnat et décroche le titre face à des noms comme Zsolt Harkanyi, Zoltan Balatincz, Miklos Magyar ou encore Tamas Toreoe. Et ce n’est pas fini : il est également champion de l’E2 Central European. En dehors de ces succès, Nissany s’essaya également à un championnat un peu plus compétitif avec le World Series Light, et cette fois, les performances sont beaucoup plus mitigées. Il faut dire que l’antichambre de World Series Nissan est plus costaud que les séries en Hongrie. Et face aux Juan Cruz Alvarez, Milos Pavlovic, Adrian Vallés, Matthias Lauda ou encore la fameuse Milka Duno, notre ami Chanoch ne peut faire mieux que neuvième à Zeltweg et termine douzième au classement final.
En 2004, et toujours en E 2000 hongrois, il remporte le championnat pour la deuxième année de suite. Durant l’été, Nissany aura l’opportunité de courir dans l’antichambre e la F1 : la F3000 Internationale. Grace notamment à ses soutiens, il sera au volant de la seconde Lola-Zytek de chez Coloni, qui court depuis plusieurs saisons dans ce championnat, aux côtés de Patrick Friesacher.
Sa première course en F3000 a lieu « à domicile », au Hungaroing. Découvrant la monoplace et la série, Nissany se qualifie 17e et avant-dernier, à quatre secondes de Vitantonio Liuzzi, et renonce en course en sortant de la piste (il faut également dire que les conditions de course étaient quelque peu détrempées). L’histoire se répète à Spa-Francorchamps, sauf que c’est la boite de vitesses qui causera son abandon. Il réussira à voir l’arrivée à Monza à la douzième (et dernière) position, à un tour de Liuzzi. Face à de jeunes pilotes et dans ce type de championnat, les résultats n’ont pas été impressionnants pour notre gentleman-driver des temps modernes. Mais durant cette même année, on lui offrira un joli cadeau venu tout droit de la planète F1…

Impressionné par son parcours singulier…ou par son portefeuille, Eddie Jordan lui propose un test au volant d’une de ses monoplaces sur le circuit de Silverstone. Et c’est ainsi qu’au beau milieu du mois de juillet, Nissany est derrière le volant de la Jordan EJ14 propulsée par le V10 Ford-Cosowrth sur le tracé britannique. Le rêve est en train de se réaliser devant ses yeux pour le quadragénaire ! Même si ce ne sont que des essais privés.
Pour ses premiers tours de roue avec une monoplace de F1, Nissany n’aura pas été gâté par la météo puisque les conditions étaient pluvieuses. Mais celui-ci bouclera tout de même vingt-cinq boucles avant que le moteur casse. Ses chronos ? Plus de dix-huit secondes de retard sur les McLaren également présentes sur le circuit. Par rapport aux temps des pilotes titulaires de chez Jordan, il concède plus de quatorze secondes à Giorgio Pantano.

En automne, Nissany refait encore des essais sur la même Jordan. Il accumulera des kilomètres et un peu d’expérience, juste pour le fun. Il récidivera fin-novembre à Misano, cette-fois au sein d’une autre petite équipe en manque d’argent : Minardi. Sous la houlette du bouillant Paul Stoddart, il pilote la Minardi PS04B avec Patrick Friesacher et Tiago Monteiro, ne concédant que trois secondes et demie au premier nommé.
Et c’est ainsi qu’il conclut son année 2004 en sport-auto. Et on peut dire qu’il aura eu pas mal de weekends chargés en ce qui concerne son passe-temps sportif, avec en prime le droit d’avoir pu rouler dans une F1 à deux reprises. Mais ne croyez pas que Chanoch en a pratiquement fini avec le sport-auto. Il repart en 2005 pour une nouvelle saison en E 2000 hongroise, toujours au sein du Szasz Motorsport. Et comme l’an passé, Nissany s’offre plusieurs tours de manège au volant d’une F1, chez Minardi encore.

A la fin du mois de janvier, Nissany a eu le loisir de tourner sur le circuit de Misano , toujours sur la PS04B, en compagnie de Christijan Albers et Nicolas Kiesa.
Cerise sur le gâteau le 2 février, le pilote israélien est nommé pilote-essayeur de l’écurie italienne. L’annonce a été officialisé par Paul Stoddart en Israël, se disant « impressionné par son enthousiasme, sa volonté d’apprendre et sa forme physique », sans mentionner bien évidemment que l’aspect financier a bien aidé.
Grace à cette titularisation, Nissany peut participer à chaque première séance d’essais libres du vendredi de tous les GP. Mais il faudra effectuer plusieurs essais privés au préalable pour ne pas être trop largué au chrono…C’est également un bon moyen d’obtenir sa superlicence en effectuant pas mal de kilométrages sur la piste. Il faut dire que les conditions d’obtention étaient un peu moins exigeantes qu’aujourd’hui puisqu’il suffisait d’effectuer au minimum 300 kilomètres sur une période de deux journées au volant d’une monoplace de F1 en essais.

Précisons également qu’avec son nouveau rôle chez Minardi, Nissany est contraint de sacrifier quelques manches de l’E 2000 hongrois. Cela ne l’empêchera toutefois pas de remporter quatre victoires et de manquer la couronne face à Balazcs Podor, pour sept petits points.
Revenons à son rôle de pilote de réserve en F1. Peu de temps après sa nomination, Nissany est convié à une nouvelle séance de tests, toujours à Misano. Peu de tours (six) ont été effectués et son meilleur chrono est à plus de six secondes d’Albers. Il retrouvera la PS04B à la fin du mois d’avril sur le tracé du Mugello. Durant tout le weekend, il bouclera 42 tours, sans jamais s’approcher (meme légèrement) des temps des pilotes-titulaires de l’équipe. Il sera ensuite sur le circuit de Vallelunga au beau milieu du mois de juillet, effectuant l’équivalant d’un Grand-Prix en termes de distance avec la nouvelle PS05 (apparue au GP d’Espagne, en mai). Au total depuis le début de l’année, le pilote aura parcouru près de 655 kilomètres.

Et ensuite ? Chanoch Nissany aura l’opportunité de disputer la première séance d’essais libres du GP d’Hongrie, sur le circuit du Hungaroing. Pour la première fois de la saison, Minardi alignera une troisième voiture le vendredi matin. Celles-ci étaient uniquement réservées au troisièmes pilotes (ou pilotes-essayeur) et seules les équipes classées au-delà de la cinquième place l’an passé étaient autorisées à les engager. Au volant de la jolie Minardi PS05 Cosworth, le local de l’étape (enfin, presque) est dans la cour des grands, même si cela ne dure qu’une matinée. Et dans un cadre et un tracé qu’il connait très bien, notre gentleman-driver espère bien se faire remarquer favorablement auprès des spécialistes, du public, de Paul Stoddart et de ses sponsors. Et puis, ça tombe bien : cette première séance d’essais correspond pile-poil au bon moment pour fêter son 42e anniversaire (il est né le 29 juillet), c’est une raison supplémentaire d’être extrêmement motivé pour cette occasion unique et de frapper un grand coup sur la piste !

Un grand coup, le pilote israélien en aura fait, mais d’une manière disons…particulière. Effectuant des chronos logiquement très modestes, ce dernier fera également pas mal de petits écarts de trajectoires et de petites erreurs de pilotage. Visiblement, le pilote n’est pas totalement en confiance avec sa voiture et face aux pilotes de F1 à ses côtés.
Et à moins de dix-huit minutes de la fin de la séance, Nissany semble hausser le rythme. Certainement un peu optimiste, il part à la faute au virage numéro 4 et s’enlise dans les graviers. Sa séance d’essais libres s’arrête ici. Et peu de temps après, une grue viendra évacuer la Minardi avec son pilote casqué : celui-ci n’a pas réussi à détacher le volant et donc, reste bloqué à l’intérieur du cockpit.

Parlons un peu de ses performances sur la piste. Ayant effectué un total de huit tours, son meilleur temps réalisé est de 1 :34 :319. C’est près de treize secondes de plus que le chrono de la McLaren d’Alex Wurz, et six de plus que la Jordan de Nicolas Kiesa qui était avant-dernier parmi les pilotes ayant fait un temps. Bien sûr, on ne s’attendait absolument à rien du tout de la part de Nissany, qui était là pour se faire plaisir avant tout. Et il était prévisible qu’il ne serait pas du tout au niveau de ses confrères sur le circuit. Mais il y’avait probablement moyen faire un peu mieux, et surtout de donner en partie tort à ses détracteurs dans un circuit qu’il connait bien. Mais il n’aura pas réussi à leur donner le contraire. Que s’est -il donc passé, Chanoch ?
La voiture a trop de grip ! C’est ce que le pilote avait déclaré à son équipe à la radio après ses premiers tours. Et ce n’est pas une erreur de traduction ou une quelconque légende urbaine. Le quadragénaire a bel et bien prononcé ces mots. Hormis ce détail insolite et inédit (d’habitude les pilotes se plaignent d’un manque de grip), faut -il croire que Nissany ne s’est pas assez entrainé sur la Minardi PS05 (il faut l’avouer, il n’a effectué qu’une grosse séance d’essai avant la Hongrie) ? Ou d’une manière un peu plus sérieuse, est ce que la monoplace était bien réglée et à l’aise sur ce petit tracé ? Et est ce que le pilote était quelque peu sous pression devant le public et le milieu de la F1 ? Un peu de tout probablement…

Après ce cadeau d’anniversaire de la part de Minardi, Nissany restera dans l’ombre, occupant toujours le rôle de pilote-essayeur au fond du garage. Et l’écurie italienne engagera la troisième voiture pour l’italien Enrico Toccacelo, du moins, pour les derniers GP européens de la saison. A la fin du mois de novembre, Nissany sera de retour au volant de la PS05 à Vallelunga, en compagnie de pas mal d’autres pilotes également invités pour l’occasion (comme Katherine Legge, Roldan Rodriguez, Davide Rigon ou Luca Filippi), toujours pour le plaisir et sans aucun objectif coté performances. Il roulera pendant quatre jours, et cette période marque également la fin de l’existence de Minardi en F1, qui sera rachetée par Red-Bull et qui la rebaptisera « Toto-Rosso » à partir de 2006.
Et ensuite ? Nissany a certes accompli son rêve, mais il continuera encore et toujours en E 2000 Hongroise. Et il faut croire que ce championnat lui réussit bien puisque face à ses jeunes adversaires (et quelques rares moins jeunes), il réussira une nouvelle fois à décrocher le titre à trois reprises : en 2006, 2007 et 2009. Au total, cela fait cinq championnats de gagné !

En parlant de l’année 2009 , son fils Roy, alors âgé de quinze ans, a effectué quelques piges dans ce championnat. Pour Chanoch, pas question de stopper ici, on continue encore à rouler dans ce championnat jusqu'en 2014, avant de raccrocher définitivement les gants, à l'âge de 51 ans.
Peu importe ce que les personnes et les mauvaises ( ?) langues disent, et de toutes façons il est fort probable qu’il s’en fiche totalement de ses détracteurs, il aura accompli son petit rêve fou, même s’il a été aidé par le portefeuille personnel.
Par la suite, il n’aura pas totalement coupé les ponts avec la compétition automobile soutiendra Roy qui courra en Formule 2 après avoir été intégré dans la Williams Academy. Cette année, il a couru en European Le Mans Series, sur une Oreca 07 LMP2 de chez Duqueine. Quant à Chanoch lui-même, il est le propirétaire du circuit hongrois de Balaton Park, situé à proximité du lac éponyme et ouvert il y'a quelques années.
Sources
Zone F1, Archves Autosport, extraits vidéos de J-M Boileau sur Youtube







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