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Brun C91 Judd (1991)

Photo du rédacteur: GoodstoneGoodstone

Après des années à engager des Porsche 962C désormais dépassées au début des années 1990. L'écurie dirigée par Walter Brun doit trouver une nouvelle voiture conforme à la nouvelle réglementation au championnat du monde de Sport-Prototype. Pour cela, la structure suisse va tout simplement créer sa propre machine !




Pilote amateur de bon niveau, le suisse Walter Brun fonde sa propre équipe en 1983 après avoir rachetée la structure GS Tuning. Basée à la fois à Stans (Suisse) et essentiellement à Gundelfingen (en Allemagne, près de Freiburg, ancien siège de GS Tuning) , le Brun Motorsport sera présente dans le monde des sport-prototypes, à l’époque du Groupe-C. Après des débuts avec « sa » Sehcar C83, Brun engagera des Porsche 956 et plus-tard, des 962C en compagnie de différents pilotes professionnels et d’usine en plus du patron-pilote. Rapidement, celle-ci devient l’une des équipes les plus performantes parmi les clients du constructeur allemand au sein du championnat du monde des sport-prototypes (WSC). L’équipe sera même championne en 1986.

 


De vendeur de machine à sous & flippers à pilote-propriétaire d'écurie: Walter Brun.

Pour Walter Brun, c’est la belle vie avec sa structure qui continue encore de bien se défendre à l’aube des années 1990. Mais c’est également une aventure très douloureuse en Formule 1 entamée en 1988. Le parcours d’Eurobrun s’arrête avant même la fin de saison 1990 après pas mal de non-qualifications et de performances faibles. C’est d’ailleurs une année difficile pour la structure suisse qui manque de réussite en WSC, la faute à une Porsche 962C qui prend de l’âge face aux autres Groupe-C.

 

En 1991, les fameuses Groupe-C n’ont désormais plus leur place en WSC. Ce sont désormais les Sport 3.5L qui représenteront la catégorie-reine du sport-proto en endurance. Comme leur nom indique, ces prototypes doivent être équipés de moteur de 3,5 litres atmosphérique…comme en Formule 1. Aussi performantes qu’impressionnantes, ces machines seront également très couteuses en termes d’exploitation ou de développement, surtout pour une équipe privée. C’est bientôt la mort de ce championnat…mais on entre ici dans un autre sujet.

 


Un passage en Formule 1 désastreux tant sportivement que financièrement. A la fin de l'année 1990, Eurobrun F1 disparait et ses 3 Porsche engagées dans la dernière manche du WSC, à Montréal, sont littéralement bonnes pour la casse ! Voila qui ne va pas arranger les choses financièrement parlant (©LAT Images)

Pour Walter Brun, que faire ? Sachant qu’il est impossible de se procurer un proto chez les constructeurs puisque tout nouveaux et non-vendus (sans parler du prix…), faut -il continuer avec la bonne vieille Porsche 962 comme il est encore possible d’engager les Groupe-C en 1991 (mais fortement lestées, histoire de ne pas faire d’ombre aux nouvelles voitures)…ou tout simplement créer sa propre machine conforme au nouveau règlement ? Eh bien, on va choisir…les deux dernières options.

Durant l’année 1990, et même un peu avant, Brun commençait à construire son propre proto, bien sûr conforme au Sport 3.5L. Avec un timing quelque peu juste, la voiture ne sera pas prête pour le début de saison ’91. Il va falloir ressortir la 962 et tenter d’accrocher quelques points pour patienter…

 

Une tentative courageuse de concevoir son propre proto, et si le budget n’est évidemment pas au niveau des Peugeot, Jaguar ou Sauber/Mercedes, Brun est néanmoins soutenu par le pétrolier Repsol. Le programme peut avant sereinement et sans souci majeur de trésorerie…


Extrait d'un article d'Autosport datant de début-1990. Le sponsor Hydro Aluminium partira à la fin de cette année, il ne restera que Repsol...


Sous la houlette de Steve Ridgers, Hayden Burvill et du jeune John Iley, le proto est construit en Angleterre, plus précisément chez Brun Technics à Basingstoke, qui est une antenne britannique de l’équipe et qui est un bureau d’études & d’ingénierie. Il est prévu d’installer un bloc inédit sous le capot de la machine, précisément un V12 construit par Neotech. Ce bloc allemand qui n’a jamais été utilisé en compétition (puisque pas vraiment opérationnel) se caractérise par sa légèreté. Les premiers contacts entre Brun, Rolf-Peter Marlow (à l’origine de ce bloc) et les frères Pehr (qui financent la construction du moteur) ont commencé au début de l’année 1990. Il était question d’utiliser ce V12 à la fois en F1 et en Sport-Proto. Un des Neotech sera même utilisé sur une des Porsche 962C de l’équipe suisse pour des tests qui se sont déroulés au début du mois de mars.

 


Test du V12 Neotech sur une Porsche 962C. Les essais avaient lieu sur le circuit de Zeltweg (©archives Brun Motorsport)

Malgré des performances semble t’il intéressants du moteur, cet essai n’ira pas plus loin. Neotech n’a pas les moyens pour développer et entretenir les V12  (ou les frères Pehr ne souhaitent pas investir massivement pour la compétition) tandis que Brun n’a tout simplement pas le budget pour l’achet des blocs (malgré le fait qu’il aurait trouvé un accord avec des investisseurs venus du Moyen-Orient, qui ont finalement capoté).

 

A défaut de V12, on va chercher un autre bloc un peu plus modeste, et qui équipe déjà les monoplaces de F1 avec les modestes Eurobrun ER189B. Il s’agit du V8 Judd. Ce n’est pas le bloc le plus puissant parmi les autres moteurs en F1, mais ça pousse déjà pas mal. En tout cas, ça parait suffisant pour propulser aisément une voiture de sport-prototype. Détail intéressant : il s’agira de la version EV du V8 britannique, plus moderne que les CV qui propulsaient les F1.

 


©archives Brun Motorsport

Comme il a été écrit au-dessus, la voiture est principalement construite à Basingstoke, mais elle partira ensuite à Stans pour l’assemblage final de la voiture. Celle qui sera la première véritable création (si on considère que la Sehcar C83 est basée sur la Sauber SHS C6) se nomme C91. Mais le proto n’est pas entièrement prêt pour le début de la saison 1991, il va falloir patienter un peu…

 


En attendant, Brun recycle les Porsche 962C pour le début de saison '91 en WSC. En fait, le suisse va conserver cette vieille Groupe-C tout au long de la saison (ici aux 24h du Mans) (©Jeremy Jackson)

Lorsque la C91 est enfin opérationnelle, celle-ci est présentée en juin durant les 24 Heures du Mans (où Brun engage deux 962C). Sous son aspect lisse et plutôt élégant se cache une voiture plutôt classique dans sa conception (ou presque) par rapport aux Peugeot 905, aux Sauber-Mercedes C291 ou aux Jaguar XJR-14. Le châssis est monocoque et la carrosserie en fibre de carbone est confiée à une société externe. A l’instar des autres protos des Sport 3.5L, on note également la taille considérable de l’aileron arrière.

 


Le radiateur est placé bien à l'avant du proto (© Dan Morgan)

La boite de vitesses provient de chez Hewland, le V8 Judd est logiquement retouché pour l’adapter aux épreuves d’endurance alors que Yokohama est choisi pour les pneus. Bien sûr, la C91 ne débutera pas directement au Mans. Il faudra attendre le mois d’aout pour la voir débuter en course.

 

On retrouve la voiture pour les  430km du Nurburgring. La Brun C91 sera pilotée par l’expérimenté pilote argentin Oscar Larrauri et le suisse Gregor Foitek . Parmi les 18 autres voitures engagées, on compte neuf protos de Sport 3.5L regroupées sous la classe « C1 ».  Citons les Peugeot, Jaguar, Sauber-Mercedes, deux ALD ou encore une autre nouveauté, la Konrad KM11 à moteur Lamborghini. Quelques vieilles Groupe-C sont encore là pour la promenade, Brun continue d’ailleurs d’engager la 962C jusqu’à la fin de saison en parallèle. Avec les équipes d’usine, la partie ne va pas être simple pour le Repsol-Brun Motorsport, mais il y’a moyen de s’accrocher face à ces constructeurs, et séduite à la fois un partenaire majeur ou un client potentiel serait aussi pas mal.

 

Les essais seront compliqués, la C91 manque de mise au point et de fiabilité et les pilotes ne signent que le 16e temps, à plus de dix secondes de la Jaguar de Teo Fabi. C’est d’ailleurs plus lent que la plupart des vieilles Groupe-C bridées au passage. Pour l’épreuve, la boite de vitesses rend l’âme avant même le départ…


©Dan Morgan

Un mois plus-tard, la voiture semble se comporter un peu mieux pour les 430km de Magny-Cours. Larrauri et Jesus Pareja (qui remplace donc Foitek) signent le 8e temps, au niveau des autres C1 bien que rendant près de six secondes aux Peugeot 905. Les vrais débuts en courses seront brefs : le moteur Judd casse au bout de 5 tours.

 

Le scénario se répète à Mexico. Sauf que la C91 tiendra jusqu’au tiers de l’épreuve avant que la voiture refuse de redémarrer après son arrêt aux stands.

 


Troisième abandon en trois épreuves, à Mexico (©LAT Images)

La dernière manche du championnat, sur le tracé nippon d’Autopolis, ne changera rien du tout par rapport aux épreuves précédentes : derrière parmi les C1, le duo Larrauri-Pareja renoncera sur panne de boite.


A la fin de l'année, Brun Motorsport termine neuvième et avant-dernière au classement. Heureusement qu'il y'avait la bonne vieille 962C pour grapiller quelques petits points à chaque manche.

 

Encore pas au point, la C91 a toutefois montré des timides progrès en ce qui concerne la performance. Mais il faudra que Brun améliore la fiabilité (et le V8 Judd semble avoir du mal sous le capot…) et la développer convenablement…Ce qui veut également dire qu’il va falloir énormément investir au regard du cout d’exploitation/entretien d’une Sport 3.5L. Pour une structure comme le Brun Motorsport, bon courage pour s’occuper de tout ceci.

 


©Robert Dalaudière

Entre le budget qui devient étriqué et le départ de Repsol, il n’y aura pas de suite au programme avec la C91, et l’équipe suisse ferme ses portes à la fin de l’année. Un exemple où il est pratiquement impossible pour une structure indépendante de se débrouiller toute seule en concevant sa propre machine (certes, Brun a laissé pas mal de plumes fin-90, avec la mort d’Eurobrun en F1 notamment). Oui, ce ne sont pas les premiers, et ils ne sont pas les derniers non-plus, et l’explosion des couts avec ces machines aura également accéléré les difficultés. D’ailleurs, le « succès » de ce que l’on peut de qualifier de F1 à toit fermé est tel que le WSC mourra à la fin de l’année 1992. Mais c’est un autre sujet…

 

Une seule Brun C91 a été construite. Elle a récemment roulé dans les meetings historiques avec Alex Muller au volant. Aujourd'hui, est est en vente.

 


Plus que la tentative d'attirer un client ou un partenaire majeur afin d'assurer l'avenir de la C91 (et du team), Walter Brun aurait contacté (ou l'inverse?) le constructeur espagnol Seat pour une association d'envergure, style Sauber-Mercedes. Mais il n'y a rien eu et la C91, ainsi que la couteuse formule du Sport 3.5L, marquera la fin de Brun Motorsport. (©?)


Fiche technique:


Moteur : V8 Judd EV 3496cc. Position central-arrière. Puissance : 640ch à 660ch à 11 700 tr/min.

Châssis : Monocoque en fibre de carbone. Boite de vitesses : manuelle 6 rapports Hewland. Poids : plus de 750kg. Pneus : Yokohama


Liens/sources:


Compte Instagram "Group C 3.5" : https://www.instagram.com/groupc3.5page/

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La Brun C91 est toujours en piste aujourd'hui, du moins dans les épreuves historiques. (©Nicolas Delpierre)

 

 

 

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