Une machine radicale, prête à manger les Porsche 935. Tel était l’objectif de cette Celica LB Turbo dans le championnat allemand de tourisme, le DRM.
Né en 1972, le DRM (comme Deutsche Rennsport Meisterschaft) est le championnat de tourisme allemand à cette époque. Autorisant les touring-car du Groupe 2 et les GT du Groupe 4 (comme les Porsche 911), le spectacle ne manquait pas dans cette série et le public pouvait apprécier les bagarres que ça soit en division 1 (voitures avec une cylindrée comprise entre 2 et 4litres) ou en division 2 (les moins de 2L).
Après une année 1976 marqué par une très très forte présence de Porsche 934 en Division 1, un changement radical se produit dès 1977: adieu les voitures de tourisme traditionnelles et places aux machines du Groupe 5 (déjà existantes dans le championnat mondial d’endurance en ’76). Celles-ci n’auront pratiquement plus rien à voir avec des voitures de série hormis la silhouette de la voiture, les portières et le pare-brise. Pour le reste : tout est permissif du côté des ajouts aéros ou de la puissance moteur (à condition de respecter la cylindrée maximale permise). L’intégration de ces modèles va en quelque sorte, préfigurer le DTM que l’on connait aujourd’hui.
Chasse aux allemands
Débutant véritablement la compétition automobile à l’aube des années 1960, celui qui deviendra le premier constructeur automobile mondial remportera plusieurs victoires dans les championnats de tourisme et d’endurance au Japon, avec des engagements officielles ou semi-officielles.
C’est à partir des années 70 qu’on verra des Toyota dans les compétitions européennes. En rallye, les participations d’Ove Andersson (entre-autres) sur les Celica GT ou Corolla Levin donnent des idées à la marque nippone, qui s’associe avec le pilote suédois pour créer les premières fondations de Toyota Team Europe. Sur la piste, ces mêmes modèles font leur apparition dans divers championnats de tourisme, mais essentiellement concentrés en Allemagne ou en Belgique, parfois avec un soutien léger de la part de Toyota.
L’arrivée de Toyota en DRM s’est faite par un préparateur et équipe basée en Bavière : je parle de Schnitzer. Eh oui, la structure fondée par les frères Josef et Herbert Schnitzer n’a pas que modifiée et préparée des BMW. Petite histoire : si elle a remporté plusieurs victoires dans les courses de cote ou en tourisme avec des 2002 Turbo ou des 2800 CS et même en Formule 2 avec Jacques Laffite en 1975 (avec un moteur BMW préparé par nos deux frères), celle-ci reçoit une offre de l’importateur allemand de Toyota, Toyota Deutschland, pour concevoir une machine pouvant rouler en DRM.
Schnitzer accepte l’offre. Pour la première fois, l’équipe allemande préparera autre chose qu’une BMW. Le modèle choisi pour le DRM sera la Celica Coupe-Liftback (ou LB, comme liftback), aux faux-airs de Ford Mustang.
La construction de la future Celica Groupe-5 a débuté fin-1976. Hormis le châssis, les portières et le pare-brise, la version Groupe-5 n’aura absolument rien à voir avec la voiture de série : spoiler à l’avant, aileron arrière, exocroissances, poste de pilotage reculé…seul le look est à peu près « proche » d’une Celica. A noter également que la carrosserie est désormais en fibre de verre.
Mécaniquement, les transformations faites par Schnitzer sont tout aussi radicales : avec l’aide de TRD (Toyota Racing Development), le moteur Toyota 18R-G 4 cylindres en ligne de 2 litres, bien connu pour équiper les modèles « sportifs » de la gamme de l’époque, est sensiblement boosté : cylindrée légèrement augmentée, ajout d’un turbo provenant de chez KKK, installation d’un injecteur Kugelfisher, ajout d’une culasse de 16 soupapes…Tout ceci fait que le moteur crache désormais 560 chevaux ! La boite de vitesses à 5 rapports provenant de chez Getrag aura la charge de faire passer cette puissance. Enfin, les pneus Dunlop chausseront celle que l’on nomme désormais Celica LB Turbo.
Un look monstrueux, des performances ahurissantes sur le papier, cette Celica « Silhouette » a tout d’une machine de Groupe-5 et ne pèse également que 860kg, soit 200 de moins que le modèle civil ou 100 de moins que la Porsche 935 à titre de comparaison.
Pour le pilote, l’autrichien Harald Ertl, qui a déjà roulé en tourisme et courant occasionnellement en F1, est choisi.
En territoire dominée
Les débuts de la Celica Turbo Groupe-5 sont programmés pour la huitième manche (sur 10) du championnat 1977 de DRM, sur le circuit rapide d’Hockenheim, à a fin du mois de juillet.
Engagée en Division 1, la voiture nippone exploitée par Schnitzer (qui engage également des BMW 320 dans la deuxième division) mais engagée sous le nom de Toyota Deutschland va devoir se confronter aux Porsche 934 et 935…et c’est tout, une petite quinzaine de Groupe-5 est présente dans ce championnat. La nouvelle réglementation vers cette catégorie ne fait pas vraiment recette…
Plutôt rapide en lignes-droites, Ertl et sa Celica vont vite déchanter en qualifications : 13e sur 16 avec un chrono signé en 2’27, soit plus de 25 secondes moins rapide que la 935de Manfred Schurti ! Manquant certainement de mise au point, la fiabilité a été mise à mal dès les premiers essais. En course, la Toyota renonce sur une casse du train arrière après quatre petits tours…
Prochaine étape la semaine suivante sur le tracé belge de Zolder. Les choses ne s’améliorent pas vraiment car Ertl rencontre encore des soucis techniques durant les essais et les qualifs’ (bien que moins largué que d’habitude). Et la course s’arrête après six boucles, culasse fondue…
La dixième et dernière manche se déroule au Nurburgring, pas sur la Nordschleife, mais sur la Start une Zielschleife, un tout petite tracé de 2 kilomètres et qui entoure les garages ainsi que la ligne de départ.
La Celica turbo verra l’arrivée, à une probante quatrième place.
Passé ceci, la voiture fait une nouvelle apparition à Zolder, mais pour une épreuve hors-championnat. Avec un plateau relevé, Harald Ertl s’impose et donne à la Celica LB Turbo sa première victoire. L’optimisme est de mise dans le camp Toyota Deutschland et Schnitzer.
Potentiel non achevé
La voiture connait quelques modifications pour 1978. Le spoiler avant a été redessiné, idem à l’arrière, ce qui devrait permettre à la Celica d’avoir une meilleure vitesse de pointe en ligne-droite, mais également pour exploiter pleinement la puissance du moteur sur les tracés sinueux. Pour le pilote, Ertl laisse sa place (il restera toujours en DRM et chez Schnitzer, mais en division 2 avec une BMW 320 Turbo) au champion en titre du championnat : Rolf Stommelen, excellent pilote allemand de tourisme et d’endurance, et également pilote F1 chez Arrows pour cette même année.
Notons que la Toyota est désormais peinte en rouge et blanc, couleurs de la marque japonaise.
Le premier round du DRM, à Zolder, montre des progrès coté performances, mais la fiabilité fait toujours défaut et Stommelen ne signe que le 9e temps parmi les 13 voitures présentes en Division 1. Pour la course, rien à dire, moteur cassé après deux tours.
Absente pour la seconde épreuve, les 300km du Nurburgring Nordschleife, Toyota Deutschland revient pour la manche suivante sur ce même circuit. Avec un plateau en hausse pour ce weekend du 30 avril, Stommelen n’échappe toujours pas aux divers pépins mécaniques en essais (moteur, échappement…) et ne se qualifie qu’au milieu du peloton. La Celica cassera encore en course, cette-fois après la moitié de l’épreuve.
L’équipe zappera la course de l’AVUS, car Stommelen court en F1 et n’est pas disponible et puis parce que le team se prépare pour les 1000km du Nurburgring qui arrivent la semaine suivante, à la fin du mois de mai. C’est justement dans cette course des 1000km que la Celica LB Turbo fera sa première participation au championnat du monde d’endurance.
Pour cette longue épreuve, Harald Ertl épaulera Stommelen. Bien qualifié sur ce long tracé (6e), le duo germanique semblait bien lancé pour un bon résultat sur cette course divisée en deux manches (deux fois 500km = 1000km total), mais comme d’habitude, la Celica est trop fragile : pompe à essence cassé lors de la manche 1 et moteur HS lors de la seconde…
De retour en DRM, la Toyota verra enfin l’arrivée sur l’aérodrome de Mainz-Finthen : huitième…bien que Stommelen n’ait pas franchi la ligne d’arrivée, le moteur n’a pas tenu !
La Celica ne sera pas présente à Zandvoort et Kassel. On la reverra pour Hockenheim avec une nouvelle voiture construite. Mais hormis ceci, aucun changement coté résultats malgré des qualifications honorables. Le pauvre Rolf Stommelen accumule les déboires : sortie de piste à Hockenheim, arbre de transmission cassé lors de la seconde venue à Zolder …
Finalement, le programme est arrêté avant la fin de ce championnat, manquant donc les meetings du Norising et du Nuburgring Sprint. L’association entre Toyota Deutshland et Schnitzer prend fin, le préparateur et équipe allemande, touchée par le décès soudain de Josef (un des frères Schnitzer) en cours d’année, retournera à ses chères BMW.
Agressive dans son look et affichant un potentiel plus qu'intéressant, la Celica LB Turbo était également trop fragile pour espérer briller en DRM. Les Porsche 935 n’auront donc pas été inquiétées…
Après ce parcours malheureux, une des deux Celica construites a été reprise par le préparateur nippon TOM’S pour participer au championnat de Super Silhouette, qui avait la particularité de se dérouler qu’au Fuji Speedway.
Avec Nobuhide Tachi (co-fondateur de TOM’S) au volant, la Celica LB Turbo va bien se comporter dans ce championnat, alternant podiums et quelques victoires entre 1979 et 1982 avant que la machine soit reprise par l’équipe TRUST pour courir dans le la même série jusqu’en 1984.
Le second exemplaire est tombé aux mains du pilote Peter Hansen en 1981. Vainqueur dans le championnat danois de tourisme en ’80 avec une Celica GT Groupe-5 différente de la LB Turbo, il l’utilisera pour une course en DRM, à Hockenheim où il finira 17eme.
Pour la petite histoire, cette machine fera un peu parler d’elle en 2009, quand la Celica ex-TRUST a été trouvée abandonnée quelque part dans un jardin privé au Japon !
Fiche auto
Moteur : Toyota 18R-G 4-cylindres de 2090cc, culasse de 16 soupapes ajoutée par Schnitzer
Aspiration : Turbocompréssé, d’origine KKK
Implantation : à l’avant
Puissance : 560 chevaux à 8800 tr/min
Couple : 530 NM à 6000 tr/min
Châssis : basée sur la Celica Liftback de première génération, carrosserie modifiée, élargie, en fibre de verre et autres matériaux composites
Boite de vitesses : manuelle 5 rapports, d’origine Getrag
Transmission : propulsion
Poids : 860kg
Dimensions : ?
Pneumatiques : Dunlop
Résultats en compétition
Engagée par Toyota Deutschland, voiture exploitée et préparée par Schnitzer
En 1977 :
Participe au championnat DRM, en Division 1.
Débuts à Hockenheim. 3 courses disputées dans ce championnat. 4e au Nurburgring Start une Zielschleife.
Victoire à Zolder lors de l’ADAC Trophy, course hors-championnat
Pilote : Harald Ertl
En 1978 :
Rolf Stommelen remplace Ertl
5 participations en DRM, 8e à Mainz-Finthen
Abandon aux 1000km du Nurburgring (équipage Stommelen-Ertl)
La voiture a ensuite couru en Super Silhouette Series, championnat japonais réservé aux voitures du Groupe-5, entre 1979 et 1984.
Une participation en 1981 à Hockhenheim, avec Peter Hansen.
Liens-sources
K.N
On voit le simracer qui a joué à GTR2 et RF1. car le DRM est bien représenté dans ces deux jeux.