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  • Photo du rédacteurGoodstone

DODGE CHARGER / Olympia Le Mans (1976)

Dernière mise à jour : 28 févr. 2021


Une caisse de NASCAR aux 24 heures du Mans? Improbable ! Et pourtant, c’est ce qui est arrivée lors de l’édition 1976 de l'épreuve mythique, à l’époque où les organisateurs cherchaient par tous les moyens de remplir le plateau en compensant le manque d’engagements officiels. Mais à quel prix ?



Fin 1973, le monde du sport-auto est touché par le choc pétrolier suite à la guerre du Kipour et des incertitudes subsistent pour l’année 1974. Si en Formule 1, certaines épreuves sont maintenues in-extremis pour la saison à venir, il n’en est pas de même ailleurs : réduction du calendrier et de la distance de certaines épreuves d’endurance, annulation du rallye du Monte-Carlo, etc…Bref, pratiquement aucune discipline n’est épargnée !

Et les 24 heures du Mans dans tout ça ? L’édition 1974 a été marqué par la victoire de Matra face aux Mirage-Gulf et à une Porsche RSR qui faisait office de GT-Silhouette. Mais l’année suivante marque le retrait du constructeur français ainsi que l’absence officielle de Porsche.


Le Mans 1974: dernière victoire de Matra (auteur inconnu)

Face à ceci et en réponse au choc pétrolier, L’Automobile Club de l’Ouest décide d’instaurer un nouveau règlement basé sur la consommation d’essence : chaque voiture (de toutes catégories) doit être capable de parcourir 20 tours avant de ravitailler, soit une consommation d’à peu près 40 litres au 100. Problème, cette mesure ne fait pas l’unanimité auprès des équipes ou des constructeurs, notamment de Porsche ou d’Alfa Roméo. Pire : la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) juge ce règlement incongru pour les courses d’endurance et retire les 24 heures du Mans au calendrier du championnat du monde des Sport-Prototypes (WSC). La course sera remportée assez facilement par une Mirage GC8 pilotée par Jacky Ickx et Derek Bell.



Echange outre-Atlantique

Pour l’année suivante, l’ACO change une nouvelle fois le règlement : on supprime le règlement basé sur la limitation des ravitaillements et afin de remplir les grilles de départ, les voitures de tourisme modifiées type « Groupe-5 » sont autorisées. Mais il y’a encore mieux…


En plus de l’ajout des Groupe-5, l’ACO entra en discussion avec l’International Motors Sport Association (IMSA), l’organisme américain qui s’occupe notamment des championnats de tourisme et d’endurance aux USA. L’objectif est de permettre aux véhicules réservés en IMSA d’être acceptés pour les 24 heures du Mans, ce qui donnera lieu à la catégorie « IMSA GT ». L’ACO discutera également avec les instances de la NASCAR pour la même raison.



Une Corvette aux 24h de Daytona '76 (photo George Boron)


Oui, vous avez bien lu : l’ACO veut amener les voitures de NASCAR, des voitures qui ne peuvent que tourner à gauche (insérez cliché ici), sur le circuit du Mans ! En voilà une idée curieuse…dont le « boss » de la NASCAR : Bill France (également directeur de l’IMSA cette période), dira immédiatement oui. Et c’est ainsi qu’on aura des voitures de stock-car sur-gonflées pour 1976 ! Maintenant, comment vont faire les teams intéressées pour se déplacer jusqu’en France ? Pas de souci : l’ACO prendra en charge le transport de ces voitures et les frais d’inscription ! Au passage, il faut également noter que Bill France sera le starter de la 44e édition des 24h du Mans (donc, pour 1976).


A la charge !!


Parlons maintenant du modèle qui nous intéresse : la Dodge Charger troisième génération, lancée en 1971, est l’une des dernière Muscle-Car originelles, notamment avec son V8 Hemi dont il disparaîtra à la fin de cette année-la…


Mais la Charger est également une sacrée machine dans le monde de la NASCAR, qui remporta de nombreux succès sur les ovales, notamment avec Richard Petty qui remportera la NASCAR Winston Cup en 1975. Celles-ci continueront de se battre dans ce championnat jusqu’en 1977.



Vous me direz, mais comment va-t-elle courir sur le long circuit du Mans ? Réponse simple : en gardant la même voiture tout en bricolant deux ou trois petites choses !



Un pilote va pourtant s’intéresser à cette Charger : Hershel McGriff, 50 ans, a participé à la Carrera Panamericana dans les années 1950 et continua encore à piloter dans les séries régionales de la NASCAR. Il a également terminé 3e de sa classe aux 24 heures de Daytona début 1976 avec une Chevrolet Nova. Initialement, celle-ci devait également participer au Mans en Juin. Mais accidentée lors d’une course de Tans-Am, McGriff dut se rabattre sur une Dodge Charger de NASCAR. Le tout financé par la NASCAR elle-même et les bières Olympus.


La Chevy Nova de McGriff, qui devait courir au Mans (photo Gary Larsson)

Parlons maintenant de la voiture en elle-même, le moteur est un V8 7-litres d’origine Chrysler/Mopar développant pas moins de 550 chevaux ! Une boite à 4 vitesses aura la tâche d’encaisser le couple du moteur. Parmi les aménagements faits pour courir au Mans, les portières ont été soudées, obligeant le pilote à monter/descendre par la fenêtre. Les rétroviseurs, pas nécessaires en NASCAR, ont été ajoutés, de même concernant les appendices aérodynamiques et les phares. Notons aussi que le taux de compression du moteur a été modifié car en NASCAR, les carburants ont un taux d’octane de plus de 100, contre …90 en France. Si cet indice est trop faible, le rendement du moteur sera très fortement affecté et endommagera les pistons ou le vilebrequin. Mais on y reviendra encore tout à l’heure.



(Auteur inconnu)

Le principal souci de cette Muscle-Car concerne son poids : plus de 1600 kg, même après avoir enlevé les éléments de confort ! En plus de cela, aucun élément mécanique n’a vraiment été modifié pour améliorer le comportement de la voiture, autant dire que la prise de virage risque d’être une épreuve.



(Photo Jean-Claude Poirier)

Succès à l’applaudimètre


Pour la classique mancelle, Hershel McGriff pilotera lui-même la Dodge, il sera secondé par son fils Doug, 30 ans et pilote en Trans-Am. Les pneus Goodyear équiperont la grosse voiture.


Première surprise : le nombre d’engagés s’élève à plus de 90 ! Bien plus ce que l’ACO prévoyait, mais en ouvrant la porte aux Groupe-5, la liste ne pouvait que s’allonger, même si une ribambelle de Porsche 911 sont inscrites à cette édition en classe GT…Avec une grille limitée à 55 voitures, les places seront chères…


Engagée en catégorie « NASCAR », la Charger sera également comparée à une Ford Torino engagée par Junie Donlavey, qui détient justement une équipe en NASCAR. Ce seront les deux seules voitures engagées dans cette classe. A titre de curiosité, quelques voitures courant en IMSA apparaissent également comme la démoniaque Corvette Greenwood, mais là n’est pas le sujet…


La Ford Torino qui courut, elle-aussi, au Mans '76

Lorsque la Dodge débarque début Juin au Mans, les instances de l’ACO feront tout pour faire le buzz autour de ces grosses NASCAR qui surprennent le public : exposition dans un centre-commercial au Mans et dans d’autres villes autour de la Sarthe (Angers, Caen, Cherbourg, Tours…). Inutile de dire que la mayonnaise a pris et le public est enthousiaste à la venue de ces monstres.


Partons directement à l’épreuve : Il serait incongru de comparer les performances de la Charger face aux Porsche 936, Alpine A442, Inaltera ou autres Mirage. Essayons plutôt de voir comment elle s’en sort face à la Torino.


A long way of the cross coming


Et ça commence déjà mal lors des premiers essais, la boite de vitesses adaptée pour les ovales en NASCAR a du mal à supporter les changements de vitesse à répétition et se révèle fragile. Mais ça, ce n’est rien à côté des deux casses moteurs qui ont eu lieu durant ces séances. Rappelez-vous du fait que ceux-ci utilisent désormais de l’essence à faible taux d’octane, mais au lieu des 90 comme prévu, l’indice utilisé pour la course est encore moins importante avec un taux à peine supérieur à 80, ce qui a pour conséquence de détruire les pistons !



Hershel McGriff tout sourire en montant sur la Dodge, mais c'était avant que les ennuis commencent...(auteur inconnu)

Les McGriff père et fils réussiront tout de même à se qualifier à la 47eme place, en 4 minutes 29, soit à un peu moins d’une minute de l’Alpine A442 qui a signé la pole et derrière une majorité de GT. A titre de comparaison, la Ford Torino n’a signé que la 55e et dernière place sur la grille.


Si on omet les soucis moteur, c’est le comportement dans les virages qui, comme il était prévu, posait problème à cause de son poids et de son châssis archaïque (logique, me diriez-vous). Ces points ont à peine été compensés par sa vitesse de pointe dans la longue ligne droite (sans chicanes à l’époque) : elle atteignait les 330 kilomètres à l’heure au bas mot, pas mal…


Après ces séances d’essais et de qualifications, Hershel McGriff tente par tous les moyens de persuader l’ACO d’utiliser du carburant à haut indice d’octane, en vain. Devant ce manque de temps, il ne peut que réaliser quelques retouches comme diminuer le couple du moteur. Mais c’est avec un certain pessimisme que le pilote américain va participer à ces 24 heures…


Lors du départ, la Charger donne déjà des signes de faiblesses. Et ce qu’il devait arriver arriva : faute de carburant adapté, le moteur ne tient pas le coup après seulement deux tours de course et moins de dix minutes après le départ, obligeant Hershel McGriff à s’arrêter sur la piste tandis que Doug n’aura même pas roulé avec cette Charger en course. Pendant ce temps, la Ford Torino tiendra le coup jusqu'au milieu de la nuit avant de renoncer la aussi...


Ce sera la première et unique fois qu’on verra ce type de voitures aux 24 heures du Mans. L’ACO voulait tout prix remplir les grilles en autorisant à peu près n’importe quel type de véhicule, le résultat est là : Si la Dodge Charger (et la Torino) a reçu un succès auprès du public, il n’en est pas de même coté performances. Au moins, le bruit rauque du V8 a du faire frémir pas mal de passionnés autour de la piste…


Et maintenant ?


Quelque peu oublié pendant pas mal de temps, la Charger, mais aussi la Torino, sont désormais présentes sur nombre de meetings rétro, l’instar du Mans Classic où la Charger aux couleurs Olympia fait des démonstrations régulières depuis 2012. Le public d’aujourd’hui pourra toujours admirer cette grosse caisse et le bruit de son V8 !




Caractéristiques voiture :


Moteur : V8 Mopar 5562cc

Aspiration : atmosphérique

Implantation du moteur : à l’avant

Puissance : Plus de 550 ch à ??tr/min.


Châssis : basée sur la Charger de NASCAR, elle-même basée sur la voiture de série.

Freins : à tambour

Suspensions : à ressort à lames

Boite de vitesses : Manuelle, à 4 vitesses, d’origine Chrysler

Transmission : aux roues arrière

Dimensions : 5,2m (L) * 2m (l)

Poids : 1625 kg.

Pneumatiques : Goodyear


Résultat en compétition :


Participation aux 24 heures du Mans 1976, engagée par Hershel McGriff, avec le soutien de l’ACO et la NASCAR. Sponsorisée par Olympia.

Pilotes : Hershel McGriff et Doug McGriff

Abandon au deuxième tour, sur casse moteur.

Continue de rouler dans les meetings historiques.



Il faudra attendre le milieu des années 1990 pour revoir une Dodge/Chrysler au Mans...(photo V Lapalud / 30 ans de passion)

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