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  • Photo du rédacteurGoodstone

Eagle Aircraft Flyer Special / DW2 - Chevrolet (1982)

Une drôle de machine qui a déboulé sur le fameux ovale d'Indianapolis




Ingénieur spécialisé dans l’aéronautique, Dean Wilson fonde en 1977 sa propre compagnie de construction d’avions : Eagle Aircraft. Celle-ci est basée à Boise, dans l’Idaho (USA). La même année, Eagle dévoile son premier appareil : le DW-1, petit avion biplan léger et qui sera produit en 95 unités de 1979 à 1983. Ce dernier connaitra une certaine popularité auprès des personnes issues du monde agricole. Aujourd’hui encore, on dénombre encore une petite trentaine qui circule encore dans les airs…


Le DW-1 sera surtout utile pour le jet d'engrais ou d'autres produits sur les terres agricoles (©Jason McDowell)

A priori, rien n’indique clairement que Eagle s’impliquerait dans le monde de l’automobile, et encore moins en compétition. C’est sans compter un homme qui va persuader Dean Wilson de s’engager dans le championnat principal de monoplaces aux USA, et plus particulièrement aux 500 miles d’Indianapolis. Son nom ? Joe Turling.


Homme d’affaires américain, multimillionnaire, propriétaire de plusieurs concessions Caterpillar dans le pays et certainement client d’Eagle, Turling convainc Wilson à construire autre chose que des avions, et plus encore, de construire une machine originale capable d’exploiter l’effet de sol, rien que ça !


Malgré sa totale inexpérience en dehors de la conception aéronautique, Wilson accepte la proposition de Turling (qui lui apporte l’argent) . Une nouvelle opportunité de se faire connaitre dans le monde su sport-auto pour les deux personnages si ce programme inédit est un succès. Le programme a commencé à la fin de l’année 1982 et la monoplace sera construite dans les ateliers d’Eagle, toujours à Boise. Il n’y a que son fondateur qui travaille sur ce projet, aucun préparateur ou autres spécialistes ont été contactés pour ça…


Une monoplace en CART qui exploite l’effet de sol, ce n’est pas inédit puisque la Chaparral 2K existe déjà depuis 1979. Ailleurs, la Formule-1 utilise déjà cet effet depuis que Lotus a démocratisé ceci depuis 1977. Mais pour Wilson, on ne va pas s’inspirer de la Chaparral ni des monoplaces de F1 : s’appuyant sur ses connaissances dans le monde de l’aviation, il va créer quelque chose d’inédit, et radicalement différent en comparaison des autres monoplaces outre-Atlantique.


La Chaparral 2K (©?)

Très étroite et à la fois large, très longue (surtout coté empattement), massive…Celle que l’on nomme Eagle Aircraft Flyer Special, ou DW-2, est également conçue rapidement. Outre sa forme originale (et pas vraiment élégante), sa conception est également…archaïque : le châssis est en tubes d’acier alors que les autres machines sont monocoques. La carrosserie est en feuille d’aluminium, de balsa ainsi que du bois contreplaqué.


Notons également que la DW-2 est dépourvue de véritable aileron, que ça soit à l’avant et à l’arrière ! Telle était l’idée de la monoplace à effet de sol selon Dean Wilson. Chose intéressante, la machine ne possède pas de pontons latéraux élargis, élément pourtant important pour créer cet effet. Le cockpit également mérite notre attention : celui-ci est placé très en avant de la voiture. Wilson installe les radiateurs à peu près à la même position, c’est comme ça que fonctionne l’effet de sol selon son créateur. Bref, la machine est étrange, presque anachronique.


Dean Wilson aurait étudié la DW-2 dans une soufflerie, mais rien n'est moins sur...

Enfin, un bloc Chevrolet issu de la série et de 5,8 litres propulse cette voiture. Sa puissance est de 730 chevaux en plus d’être installé en position central-arrière (comme toutes les autres voitures cette-fois). La DW-2 est prête pour courir en 1982, plus précisément aux 500 miles d’Indianapolis, manche du championnat CART (et non plus l’USAC, il y’avait eu un split entre ces deux championnats quelques années auparavant).


Pour le pilote, Ken Hamilton est choisi. Originaire de l’Idaho également, il a essentiellement roulé en Midjet et en Sprint Car. Mais son expérience en USAC ou en CART est plus que limitée. Il a d’ailleurs tenté de se qualifier à Indianapolis en 1981 à son propre compte, sans succès.


Ken Hamilton en 1981 lors de sa tentative de se qualifier aux 500 miles d'Indianapolis. Il avait pilote cette Riley à moteur Chevrolet (©Kelly Christensen / Idaho Historical Racing)

Avec l’originale Eagle, il aura une nouvelle chance d’espérer s’aligner au départ de ces fameux 500 miles malgré son statut de rookie (à 41 ans). Toutefois, lorsqu’il voit la DW-2 pour la première fois dans les ateliers de chez Eagle, il n’est absolument pas convaincu du concept et se questionne sur l’efficacité de celui-ci. En attendant, le pilote aide également Wilson en lui apportant certains éléments comme les suspensions et les transmissions de meilleure qualité. C’est également lui qui a emmené le bloc Chevrolet.


Malgré sa tentative en 1981, Hamilton va devoir passer quatre jours de test du Rookie Orientation Program sur l’ovale d’Indianapolis, en avril et plus d’un mois avant la fameuse épreuve. Un passage imposé par les officiels qui doutent également des performances de l’Eagle DW-2. Et au vu de l’absence de roulage auparavant, il en aura bien besoin. D’autant plus qu’on annonce plus de 90 engagés pour cette édition…Sacré défi pour Hamilton et Eagle qui engage elle-même la voiture (une petite équipe s'est formée pour ce programme).


Les garages sur l'oval d'Indy sont pleins, toute l'équipe Eagle est "logée" sur un parking...(©Indianapolis Motor Speedway Museum)

Les mauvaises impressions de Ken Hamilton à propos de la DW-2 se confirment : rien ne va au volant ! Sur l’ovale de 2,5 miles, a machine est horrible à piloter, ne tourne pas, se montre extrêmement instable et a une farouche tendance à vouloir partir de travers à chaque tournant. Plus problématique, Hamilton n’arrive pas à atteindre la vitesse minimale nécessaire : fixée à 190 miles à l’heure (à peu près 305 km/h), le pilote peine à atteindre les 175 mp/h (plus ou moins 280 km/h), trop effrayé par le comportement de sa monture…



Un drôle de monstre, chose pourtant pas rare dans l'histoire des 500 miles d'Indianapolis (©?)

Plusieurs tours après, Hamilton perd le contrôle de la voiture et effectue plusieurs spin. Fort heureusement, celle-ci ne tape pas le mur et la DW-2 reste intacte (une chance pour le pilote dont rappelons-le, le cockpit est placé bien à l’avant…). Mais refroidi de ceci, Hamilton supplie Wilson de stabiliser sa création ou d’ajouter des ailerons (ou des ailettes) fonctionnelles, en vain.


A défaut de mieux, Hamilton décide lui-même d’ajouter ces améliorations. Grace à ses relations dans le milieu, il a trouvé un aileron arrière adapté à la DW-2 qu’il a payé de sa propre poche. Au moins, l’ajout de cet élément devrait permettre d’améliorer un tout petit peu la stabilité de la voiture…et de gagner un peu en vitesse. Tout est prêt pour une deuxième tentative sur la piste le lendemain…


Ce qu’Hamilton ne sait pas, c’est que Wilson a dans le même temps, changé le jeu de suspensions sans briefer son pilote. Résultat : le comportement de la DW-2 est encore pire, et le pilote fera une série de figures identique que la veille. Heureusement, la voiture n’a rien et le pilote non-plus, une nouvelle fois.


©Fastlane

Troisième tentative et cette-fois, il n’effectuera plus de grosses figures sur la piste. Néanmoins, rien n’a changé sur cette satanée DW-2 hormis le fait qu’Hamilton fait un tout petit peu mieux coté vitesse maximale enregistrée. Ce dernier, plus du tout amusé par les caprices de la machine, ne veut plus remonter dans celle-ci et risquer sa vie. Pour Dean Wilson, c’est simple, autant tout laisser tomber et rentrer dans l’Idaho…


Une monoplace à effet de sol inefficace. C'est davantage une monoplace à effet "de l'air" pour certains (©IMS Museum)

En fait, celui-ci (et Turling) a littéralement déserté les lieux (à Indy) et abandonné l’équipe, et la voiture avec. Ken Hamilton récupère la DW-2 et revend quelques pièces (incluant le moteur) afin de récupérer un peu d’argent. Des années plus-tard, la voiture est revendue à une autre équipe ayant couru en CART, la Hemelgarn Racing. Elle va restaurer la Eagle DW-2 mais lors de la dissolution de l’équipe en 2008, la curieuse machine crée par Dean Wilson disparait des écrans radars…


La DW-2, ou Flyer Special, n’aura donc jamais vraiment couru en compétition, peut-être un mal pour un bien au vu du danger potentiel de cette bizarrerie et au moins, Ken Hamilton (parfois crédité comme non-qualifié pour les 500 miles d’Indy, pour certaines sources) peut se vanter d’avoir piloté celle-ci sans se faire mal !




Ken Hamilton n'aura plus jamais l'opportunité de retenter l'Indy 500. Son fils Davey aura plus de chance en participant à chaque reprises cette épreuve entre 1996 et 2011. (©IMS Museum)

Liens / Sources











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