Minardi M188 Subaru (1989)
- Goodstone
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En débarquant dans le monde de la Formule 1, il y’a quarante ans, Giancarlo Minardi ne se doutait certainement pas qu’il allait connaitre vingt années de galères et d’histoires plus ou moins cocasses dans le fond du peloton. Après des débuts à partir de 1972 en Formule 3 italienne, puis en F2 sous le nom de la Scuderia Everest, la petite structure italienne vise plus-haut à partir de 1985, à savoir la catégorie-reine de la monoplace. Mais à défaut de rejoindre Ferrari en termes de performance, on peut espérer faire de la bonne figuration dans le peloton pour les premières années. Mais les premières saisons seront extrêmement difficiles pour l’écurie basée à Faenza qui accompagne assez souvent Osella, autre structure venue d’Italie également, dans le ventre mou du peloton et dans la liste des abandons en course. Entre le manque de moyens techniques et financiers, une équipe inexpérimentée ou encore un V6 turbo de chez Motori Moderni aussi fragile que peu compétitif (et gourmand !), Minardi accumule les difficultés et collectionnera davantage les casses mécaniques que les arrivées.

Aucun point ne sera marqué lors des trois premières saisons et en 1988, Pierluigi Martini délivre enfin l’écurie en marquant le point de la sixième place dans les rues de Détroit. Cette-fois, la monoplace est propulsée par un V8 Ford-Cosworth DFZ, certes modeste et ne disposant pas de turbo (qui sera banni dès la fin de cette saison), mais qui a le mérite d’être fiable et éprouvé.
Le début de saison 1989 est laborieux. Avec la voiture de l’an passé quelque peu modifiée et dotée du même moteur Ford-Cosworth, Martini et Luis Pelez-Sala accumuleront les pépins techniques et les accrochages. La nouvelle monoplace, la M189, arrive au cours du printemps, mais celle-ci manque encore de mise au point pour ses débuts, au GP du Mexique, et il va falloir encore un peu de temps pour qu’elle montre son potentiel sur la piste.
Ce printemps 1989 est également une période intéressante pour Minardi, mais hors GP. Sur le circuit de Misano le 17 mai et alors qu’on finalise les essais sur la M189 avant ses débuts en compétition, on peut voir un châssis de la saison dernière, la M188, avec le train-arrière quelque peu modifié. La chose la plus intrigante est que la voiture porte le nom de Subaru. Oui, on parle bien du constructeur nippon qui aura ses heures de gloire en rallye quelques années après…

Subaru en F1 ? Oui ça avait bien existé, très brièvement certes. Jusqu’alors cantonnée au rallye du Safari avec des Leone RX Turbo 4x4 qui ne font que de la figuration, la petite marque (comparée à Toyota, Nissan et Honda) veut dynamiser son image et s’impliquer un peu plus en compétition automobile. Voulant apparemment suivre les traces d’Honda (et de Yamaha par ailleurs), pourquoi ne pas créer un moteur pour la Formule 1 ? En 1989, les blocs turbo sont définitivement morts et enterrés, c’est certainement le bon moment de d’investir dans la discipline avec un moteur atmosphérique de 3,5 litres même si la concurrence est rude dans le milieu : Honda, Renault, Ferrari, Ford-Cosworth, Judd, Yamaha et Lamborghini…il y’avait pas mal de beau monde !
Toutefois, Subaru n’a aucune expérience dans le milieu et au vu du manque de temps et de l’absence d’une véritable structure pour ce programme, elle va contacter une structure qui réalisera le moteur. Et cette entité, c’est Motori Moderni, la même qui fournissait les blocs turbo à Minardi entre 1985 et 1987. Comme le monde est petit…
Le fondateur de Motori Moderni est Carlo Chiti. Cet ingénieur émérite avait travaillé chez Ferrari, participé au projet A-T-S et rejoint Alfa-Romeo avant de créer sa propre officine. Et alors que le partenariat avec Minardi concernant la fourniture des V6 turbo prend fin, Chiti est justement contacté par Subaru pour concevoir un bloc inédit. A la demande du constructeur, il faut que ce moteur est à plat, caractéristique des moteurs de la marque présents sur la Leone ou le coupé XT de série. Ensuite, le choix se porte sur un V12. Il n’y a que Ferrari et Lamborghini qui possèdent un bloc aux caractéristiques identiques.

Le bon gros V12 à plat, badgé Subaru et Motori Moderni, est à peine fini qu'il va pouvoir rugir lorsque Minardi accepte de tester ce moteur. Cet accord s’est réalisé grâce aux relations entre Chiti et Minardi. Est-ce une tentative du premier nommé à chercher un véritable partenariat pour 1990, et de permettre à Subaru de prendre progressivement le contrôle de l’écurie Minardi à terme ?

On revient au mois de mai 1989 et la M188 remodelée pour accueillir ce bloc est pilotée par Pierluigi Martini. Il n’y aura pas grand-chose à raconter lors de cette première journée de test car le moteur connait un premier souci après trois boucles. Ce sera à peine meilleur le lendemain avec une vingtaine de tours dans l’ensemble avant une nouvelle casse.
Les essais reprennent en juin, toujours sur le même circuit. Cette fois, les pilotes titulaires ne seront pas de la partie. A la place, on aura Paolo Barilla et Gianni Morbidelli qui seront volontaires pour ce mois-ci. Mais que ça soit pour l’un ou pour l’autre, l’histoire sera pratiquement identique, avec plus de tours réalisés toutefois…

Ce sera mieux en juillet. Les soucis de fiabilité du V12 ont, semble t’il, été résolus et la voiture a pu effectuer un long run sans le moindre pépin (55 tours couverts). Une performance encourageante ? Pas vraiment, car tout repartira de travers en aout.
Une nouvelle boite de vitesses, conçue par Minardi et implantée de manière transversale, est installée. Mais cela ne changera pas grand-chose à la prestation de la M188 sur le circuit de Misano. De nouveaux soucis liés au bloc Subaru ont apparemment été recensés. Et après un ultime essai à la toute fin du mois qui se serait déroulé honorablement au vu de la fiabilité du V12 (avec Pierluigi Martini), Giancarlo décide de ne pas insister davantage et met fin à quatre mois de tests débouchant potentiellement sur un partenariat entre les deux entités à terme.

Au vu des multiples soucis rencontrés avec le gros V12, on peut comprendre Minardi de ne pas perdre du temps avec cette usine à gaz et de se concentrer sur la fin de saison en championnat de F1 où la M189 dotée d’un V8 Ford-Cosworth bien plus sur montre un potentiel intéressant. Et puis, des bruits circulent que la petite écurie est en passe de conclure un accord avec Ferrari pour la fourniture des moteurs. Ce sera effectivement le cas en 1991.
D’ailleurs, le bloc italo-nippon accumule presque tous les défauts possibles : poids élevé, puissance réelle insuffisante (elle ne cracherait pas 600ch comme annoncé, mais plutôt dans les 560 grand max), fiabilité très insuffisante et les caractéristiques de ce V12 à plat (dans tous les sens du terme, heh !) font qu’elles affectent le comportement de la M188 à cause de la largeur du bloc…Après le V8 turbo, la dernière création de Carlo Chiti n’est pas une réussite. Il ne reste plus qu’à trouver un autre client potentiel, intéressé (ou désespéré faute de mieux ?) par ce V12 Subaru…Ce sera chose faite dès 1990 lorsqu’un partenariat entre Subaru et Coloni, autre petite structure venue d’Italie, sera conclu.

Et ailleurs, ce moteur sera présent dans une supercar nippone qui n’entrera jamais en production. C’est la Jiotto Caspita. Et on la verra même en sport-prototype, dans le championnat du monde d’endurance, dans une Alba AR20 en 1990, sans aucun succès bien évidemment…
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Archives Autosport

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