Répondant à la toute nouvelle réglementation du Groupe-B lancée en 1982, l’Escort RS700T et RS2300 devaient être la nouvelle arme de Ford face aux Audi Quattro ou à la radicale Lancia 037.
Les premières participations de Ford en rallye commencèrent au milieu des années 1930, avec des Model A V8. Après des apparitions occasionnelles des Zephyr ou de la Falcon entre les années 1950 et le début des années 60, la marque américaine (enfin, surtout sa branche anglaise et parfois la filiale allemande) va sérieusement s’impliquer dans cette discipline en engageant des Cortina Lotus et surtout, l’Escort à partir de 1968 dans ses versions Mexico ou RS1600.
Du Model A V8 au Monte Carlo 1935 à l'Escort qui apparait à la fin des 60s puis les Fiesta WRC de nos jours, on peut dire que le nom Ford est présent en rallye depuis presque toujours (©Alamy stock photo & Rallyworldwide)
Les succès s’accumulèrent dans le championnat mondial de rallye (crée en 1973) ou dans les diverses épreuves à l’échelle continentale ou locale L’arrivée de la seconde génération de l’Escort ne bouleverse en rien les bons résultats de la marque à l’ovale. L’Escort RS1800 et son fameux moteur BDA seront pratiquement invincibles dans les rallyes britanniques et mieux, cette voiture permettra à Ford de remporter le titre mondial des constructeurs en 1979 (grâce notamment aux pilotes Hannu Mikkola et Bjorn Waldegard).
Le constructeur décide néanmoins de se retirer partiellement du rallye après ce succès, laissant aux équipes clientes d’exploiter l’Escort durant les années suivantes bien que Ford les soutienne dans cette opération, à l’instar de la structure de David Sutton.
En fait, l’une des raisons de ce semi-retrait est que Ford travaille sur un nouveau projet destiné à remplacer la toujours compétitive, mais également vieillissante Escort RS1800. Dans le même temps la FIA va instaurer le nouveau Groupe-B, largement moins contraignant coté réglementation/technique et destiné à remplacer les Groupe-4 (la classe ultime en rallye notamment).
Le projet a débuté courant 1979. Quelques idées ont fuité comme une Fiesta à moteur central-arrière, le même modèle avec le moteur BDA et en simple traction ou de l’Escort RS1800 sur-vitaminée. Finalement, la future machine se basera sur l’Escort de troisième génération, commercialisée chez nous en 1980. Elle sera conçue et développée dans les ateliers de Ford Motorsport à Boreham, en Angleterre et dirigée par Peter Aschcroft.
Du retard sur le développement
Le souci, c’est que les ingénieurs de chez Ford Motorsport ne savent pas quels éléments techniques utiliser : faut -il intégrer la transmission intégrale comme sur la future Audi Quattro ? Continuer avec le même moteur BDA qui a fait ses preuves avec les autres modèles ? Utiliser une technologie nouvelle ou ne presque rien changer ? En tout cas, il est décidé que cette Escort Groupe-B sera une propulsion, contrairement au modèle de série qui est une traction. Ce choix se justifie par le fait que ce type de transmission est plus « adapté » aux spéciales de rallye et que la transmission intégrale n’est pas un élément encore maitrisé (en plus d’être couteux) chez Ford. Voila un premier point acquis. Cela dit, le projet avance lentement et la construction du prototype ne débute qu’à l’automne 1980.
En utilisant la carrosserie de l’Escort 3 portes, la voiture est présentée au public pour la première fois lors du salon de Francfort en septembre 1981.
La voiture est très loin d’être terminée, mais son aspect extérieur montre bien à quoi ressemble à peu près une machine de rallye homologuée en Groupe-B.
Parmi les autres éléments connus, la boite de vitesses d’origine Hewland est implantée à l’arrière de la voiture et est également dotée du transaxle, un système à l’origine crée par Porsche (avec les 924 ou les 928 notamment) qui permettait d’équilibrer la répartition des masses en plus de favoriser la maniabilité du véhicule. Toutefois, la construction de la boite et du système ne débuta qu’à l’été 1981. Il va falloir se dépêcher…
Premiers tours de roue
La réglementation Groupe-B débutera en 1982 (tout en gardant les Groupe-4 pour cette année la). Il est évident que Ford ne sera pas prête à temps et la marque à l’ovale annonce que l’Escort fera ses débuts en compétition vers l’été 1982.
En attendant, les premiers essais avec la voiture débutent en avril 1982 au Portugal, un mois après l’épreuve comptant pour le championnat du monde.
Deux Escort sont présentes avec deux moteurs différents :
Le premier a un Cosworth BDA de 1700cc. Un turbo d’origine Garrett est également intégré dans cette voiture qui donnera le nom « BDT » au 4-cylindres crachant 320 chevaux. La voiture ne pèse que 890kg sur la balance.
Le second est un 2300cc atmo développé par Brian Hart. C’est également un 4-cylindres qui donne au maximum 300 chevaux pour 900kg. Il est étroitement dérivé du même bloc Hart qui propulse plusieurs monoplaces en Formule 2 à l’époque.
Ces deux versions ont l’injection électrique Bosch, une carrosserie élargie par rapport au modèle de série et un spoiler arrière agressif. Il faut également noter que la taille des prises d’air sur le capot est différente selon la version (pas évident à différencier de loin).
Pour ces tests, deux pilotes finlandais sont appelés : Pentti Airikkala, qui court justement pour Ford dans le championnat britannique de rallye, et Ari Vatanen, champion du monde en 1981 (sur l’Escort RS1800) et sans volant à temps-complet en ’82.
La premier nommé roulera sur la 1700T tandis que le second aura droit à la RS2300. Les essais ont montré que la version turbo est compétitive sur le gravier sec, même si elle resterait un poil en retrait face à la Audi Quattro (encore homologuée en Groupe-4 en 1982). Par contre la RS2300 a eu un retour négatif de la part de Vatanen et en plus, cette voiture est endommagée après une sortie de piste.
Au final, seule la version BDT turbo est conservée pour la suite du programme. Pendant ce temps, Ford annonçait que cette Escort RS1700T va débuter lors du rallye d’Ecosse, manche du championnat britannique de rallye en juin, puis reporté plus de cinq mois plus tard pour le RAC Rally, ultime manche du championnat du monde.
Cependant, la voiture ne fera pas cette épreuve et Ford préfère continuer le développement de l’Escort. Le second essai se déroule courant décembre en Angleterre avec les mêmes pilotes plus Malcolm Wilson. Cette-fois le BDT crache désormais 350 chevaux et la carrosserie a subi quelques modifications (aménagement des prises d’air…).
Pendant que ces tests se poursuivent, le règlement du Groupe-B indique que 200 exemplaires doivent être commercialisé afin d’obtenir l’homologation. Considérant que 18 RS1700T ont déjà été construites à Boreham, Ford prévoit de confier le reste de la production dans l’usine de Sarrelouis, en Allemagne. Tout est prêt pour 1983 et la marque compte engager l’Escort ES1700 en compétition d’ici le printemps de la même année, au championnat mondial et plus précisément au Portugal ou au Tour de Corse.
Tout ça pour ça
Mais malgré cet optimisme et le fait que le projet est pratiquement finalisé à cette période, l’Escort « Grp. B » ne fera pas ces déplacements et pire, le programme est totalement arrêté fin-mars. Que de temps et de l’argent perdu !
Les raisons à ceci sont assez floues, mais compréhensibles : L’Escort RS1700T était trop archaïque pour se battre avec les autres Groupe-B et pas assez « innovante ». Certes la voiture ne disposait pas de 4 roues motrices par exemple, mais la Lancia 037 était dans ce même cas et surtout, elle était davantage une machine de compétition qu’à une voiture étroitement dérivée de la série.
L’arrêt brutal du programme coïncide avec le retour de Stuart Turner dans le département compétition de Ford à Boreham (remplaçant Aschcroft). Dans le même temps, un autre programme est stoppé, avec la C100 courant en endurance.
Peu de temps après cette histoire, Ford planche sur un autre projet destinée la-aussi à courir en rallye et exploitant au mieux les libertés permises dans le règlement du Groupe-B. Ceci donnera naissance à la RS200 dont le développement commencera en 1984.
Quant aux quelques 18 Escort RS1700T construites. Une est passée entre les mains de Malcolm Wilson où il participera à trois épreuves en Afrique du Sud en 1984 où il ne connaitra que des abandons. Aujourd’hui, il conserve une ou plusieurs ( ?) voitures dans les garages de son équipe, M-Sport.
Autre pilote ayant utilisé cette Escort, Serge Damseaux a également couru en Afrique du Sud entre 1984 et 1895 avec quelques succès (il faut noter que ce championnat autorise des voitures officiellement non-homologuées de courir). La voiture a semble t-il, également couru en Angleterre, mais difficile de trouver des sources précises…
Fiche auto (pour la RS1700T)
Moteur : 4 cylindres BDT à 16 soupapes, 1778cc
Aspiration : turbo d’origine Garrett
Implantation : à l’avant
Puissance : 320 à 350 chevaux
Châssis : Monocoque en acier, basée sur l’Escort de troisième génération
Suspensions : d’origine Bilstein
Boite de vitesses : Manuelle à 5 vitesses, d’origine Hewland
Transmission : à l’arrière
Poids : 890kg
Dimensions : 3,97 m (L) x 1,7m (l)
Pneumatiques : Pirelli
Sources principales
Rallyes Magazine, Hors-série Les légendes du rallye : spécial Groupe-B, été 2013
K.N