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  • Photo du rédacteurGoodstone

Fin de règne brutal: Ferrari - F1 - 1962



Présente depuis que la naissance du championnat de F1 en 1950, la Scuderia Ferrari marque le pas face aux « garagistes » britanniques à l’aube des années 1960. La raison ? L’avènement des monoplaces à moteur arrière lancé par Cooper en 1958 bouleverse le petit monde dans les garages. Pendant ce temps, Enzo Ferrari refuse de suivre ce mouvement et persiste toujours avec la bonne vieille formule de la machine à moteur avant, et tant pis si la D246 F1 tire la langue face à ses rivales Outre-Manche.


Les 246 F1 sont désormais obsolètes en 1959, ici Phil Hill à Monaco

On peut également expliquer ce manque de performance par un turnover régulier coté pilotes d’année en année (parfois dus à des circonstances tragiques) ou par quelques querelles internes…Cela dit, l’année 1960 verra l’apparition de la première monoplace Ferrari de F1 à avoir un moteur à l’arrière (et plus précisément central-arrière) : la 246P qui participera au GP de Monaco. Les ingénieurs de l’équipe, Carlo Chiti et Vittorio Jano en tête, ont construit en toute discrétion cette monoplace (basée sur la D246) durant l’hiver 1959-60 et celle-ci est davantage un gros brouillon qu’autre chose. Mais il semblerait que la marque au cheval cabré va elle aussi, se mettre à la nouvelle mode qui restera toujours en vigueur aujourd’hui encore…


La 246P en essais à Modène

Un peu plus tard dans l’année, Ferrari engage sur le circuit de Monza une autre monoplace à moteur arrière doté d’un moteur plus modeste de 1500cc : la 156P. C’est en réalité une machine de F2 qui a été engagée pour cette épreuve étant donné que les voitures de ce type sont autorisées à cette occasion. Au volant de la 156P, Wolfgang Von Trips gagne à deux reprises dans des courses réservées aux F2. Cela donne de plus en plus des idées aux ingénieurs de Ferrari…


La 156P à Monza


A la fin de la saison 1960, marquée par une seule victoire à Monza (où les équipes anglaises n’ont pas participé), la réglementation change : on se base sur celui des Formule 2, fini les gros moteurs de 2,4 litres dépassant les 300 chevaux à cette période, on accueillera les « petits » moulins de 1500cc maximum. Chez les équipes britanniques, on est tout, sauf préparé à ceci, et perdront davantage du temps à attendre vainement à ce que les instances fassent marche arrière…


Du coté de chez Ferrari, pas de problème, il y’a déjà une monoplace et un moteur de prêt. Enzo Ferrari a donné son feu-vert pour engager full-time une monoplace à moteur arrière. Ce sera la 156 qui devra représenter les couleurs de la marque en F1. Basée sur la version de F2 du même nom, les ingénieurs de l’équipe, Chiti et Jano en tête secondés par Franco Rocchi ou encore le jeune Mauro Forghieri notamment, son apparence a quelque peu changé, notamment à l’avant avec son nez de requin reconnaissable auprès des connaisseurs. Le changement principal concerne le moteur, toujours un V6, mais cette-fois il ne s’agit pas du bloc Dino aperçu sur la 156P de l’an passé. Carlo Chiti a conçu un autre avec un angle abaissé à 120 degrés (contre 60) pour abaisser le centre de gravité et donc, améliorer la maniabilité.


©Sportscar Digest

Crachant déjà 185 chevaux dès ses premiers tours de roue, le bloc « 178 » V6 apparait comme le plus puissant parmi le plateau de la saison 1961. Comme les autres équipes britanniques ont un train de retard face à cette nouvelle réglementation, Ferrari apparait comme le favori. Et c’est effectivement le cas.


Avec Phil Hill, Wolfgang Von Trips et Richie Ginther comme pilotes principaux au sein de l’équipe, les Ferrari 156 domineront le championnat tout au long de l’année : 5 victoires sur 8, une monoplace rapide et fiable, la marque au cheval cabré remporte pour la première fois, le titre constructeurs (ce trophée a été crée à partir de 1958).


Lors du GP de France 1961, sur le circuit de Reims, une 156 s'est imposée, mais c'est Giancarlo Baghetti qui s'impose. C'était son premier GP officiel en F1 !

Mais la fin de saison sera tragique : sur le circuit de Monza, le championnat des pilotes est incertain entre les deux leaders de Ferrari : Phil Hill et Wolfgang Von Trips. Ce dernier a quatre points d’avance sur son compère américain et peut espérer le remporter s’il s’impose et que Hill ne termine pas l’épreuve. Hélas, il s’accroche avec la Lotus de Jim Clark et celui qui aurait pu être le premier champion allemand décède ainsi que 14 spectateurs dans l’accident. C’est Phil Hill qui remporte la course et gagne le titre, mais sans aucune joie…



Wolfgang Von Trips (1928-1961)

A l’issue de cette saison glorieuse malgré le décès de Von Trips, on s’attendait à ce que Ferrari garderait son avantage pour 1962 et ce, malgré le fait que les autres équipes (anglaises) ne vont pas rester les bras croisés. C’est sans compter un événement qui va quelque peu chambouler la Scuderia durant l’hiver.


Après moult tensions, Carlo Chiti, mais également l’ingénieur Giotto Bizzarrini, le directeur sportif Romolo Tavoni et directeur des ventes Girolami Gardini claquent la porte à Ferrari ! La raison principale est que ceux-ci ne supportent plus l’omniprésence de Laura Ferrari, l’épouse du Commendatore (Enzo), dans les affaires de l’entreprise.


Carlo Chiti (à g.) et Enzo Ferrari à Monza (©DR Images)

Que ça soit la vraie raison ou non, cela va affecter la Scuderia qui perd ses figures principales, qui vont créer leur propre structure : A-T-S, pour la saison 1962. C’est à ce moment-là que le jeune Mauro Forghieri (27 ans à l’époque) est parachuté directeur technique de la Scuderia Ferrari ! Avec le manque de temps et d’expérience, la 156 F1 (chaussée de pneus Dunlop) ne subira que peu d’évolutions durant cet hiver. Le seul fait notable reste le V6 qui crache désormais 190 chevaux. Cela va être dur de confirmer les titres obtenus en 1961…


Préparation d'une 156 en début d'année 1962 (©?!)

Coté pilotes, le champion en titre Phil Hill est bien évidemment le fer de lance de la Scuderia, il sera épaulé par divers pilotes qui ne feront pas la saison complète, citons le belge Willy Mairesse, Lorenzo Bandini, Giancarlo Baghetti et le jeune Ricardo Rodriguez.


Le championnat ne commencera pas avant mai, ce qui n’empêcha pas l’équipe de faire une course hors-championnat lors du GP de Bruxelles, en avril. Et ça commence bien : Willy Mairesse s’impose à domicile.


Une victoire hors-championnat à Bruxelles (ici Mairesse derrière la BRM de Tony Marsch) pour bien commencer l'année

Mais lors du premier meeting officiel de l’année sur le circuit de Zandvoort, Ferrari tire désormais la langue face à ses concurrentes britanniques et même Porsche : Phil Hill n’est que neuvième sur la grille, à plus de deux secondes de la Lola de John Surtees. La course sera meilleure : profitant des déboires de ses rivales, le champion en titre grimpera jusqu’à la troisième place suivie par l’autre 156 pilotée par Bandini. Mais ce podium cache le fait qu’Hill a terminé à plus d’une minute de la BRM de Graham Hill…


Le champion en titre a limité les dégâts à Zandvoort...

Le scénario est identique dans les rues de Monaco, bien que les deux mêmes pilotes Ferrari qu’à Zandvoort finissent second et troisième, avantage Hill qui était dans les roues de Bruce McLaren (Cooper) à l’arrivée. Le pilote principal de la Scuderia récidive à Spa en prenant la troisième place suivi de près par son jeune compère Ricardo Rodriguez. Seul point noir : le gros accident de Willy Mairesse (alors très bien classé jusqu'alors) après avoir roulé sur de l’huile répandue par la Lotus de Travor Taylor.


W. Mairesse en action chez "lui", à Spa, peu avant son accident. Il en connaitre encore d'autres plus graves par la suite...(©Yves Debraine)

Après trois manches, Phil Hill est second au championnat, juste derrière G. Hill. Mais il faut être réaliste, la Ferrari 156 n’est pas au niveau de ses rivales. Seule sa fiabilité lui permet de tenir la cadence…


Le bloc V6 n’est plus le meilleur du lot, le Climax, utilisé par Lotus et Cooper, est le plus léger et tout aussi fiable, le bloc V8 de chez BRM est désormais le plus puissant. Ensuite, les défauts de la 156 n’ont pas été corrigés depuis cet hiver et reste imparfaite du point de vue de la rigidité et de l’aéro…alors que les concurrentes britanniques ont encore amélioré leurs bolides, notamment Lotus et sa 25 à châssis monocoque (la 156 est tubulaire).


Willy Mairesse à Monaco

Au vu de tout ceci, mais aussi à cause des grèves qui paralyse l’industrie italienne, Ferrari préfère zapper la manche française, sur le circuit de Rouen-Les Essarts, pour mieux développer sa monoplace. On reverra donc l’équipe au GP de Grande-Bretagne sur le circuit d’Aintree où Hill, le seul pilote Ferrari à participer, renoncera sur souci d’alternateur après une prestation discrète dans le peloton.


La suite ne sera pas meilleure, sur le Nurburgring Nordschleife, le champion en titre abandonne également sur casse mécanique alors qu’il expérimentait une 156 améliorée d’un point de vue du cassis et de la rigidité, idem pour Bandini qui pilotait une autre version à nez plus conventionnel. Au moins Ricardo Rodriguez récolte le point de la sixième place après une belle prestation dans l’ensemble. Moins pour Baghetti anonyme 10e.


Bandini au Nurburgring sur une 156 à nez plus conventionnel. Il ne finira pas la course

Pour Monza, Ferrari n’engage pas moins de cinq 156 à domicile et Mairesse fait son retour en GP après son accident à Spa. Sur un tracé rapide qui devrait normalement convenir à la 156, les monoplaces rouges déçoivent encore.


Reléguées à plus de deux secondes de la Lotus de Jim Clark sur la Grille (la meilleure est 10e, via Mairesse), les Ferrari vont toutefois remonter en course, notamment celles de Baghetti et de Mairesse qui peuvent espérer viser le podium. Ceux termineront finalement 4e et 5e, toujours à l’avantage de Mairesse. Et les trois autres ? Hors du coup, notamment pour Phil Hill, 11e à 5 tours de retard après avoir à nouveau rencontré quelques soucis…



Préparatifs pour Monza (©Racinginthepast)


Après ceci, Ferrari décide de faire l’impasse sur les deux derniers GP de l’année (USA et Afrique du Sud) afin de mieux de préparer pour 1963. De saison dominante, la Scuderia passe à dominée : 6e au classement des constructeurs ex-aequo avec Porsche et 18 points marqués, surtout récoltés dans la première partie de saison. L’officine de Maranello a payé cher les départs de ses ingénieurs-cadres et du manque d’évolution de la 156. Au moins, elle peut se consoler en remportant quelques GP hors-championnat et de ses succès en endurance/ sport-protos.


Ayant monté sur le podium lors des trois premiers GP, Phil Hill ne marquera plus de points pour le reste de la saison. (©Bernard Cahier)

Et ce n’est pas tout : mécontents de la situation et ne s’entendant pas avec le nouveau directeur sportif Eugenio Dragoni, Phil Hill et Giancarlo Baghetti quittent la Scuderia à l’issue de la saison. Ils rejoindront l’équipe « dissidente » A-T-S.


Néanmoins, 1963 semble apporter pas mal d’espoirs, Mauro Forghieri va profondément modifier la 156 (avec notamment un nez plus classique) et deux versions de cette monoplace sortiront dans cette saison. A ceci s’ajoute le recrutement du britannique John Surtees comme pilote aux cotés de Lorenzo Bandini. La lente reconstruction est en marche…


Ricardo Rodriguez à Spa. Il signera une belle performance sur ce long tracé de 14km. Il décédera en fin d'année lors d'un GP hors-championnat chez lui, au Mexique

Bilan de l'année


6e avec 18 points

Meilleur résultat: 2e à Monaco

Pilotes: Phil Hill (6e avec 14 points), Giancarlo Baghetti (11e avec 5 points), Lorenzo Bandini (12e avec 4 points), Willy Mairesse (14e avec 3 points) & Ricardo Rodriguez (12e avec 4 points).



Liens/sources


F1i Magazine

L'Equipe, 50 ans de Formule-1. Tome 1: 1950-1978, 1999.



Pour 1963, la 156 sera sensiblement modifiée..


K.N








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