Que ça soit en sport-prototype, en GT, en courses de cote et en Formule 1, on voyait Ferrari ou au moins une dans chacune de ces séries au cours des années 1960. Pourtant, on oublierait presque que la marque au cheval cabré a été également présente en Can-Am, le championnat nord-américain qui accueillait des barquettes surpuissantes et où le règlement était très permissif ou presque. Mais ses apparitions dans cette série furent plutôt disparates et globalement décevantes.
Dès la première année du Can-Am, en 1966, on voyait déjà des Ferrari courir avec des Dino 206, puis des 330 P4 ou des 412P l’année suivante, sans résultat notable. Il faut dire que les McLaren officielles, la Chaparral 2G et les Lola engagées par diverses équipes étaient un ton au-dessus de Ferrari qui n’était pas réellement impliquée dans ces engagements (pour Enzo Ferrari, quel est l'utilité d'installer un moteur surgonflé à bloc sur un modèle de série?), c’était surtout une initiative venant principalement du North American Racing Team (NART, fidèle concessionnaire et équipe US de la marque). Cette dernière sera ensuite relayée par William « Bill » Harrah (importateur sur la cote Ouest) à partir de la seconde partie de la saison 1967.
Il faut également ajouter que les Ferrari engagées n’étaient pas de véritables « Can-Am » contrairement aux concurrentes. Ce sont surtout des sport-prototypes modifiées et généralement sans toit qui ont pris le départ, notamment cette 330 P4 qui est elle-même la rivale des Ford GT40 mkIV en endurance. Le moteur V12 a également été modifié pour l’occasion, mais ça n’a pas suffi et les voitures rouges manquent à la fois de performance et de fiabilité. On peut d’ailleurs considérer cette 330 P4 comme la première véritable « Can-Am » de Ferrari, on la nomme parfois en tant que « 350 P » mais pour certains, difficile pour certains de la considérer comme une vraie barquette faite pour ce championnat car encore trop typée "sport-proto".
Une nouvelle machine sera créée pour 1968. Celle-ci sera plus adaptée au championnat et le moteur bénéficiera de plus de puissance afin de contrer McLaren ou Lola. Bien que basée en partie sur la 350 P, celle que l’on nomme 612 P bénéficiera d’une carrosserie retouchée et d’un élément aéro majeur : la présence d’un aileron arrière au milieu de la voiture et juste au-dessus du cockpit. Celui-ci est inspiré de la F1 et peut être réglable par le pilote via une commande hydraulique.
Le moteur installé en position central-arrière reste toujours un V12 full atmo, mais poussé jusqu’à 6,2 litres (ce qui est important au sein de chez Ferrari). Après un gros travail sur ce bloc (en grande partie du à Mauro Forghieri), celui-ci développe 620 chevaux. La Ferrari 612 P peut aller taquiner les McLaren M8A à moteur Chevrolet, la Chaparral ou les Lola T70.
Cependant, la construction et le développement de la 612 P prendra du temps, la priorité de Ferrari est toujours le programme F1 et endurance (où le constructeur italien préparera son retour en 1969). Le Can-Am, ca reste toujours du superflu, mais bon, il faudra bien la faire débuter en compétition un jour…Ce sera en novembre 1968 sur le tracé de Stardust (Las Vegas), dernière manche du championnat Can-Am, qu’on assistera au débuts de cette barquette.
Le néozélandais Chris Amon, alors pilote Ferrari en F1 et sport-protos, pilotera cette machine engagée sous les couleurs officielles ou presque : tout est majoritairement à la charge de Bill Harrah via sa structure Modern Classic Motors. Pour le reste, il y’a bien la 612 P, le pilote et quelques mécanos venant de chez Ferrari Mauro Forghieri inclus), mais c’est tout.
Les débuts de la 612 P sont assez moyens, Amon réussit à placer la voiture en 9e position parmi la trentaine de voitures engagées, à plus de deux secondes de la Lola de Sam Posey. En course, c’est l’abandon dans le premier virage du premier tour, carburateurs encrassés par le sable qui longeait le tracé (il y ‘avait eu du vent).
En dépit de cet abandon express, la 612 P manquait encore de mise au point et surtout, était bien plus lourde que les autres Can-Am : près de 770 kg alors qu’une McLaren M8A fait 635 kg par exemple…
Ferrari revoit sa copie pour 1969, l’aéro est légèrement retouchée, la longueur de la machine est quelque peu raccourcie et l’aileron arrière, qui n’est plus au-dessus du pilote et qui apparaitra parfois en fonction du tracé, est redessiné (plus imposant) pour davantage d’efficacité sur certains tracés. Surtout, le poids est abaissé à tout juste 700 kg.
Chris Amon reste toujours le pilote, et comme visiblement Modern Classic Motors n’est plus du tout impliqué dans ce programme et que Ferrari ne semble toujours pas s’intéresser pleinement à cette série, il va falloir se débrouiller avec les moyens du bord . En fait, c’est Amon lui-même qui assure en quelque sorte, l’engagement de la 612 P en Can-Am accompagné de quelques ingénieurs et mécanos de la marque, c’est à peu près tout.
La 612 P fait son retour à partir de la troisième manche, à Watkins Glen. Les choses commencent plutôt bien puisqu’Amon, qualifié en deuxième ligne, terminera troisième derrière les invincibles McLaren Chevrolet de Bruce McLaren et Denny Hulme (qui vont atomiser la saison…). Notons que le pilote néo-zélandais arrive à terminer dans le même tour du vainqueur.
Ce dernier montera une nouvelle fois sur le podium à Edmonton (2e) et à Mid-Ohio (3e). Pas mal, mais ces satanées McLaren officielles sont toujours devant, et la 612 P reste toujours un ton en dessous…
Les choses se gâteront pour le reste de la saison, la voiture recule quelque peu dans la hiérarchie, surtout, les pépins mécaniques et notamment de moteur sont légion et Amon ne réussira pas à rejoindre l’arrivée sur les cinq courses restantes. Pire, il ne prendra même pas le départ au Michigan après une casse moteur aux essais et à Laguna Seca suite à une fuite d’huile au warrmup (il prendra part à cette course, mais en empruntant le mulet de la McLaren M8B officielle !).
Pour les deux dernières épreuves (Riverside et Texas), la barquette a désormais un V12 poussé jusqu’à 6,9 litres ! La puissance a un peu augmenté (640ch selon les sources) et la machine se nomme désormais 712 P (bien que l’on assimile parfois à la 612 P dans les classements).
Cela ne change pas grand-chose à l’histoire, les soucis de fiabilité persistent et Amon connaitra justement un problème fatal au moteur au Texas après avoir subi une disqualification à Riverside juste après le départ pour aide extérieure au démarrage…
Après ceci, le programme avec cette machine est arrêté, elle est ensuite revendue à une équipe privée, le Earle-Cord Racing. Celle-ci va modifier le V12 pour la ramener à 5 litres et à partir de là, on commencer à la nommer 512 P (pas de grands liens avec la 512 M et S de sport-proto). Pilotée par Jim Adams et se contentant de quelques participations par ci par la entre 1970 et 1971, le pilote connaitra les mêmes déboires qu’Amon en ce qui concerne la fiabilité.
Une 4e place à Donnybrooke en ’70 et une 8e à Laguna Seca en ’71 seront les seuls résultats significatifs pour cette équipe qui engageait parfois une véritable 512 M (le toit en moins, bien sûr) de temps en temps. D’ailleurs, en cette même année 1971, Ferrari lançait une nouvelle barquette pour le Can-Am : la 712 M.
Fiche technique de la 612 P de 1969
Moteur: V12 6220cc
Aspiration: atmosphérique
Implantation: central-arrière
Puissance: 620 chevaux à 7000 tr/min
Voiture: barquette et chassis tubulaire avec carrosserie en aluminium
Boite: manuelle 4 vitesses
Transmissions: à l'arrière
Poids: 700kg
Liens & sources
AMP Magazine, édition du 09-2020
Bill Gavin, Can-Am 1969 with Chris Amon. NZFMR 2011,
Rainer W. Schlegelmitch & Hartmut Lehbrink, Ferrari, ed. Fullmann, 2010
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