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  • Photo du rédacteurGoodstone

Saison d'enfer: Kauhsen en Formule 2 -1977

Dernière mise à jour : 16 janv.

Avant de se casser les dents en Formule 1, Willi Kauhsen engageait son écurie dans l'antichambre, le championnat européen de Formule 2. Après une première saison plus que moyenne, la seconde sera infernale...




Peu de gens connaissent le nom de Willi Kauhsen. Certains associent son nom à sa tentative ratée de s’engager en Formule-1 à la fin des années 1970 via sa propre équipe. Pourtant, il serait injuste d’ignorer le parcours du pilote allemand qui a débuté au milieu des années 1960. Champion d’Europe de tourisme de Division 1 en 1967, vainqueur des 24h de Spa en 1968, deuxième des 24h du Mans en 1970, plusieurs bons résultats en sport-proto (endurance ou Interserie) et pilote officiel Porsche pendant plusieurs années…voilà le résumé rapide de son parcours derrière le volant jusqu’à son retrait, en 1974.

 



Parallèlement à ceci, le natif d’Aix la Chapelle crée en 1972 sa propre écurie : Will Kauhsen Racing Team. Celle-ci apparait dès ses débuts en Interserie en engageant une Porsche 917/10 pour le patron-pilote. Quelques participations sont également recensées en Can-Am ou au championnat du monde durant cette période avec la même voiture. Ensuite, le WKRT franchit un cap lorsqu’elle se voit confier des Alfa-Romeo 33T12 pour la saison 1975 du championnat du monde de sport-proto. Avec des pilotes tels que Arturo Merzario, Jacques Laffite, Jacky Ickx, Derek Bell et Henri Pescarolo, les barquettes rouges obtiendront sept victoires (sur les neuf épreuves du calendrier) et remportent haut la main le championnat.

 

C’est à ce moment-là que Kauhsen envisage de s’aventurer vers d’autres horizons. Pourquoi ne pas se diriger vers une nouvelle discipline, genre la monoplace ? L’ex-pilote a des envies d’accéder à la F1 bien que ni lui ni son équipe n’ont une quelconque expérience dans cet univers. Et c’est à partir de la que l’écurie s’engagera dans le championnat européen de Formule-2 pour 1976. Quoi de mieux que l’antichambre pour découvrir ce type de série et de championnat.

 


Victoire et titre au championnat du monde de sport-proto en 1975 avec les Alfa. Certes, la concurrence était maigre...(©Rainer Schlegelmich)

Pour la voiture, pas de risque, on va utiliser des March 763 et on choisit également les moteurs 4-cylindres de chez Hart. Quelques sponsors seront trouvés avec Fina, Europa Mobel et Toshiba pour au moins participer à la majorité des épreuves et pour les pilotes, Kauhsen fait appel au brésilien Ingo Hoffmann et à l’allemand Klaus Ludwig, spécialiste du tourisme dans son pays (DRM).

 

Sur le papier, ça parait intéressant. Mais la concurrence est active, et l’écurie pas expérimenté dans ce type de championnat et l’organisation encore imparfaite.  Tout au long de l’année (bien que WKRT n’a participé qu’aux sept des douze manches), les March bleues et blanches vont stagner dans le milieu, voire le ventre mou du peloton. Hoffmann échouera même à se qualifier à deux reprises.

 


Klaus Ludwig à Mugello, en route pour la 9e place finale. (©Ercole Colombo)

A noter également que quelques guest-stars de la F1 sont venus faire une pige de temps à autre. Citons Arturo Merzario à Enna-Pergusa, Jochen Mass lors de la première venue à Hockenheim, puis Jacques Laffite lors de la seconde. Aucun ne signera un résultat intéressant. A trois reprises, on verra une March du WKRT finir cinquième, par deux fois pour Ludwig et une pour Hoffmann. Les deux pilotes principaux termineront 12e et 14e du classement final. Rien de catastrophique, mais on s’attendait certainement à mieux de leur part…

 

Pour 1977, il faut frapper un grand coup. Être un client March n’est pas suffisant aux yeux de Kaushen, d’autant que l’on n’est pas forcément traité d’égal à égal entre les clients du constructeur anglais. L’ex-pilote allemand va récupérer (presque) tout le matériel de la désormais ex-écurie Elf Switzerland qui était dirigée par Gérard Larrousse. Adieu March et Hart, place désormais aux châssis Elf / Jabouille 2J et aux V6 Renault-Gordini ! Autant dire que pour Kauhsen, c’est quasiment le jackpot pour lui car il vient d’acquérir du matériel de qualité pour 1977.

 

Faisons un peu d’histoire. Pour évoquer la nouvelle monoplace acquise par l’équipe, il s’agissait à la base de l’Alpine A367 qui débuta en cours d’année 1972. Avec des espoirs français au volant, les résultats seront plus que bons et la monoplace qui est parfois nommée Elf 2 ou Elf 2J (le pétrolier est à l’origine du projet et soutient activement celle-ci en plus des pilotes) connaitra la victoire à plusieurs reprises.

 


Francois Cevert en tête dans les rues de Pau en 1973. L'Elf 2 était dotée d'un moteur Ford, elle aura ensuite des BMW préparés par Schnitzer, puis des V6 Renault. (©DPPI)

 En 1976, Jean-Pierre Jabouille, qui a modifié la monoplace (elle prend le nom de « Jabouille 2J » selon plusieurs sources) désormais doté du V6 Renault-Gordini, remporte trois succès et le titre au sein du Elf-Switzerland. A la fin de l’année, tout ce beau monde va se concentrer sur la future monoplace F1 de Renault à moteur turbo qui débutera courant-1977.

 

On peut dire que Kauhsen a fait un bon coup. Les voitures sont performantes, le moteur également et son équipe entame sa deuxième saison en F2. Il y’a de quoi faire une belle saison sur le papier. Quelques modifications seront apportées par WKRT sur la 2J, avec quelques retouches sur le châssis tubulaire et sur l’empattement. Tout ceci fait que la monoplace se nomme désormais « Kauhsen 2J » selon plusieurs sources. Le moteur Renault-Gordini n'a pas changé, ca reste toujours un V6 qui crache plus ou moins 300 chevaux.


JP Jabouille à Hockenheim en 1976. Avec une équipe Elf-Switzeland soutenue par Elf et Renault, on peut dire que c'est une équipe d'usine (©Sport-Auto)

 Pour les pilotes, l’équipe garde toute sa confiance à Klaus Ludwig dans l’une des deux voitures qui sera sponsorisée par Toshiba. Pour la seconde, il s’agit d’un pilote français protégé de Elf qui sera au volant et qui connait bien la monoplace. Il a terminé second du F2 en 1975 et quatrième en 1976 tout en ayant fait ses premiers GP de F1 la même année. Il s’agit de Michel Leclère dont cette saison est en quelque sorte, sa dernière chance de briller et de se faire remarquer.

 

Et quid de la concurrence ? Eh bien, citons plusieurs équipes utilisant des March, incluant celle engagée de manière officielle, les Martini Renault engagées par Oreca et soutenues par Elf, il y’a également des Chevron engagées par le constructeur elle-même et du Fred Opert Racing ou encore aux Ralf de Project Four…Il y’a du beau monde en somme et étant donné que seuls les six premiers marquent des points (comme en F1), l’erreur n’est pas permise.

 


©?

Allons directement à Silverstone pour la première manche du championnat européen de F2, qui se déroulait en plein mois de mars. On peut dire que tout commence idéalement car Leclère signe la pole-position pour sa première venue chez Kauhsen ! Certes, Ludwig est plus loin derrière (14e à deux secondes de son partenaire), mais on peut espérer un gros résultat au sein du team. Malheureusement, le moteur casse sur la voiture du français à douze tours du but alors que Ludwig abandonnera à peu près en même temps suite à un souci de différentiel…

 

Les deux épreuves suivantes, à Thruxton et à Hockenheim, seront identiques. Leclère se qualifie bien, mais aucune des deux Kauhsen 2J ne verront l’arrivée. Les casses mécaniques (et moteur notamment) persistent encore. Klaus Ludwig verra tout de même le drapeau à damiers au Nurburgring (sur le Nordschleife) en terminant huitième. Après une septième place dans les rues de Pau, le pilote allemand quitte l’équipe, démotivé par les contre-performances et la situation délicate du team.

 


Michel Leclère à Thruxton. 5e sur la grille, il renoncera en course sur problèmes de freins (© Ian Hubbard)

En fait, passé les trois premiers meetings, les Kauhsen vont rentrer dans le rang. C’est qu’on a également oublié un ou plusieurs détails au milieu de tout ça : les monoplaces commencent à prendre de l’âge et sans l’aide de ses concepteurs initiaux (ou de JP Jabouille), Kauhsen doit se débrouiller lui-même. Ajoutez cela au fait que ni Renault et ni Elf (hormis caser leurs pilotes) ne soutiennent pas non plus ce programme, puis que l’équipe semblait perdue et désorganisée (ne manquait-il pas un leader technique et un pilote de pointe ?) et on comprend que les voitures vont rapidement plonger dans le ventre mou du peloton.

 


Après plusieurs déceptions, Klaus Ludwig jettera l'éponge après 6 courses. On le reverra encore faire une pige en fin de saison avant de se tourner définitivement vers le tourisme et le sport-proto (©??!)

Pendant que Leclère accumule les abandons et les pépins en tout genre (il verra quand même l’arrivée à Nogaro…mais non classé), l’autre monoplace ne sera pas présente à Mugello suite au départ de Ludwig. Elle sera de retour lors de la course suivante, à Rouen, avec José Dolhem. Il abandonnera, la où Leclère ne sera même pas qualifié. La voiture sera ensuite confiée à un protégé de chez Elf et leader de la Formule Renault France, un certain Alain Prost. Pour ses débuts, il se qualifie 23e devant Leclère et finit 10e de l’épreuve après une course sans histoire.

 

Passé les deux courses en France, Kauhsen décide de ne pas participer à la manche italienne d’Enna-Pergusa. L’équipe tente encore d’ajouter quelques modifications à la 2J, mais il semble bien que tout ceci n’améliore en rien ses performances. On peut même dire que ça aggrave davantage les choses.

 


Alain Prost à Nogaro (©Stuart Dent)

On retrouve toute l’équipe pour la manche de Misano. Leclère est toujours la et est épaulé par un pilote de F1, Vittorio Brambilla. Sur cette épreuve divisée en deux courses (30 tours chacune), il n’y aura pas Leclère qui échoue aux qualifications tandis que son compère italien renonce à deux tours de la fin lors du premier round. Toutefois, il termine troisième lors de la seconde ! Pas suffisant hélas pour figurer au classement final…

 

La douzième et dernière manche de l’année, sur le circuit d’Estoril, voit Kauhsen engager trois 2J. Leclère reste au poste tandis que Prost fait son retour dans le championnat. Enfin, le troisième volant sera confié au local Mario da Silva, il ne réussira pas à se qualifier.  En course, si Prost casse sa suspension en cours de route, Leclère finira 10e à un tour de Didier Pironi. Rien d’exceptionnel à cela, mais ce dernier est enfin arrivé à terminer une épreuve  en étant classé, ça se fête !

 


Misano: apparition d'un pilote de F1 en la personne de Vittorio Brambilla (©Auto-Hebdo)

Le bilan de cette saison est catastrophique, aucun des pilotes n’a marqué des points, et Kauhsen aura plus brillée par ses contre-performances et sa désorganisation qu’autre chose. Mais tout n’est pas encore terminé, car l’équipe allemande va engager une de ses monoplaces pour la dernière manche du championnat nippon de F2, sur le circuit de Suzuka.

 

Pour ce meeting qui réunit à la fois des pilotes locaux et plusieurs jeunes venus d’Europe, Kauhsen engage Keke Rosberg pour l’occasion. Bien qualifié (3e), le pilote finlandais va rapidement abandonner sur casse mécanique. Encore une déception…

 

Malgré ces résultats en somme très décevants, tout ceci n’empêcha pas Willi Kauhsen de se tourner vers un championnat plus huppé : la Formule-1. Tout ceci sera certainement raconté dans un autre article…


Cela devait être la saison de la dernière chance pour Michel Leclère (ici à Estoril). Ca aura marqué la fin de sa carrière à temps complet pour lui (©Ercole Colombo)


Liens / Sources


Autodiva

Les cahiers d'Echappement , Hors-série: Toutes les voitures e course du monde, 1978



La Kauhsen 2J sera présente à Suzuka, avec Keke Rosberg. Cette course du championnat F2 nippon marque également le début du projet de Kauhsen de s'engager en Formule-1, en tentant de nouer des contacts avec l'équipe et le constructeur Kojima (©?)

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