Retour sur l’un des modèles les plus connus dans le monde du rallye, je parle de la Mitsubishi Lancer Evolution. Sous ses airs de berline au look agressif se cache une vraie machine capable d’empiler victoires et titres, notamment aux mains de Tommi Makinen. La Lancer Evo « WRC », apparue courant 2001, est la première Mitsubishi à (enfin) répondre véritablement au règlement WRC.
Pour trouver les premières traces de la marque aux trois diamants en rallye, il faut remonter au début des années 1970 avec la Galant, puis la Lancer 1600 GSR. Les participations seront ponctuelles tout au long de la décennie, notamment dans les rallyes africains. D’ailleurs, une Lancer s’est imposée au Rallye du Safari aux mains de Joginder Singh en 1974.
A partir des années 1980, tout s’enchaine : la marque décide d’implanter un département sportif en s’associant avec Andrew Cowan, préparateur et lui-même ancien pilote de rally. Située dans le Warwickshire en Angleterre, l’entité se nomme Ralliart Europe. Si les participations restent limitées aux épreuves anglaises et à quelques épreuves exotiques au mondial avec la Lancer EX Turbo et la Starion, il faut attendre l’aube des années 1990 pour voir une participation régulière de Mitsubishi au championnat mondial des rallyes, avec la grosse Galant VR-4. Les résultats seront mitigés, malgré trois victoires…Et puis vient la Lancer Evolution, berline plus compacte que la Galant qui va permettre à Mitsubishi de s’imposer durablement dans le monde du rallye, au point d’être la référence du Groupe-A, catégorie principale de la discipline à l’époque, au milieu des années 1990.
Quand la nouvelle réglementation World Rally Cars (WRC, comme le nom du championnat mondial !) apparait en 1997, rendant les modèles plus attractifs et plus performants que les Groupe-A, Mitsubishi choisit de rester fidèle à l’ancienne formule toujours avec la Lancer Evolution, avec plus de puissance coté moteur et quelques modifications techniques pour rester compétitif face à ses rivales. La recette marche : le finlandais Tommi Makinen et son copilote Risto Mannisenmäki seront champions à quatre reprises, entre 1996 et 1999 avec les différentes versions de la Lancer Evo (I à VI) tandis que Mitsubishi Ralliart Europe réussira à gagner le titre des constructeurs en 1998. On peut pratiquement dire que la marque japonaise orbite autour du pilote finlandais, tant les autres pilotes qui constituent l’équipe (coucou, Freddy Loix) sont juste des faire-valoir, ou des figurants, c'est selon…
L’année 2000 voit toutefois la Lancer Evo VI marquer le pas face à ses concurrentes, Peugeot en tête. Avec une seule victoire, au Monte-Carlo, Makinen ne peut se battre pour le titre faute de compétitivité et même de fiabilité. La formule de la berline Groupe-A vitaminée pour se battre avec les WRC semble marquer le pas…
Pour le nouveau siècle et un peu sous la pression de la FIA, il est temps pour Mitsubishi et Ralliart Europe de construire une voiture qui répond véritablement au règlement actuel de la catégorie-reine en rallye, c’est pour ça que 2001 sera en quelque sorte une année de transition avec la Lancer Evo 6.5 en attendant la nouvelle Lancer " 100% WRC " , soit plus de 4 ans après l'introduction de cette classe/réglementation. Mieux vaut tard que jamais!
Evolution radicale ?
Pendant que Tommi Makinen récoltait trois victoires lors des six premiers rallyes de la saison et se battait pour le titre, Ralliart construit à la même période la Lancer WRC qui doit être opérationnelle dès la fin de saison. On peut se demander si ce délai n’est pas un peu court pour l’équipe…En tout cas, le développement de la voiture, qui a débuté courant-2000 (seulement...) sous la houlette de Bernard Lindauer, est rapide bien que le département compétition ait connu quelques soucis de main d’œuvre (manque de personnel…).
La voiture est présentée à Monaco le 2 octobre 2001, et le nom de cette machine est tout simplement : Lancer Evo WRC. Extérieurement parlant, on ne voit pas trop de différences avec la version Groupe-A, si ce n’est les passages de roue élargies et son look basée sur la Lancer Evolution VII commercialisée en février 2001. C’est surtout au niveau de la mécanique que la Lancer a connu le plus de modifications : amélioration du turbo, boite de vitesses développée par les anglais de Ricardo (et non plus X-Trac comme ce fut le cas à l’époque du Grp. A) et suspensions d’origine MacPherson (d’où le fait d’avoir élargi les passages de roue).
Enfin, Michelin est le fournisseur pneumatique comme ce fut le cas depuis plus de 12 ans.
Coté moteur, pas de changements hormis le turbo : comme l’exige la réglementation WRC, il s’agit d’un 2-litres turbo développant 300 chevaux. Enfin, la Lancer WRC est l’une des voitures les plus longues du plateau : 4,36 mètres, seule la Skoda Octavia fait mieux.
Malgré son développement rapide et sans aucun essai préalable, l’Evo WRC fera ses débuts au rallye du Sanremo, en Italie, 14e manche du championnat mondial des rallyes. Coté pilotes, le « chouchou » de Mitsubishi, j’ai nommé le roi Tommi Makinen utilisera ce modèle pour cette épreuve. Il en est de même concernant son partenaire, le belge Freddy Loix (accompagné de son copilote Sven Smeets) qui se contentera surement de jouer à nouveaux les seconds couteaux.
Galop d’essai
Allons sur les routes d’Italie et faisons un point rapide sur la concurrence : Si la Hyundai Accent et la Skoda jouent les voitures-balais, il ne faudra pas sous-estimer la nouvelle Citroen Xsara WRC apparue en cours de saison, idem pour la Subaru Impreza ou la plus compacte Ford Focus. Surtout, la Peugeot 206 WRC de Marcus Gronholm apparait comme la voiture à battre pour cette saison.
De son coté, Mitsubishi Ralliart reste sur trois victoires et Makinen peut encore se battre pour le titre pilotes. Mais il faut faire rouler la nouvelle machine maintenant, quitte à « rusher » le développement. Pari perdu : la Lancer WRC s’avère délicate à piloter, résultat : les deux pilotes sont hors du coup. Une roue baladeuse écourtera la promenade de Makinen lors de la 3e journée, tandis que Loix terminera à une anonyme 11e place finale.
La prochaine manche du championnat mondial se déroule en Corse, à la fin du mois d’octobre. Première (mauvaise) nouvelle : Tommi Makinen, le chouchou de l’équipe, le multiple champion, va quitter Mitsubishi à la fin de l’année pour signer chez l’ennemi Subaru. Un coup dur pour la marque aux diamants qui avait justement conçu (et adapté) la Lancer Evo WRC pour le finlandais !
Revenons au rallye de Corse et à la 5e spéciale : dans un enchainement de virages serrés et sur le bord d’un petit ravin près de Sainte-Marie-Siché, Makinen attaque, peut-être un peu trop pour compenser le manque de performances de sa voiture : il heure le muret longeant le bord de la route et rebondit violemment sur les rochers qui constituent l’escarpement. Résultat : la voiture se retourne et Risto Mannisenmäki, coéquipier de Makinen, est blessé. Coup dur pour le quadruple champion du monde des rallyes en plus de dire adieu à ses chances de couronne mondiale. Loix terminera 12e de ce rallye…
Les deux derniers rallyes du championnat mondial ne permettent pas à la Lancer WRC de dévoiler son potentiel : sixième en Australie synonyme d’un point au championnat pour Makinen (et son coéquipier de la semaine : Timo Hantunen) suivi d’un double-abandon au RAC Rally. Certes, la machine débutait à peine, mais on a vu mieux comme débuts…
A la fin de l’année, Makinen finit 3e au championnat des pilotes tandis que Loix termine 13e. Mitsubishi se classe 4e aux constructeurs. En 4 épreuves, la Lancer WRC n’a obtenu qu’une sixième place comme meilleur résultat. Il faut dire que le développement rapide de cette dernière n’a pas été payant pour l’équipe, en conséquence, la Lancer souffre d’une maniabilité très médiocre due en partie à sa longueur et d’une répartition des masses déséquilibrée, un problème surtout flagrant sur les pistes en asphalte. Alors que Makinen luttait pour le titre avant l'apparition de cette voiture, voila que le finlandais est parti. Tout est à refaire...
Evolution de trop ?
Pour 2002, c’est le grand changement coté pilotes vu que Freddy Loix est également parti. Pour cela, Mitsubishi Ralliart Europe mise sur deux solides pilotes d’expérience : le français Francois Delecour accompagné de son copilote Daniel Grataloup ainsi que l’écossais Alister McRae accompagné de David Senior. Une troisième voiture participera à quelques manches du mondial avec le jeune Jani Paasonen.
Coté voiture, pas de changement notable, c’est toujours la même Lancer WRC construite autour de Makinen (si si) et non pour les nouveaux pilotes, si ils savaient dans quelle galère ils se sont embarqués…
Allons au rallye du Monte-Carlo, première manche du WRC saison 2002, à la fin du mois de janvier. La concurrence est identique qu’aperçue précédemment, donc Mitsubishi sait au moins comment se comporter face à ses rivales…Sauf que sur cette édition mi-sèche mi-enneigée, les Lancer ne seront pas dans le coup : 9e et 14e, avantage Delecour. Son partenaire écossais fera mieux lors de la manche suivante, en Suède : cinquième et deux points au championnat des pilotes ainsi que trois pour l’équipe. C’est également les débuts de Paasonen au volant de la Lancer WRC (14e).
Malgré ce résultat encourageant, l’équipe se rend compte que la Lancer version WRC ne tient pas la comparaison face à ses rivales. Bien sûr, pas grand-chose n’a été améliorée depuis et l’équipe fut certainement démotivée après le départ de Makinen et que ses remplaçants ne sont pas à l'aise au volant de cette machine au comportement parfois très aléatoire sur la piste. Toutefois, Mitsubishi travaille sur une version améliorée à partir du mois de mars.
Les épreuves suivantes seront en tous points identiques : Delecour, Alister McRae et Jani Paasonen tentent au maximum d’attaquer sur chaque spéciale de rallye afin de compenser la faible compétitivité de la Lancer (ce qui se traduit par quelques incidents !). Passons sur le fait que le Tour de Corse ou le Rallye de Catalogne ne sont absolument pas faites pour la voiture et que les autres manches se traduisent par un manque de réussite chronique, si ce n’est que l’équipe grappille quelques points dus au fait que les pilotes arrivent parfois à terminer dans les dix premiers.
La nouvelle version de la Lancer est dévoilée au cœur de l’été : L’EVO WRC2. Pas grand-chose à dire extérieurement parlant, mais c’est une nouvelle fois coté mécanique que ça bouge : ajustement de la répartition des masses, centre de gravité plus bas, aéro retouchée, poids du moteur revu à la légère baisse, radiateur modifié ou encore système de transmission intégrale amélioré. Ah oui, et la WRC2 a été réglée pour les pilotes actuels, ce qui est un plus pour la confiance de ces derniers. Les tests de cette Lancer WRC2 ont étés effectués sur des pistes gravillonnées ou asphaltées.
La voiture fera ses débuts lors de la 9e manche du championnat, sur les routes de gravier en Finlande…Et pour être bref : aucune amélioration n’est visible sur la piste, et Delecour et McRae renonceront sur bris de suspension. Paasonen réussira à terminer 8e de ce rallye.
Les deux manches suivantes, en Allemagne et au Sanremo, soit deux rallyes sur bitume, seront du même tonneau, bien que les Lancer seront moins larguées que d’habitude dans l’Outre-Rhin. Pour couronner le tout, Alister McRae se blesse lors d’un accident de vélo la veille du Sanremo et doit déclarer forfait pour le reste de la saison.
Lors de la 13e manche en Australie, déroulée fin-octobre, un événement va quelque peu « secouer » la carrière de Francois Delecour : lors de la 7e spéciale et en arrivant dans une forêt, le nordiste heurte une souche d’arbre et rebondit face à un arbre.
Comme l’année précédente, l’équipage Delecour-Grataloup est victime d’un accident sur ce même rallye…sauf que cette fois, l’impact est violent : choc à plus de 170 km/h et moteur détaché de la voiture.
Après une petite période « sans réponse », Delecour est sonné, mais heureusement indemne. Malheureusement, Daniel Grataloup est le plus touché dans cette affaire : clavicule cassée et trou dans le poumon. C’est fini de sa carrière professionnelle de copilote.
Pendant ce temps, Paasonen termine 9e de cette épreuve.
Pour la 14e et dernière manche du championnat mondial des rallyes, en Angleterre, Dominique Savignoni rejoint Delecourt en tant que copilote, tandis que le local Justin Dale prend le volant de la troisième Lancer. Pendant ce temps, des bruits circulent que Mitsubishi pourrait faire une croix sur la Lancer WRC au profit d’un modèle plus compact : la Colt.
Pour cette épreuve, rien à dire : Delecour sort de la route après que son coéquipier annonce un virage à gauche cent fois trop tard et c’est l’abandon, idem pour Dale et Paasonen, dont ce dernier sortira au même endroit où Delecour a renoncé.
Bilan la saison 2002 pour Mitsubishi Ralliart Europe ? 6e et dernier constructeur classé au championnat (ex-aequo avec Skoda), avec six petits points. Coté pilotes, ce n’est guère mieux : Deux points pour Alister McRae et aucun pour ses partenaires. Hormis une 8e place en Suède, la saison de Jani Paasonen se résumera à pas mal de cartons, dont une en Chypre alors qu’il était 4e. Et Pendant que François Delecour achevait une saison encore malheureuse, Mitsubishi annonce son retrait temporaire dans le championnat du monde des rallyes. La saison 2002 aura laissé des traces à la firme nippone…
La Lancer Evo WRC n’aura pas réussi à reprendre brillement le flambeau de ses devancières en Groupe-A. Certes, le départ de Tommi Makinen n’a probablement pas aidé, mais à trop tourner autour du finlandais, ça allait forcément se retourner contre eux. Parlons de la voiture : l’Evo WRC et WRC2 apparaissaient quelque peu anachroniques avec l’idée de la berline 4 portes de compétition face à leur rivales, Peugeot 206, Ford Focus et Citroën Xsara en tête, qui optaient pour des modèles plus compactes et aussi plus radicales. Cette recette avait fonctionné un temps avec les Lancer Evo dérivées du Groupe-A, mais ce n’est plus le cas…
En tout cas, durant cette absence durant la saison 2003, malgré quelques piges semi-officielles aux mains d’Alister McRae et de Jani Paasonen, Mitsubishi va profiter de cette année pour entièrement restructurer son département sportif, en accord avec Andrew Cowan, le boss de Ralliart Europe.
Caractéristiques voiture :
Les données ci-dessous correspondent à la Lancer Evo WRC2
Moteur : 1998cc 4-cylindres conçu par Mitsubishi
Aspiration : Turbo
Implantation : à l’avant
Puissance : 300 chevaux à 5500 RPM
Couple : 540 NM à plus de 3500 RPM
Châssis : basé sur la Lancer Evolution VII, en acier.
Freins : disques ventilés
Suspensions : d’origine MacPhaerson
Boite de vitesses : manuelle à six vitesses.
Transmission : intégrale
Poids : 1230 kg
Dimensions : 4,36 m (L) * 1,5 m (l)
Pneumatiques : Michelin
Résultats en compétition :
A participé avec l’équipe Ralliart Europe
Nom officiel : Mitsubishi Marlboro Ralliart
2001 :
A disputé les 4 dernières manches du championnat mondial, à partir du rallye du Sanremo
Sixième en Australie
Pilotes : Tommi Makinen et Freddy Loix
2002 :
Cinquième en Suède
6e au championnat du monde des constructeurs, 9 points
Introduction de la WRC2 au rallye de Finlande
Pilotes :
François Delecour (non-classé)
Alister McRae (15e avec 2 points)
Jani Paasonen (8 rallyes, nc.)
Justin Dale (Rallye d’Angleterre)
Deux apparitions semi-officielles en 2003: en Allemagne et en Nouvelle-Zélande
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K.N
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