Plus connu pour son parcours honorable en tant que pilote, Giovanni Lavaggi a également conçu sa propre machine pour l’endurance : la LS1, prototype engagé dans la classe LMP1 qui a sévi à plusieurs épreuves en Le Mans Series.
Né en 1958 à Agusta, en Sicile (Italie), Giovanni Lavaggi est issu d’une famille d’aristocrates. Mais contrairement à une idée reçue, il n’a jamais vraiment bénéficié du soutien de sa famille, les études étaient la priorité et le pilotage (il a fait un peu de rallye et de moto à ses débuts) passait en second plan.
Ce n’est qu’au milieu des années 1980 que Lavaggi débutait pleinement dans le sport-auto, à l’âge de 25 ans. Après la Formule Panda et la F3 Italienne, il s’engage en endurance, plus précisément en Interserie et au championnat mondial (WSC) à partir de 1987. C’est dans cette dernière discipline que le pilote italien se fera un petit nom, en accumulant quelques bons résultats, notamment avec le Kremer Racing qui exploitait les Porsche 962, puis des Kremer K8 à partir du milieu des années 1990. Son point d’orgue reste sa victoire aux 24h de Daytona en 1995 avec la K8 en compagnie de Marco Werner, Christophe Bouchut et de Jurgen Lassig.
A cette même période, notre pilote en herbe s’est essayé à la F3000 et au CART, sans succès. Mais c’est durant la même année 1995 qu’il touche au graal : rouler en Formule 1, avec un succès très limité certes ( 7 GP et 3 non-qualifications entre 1995 et 1996 sur les modestes Pacific et Minardi).
Après ceci, il retournera dans le monde de l’endurance et aux 24 Heures du Mans (où il a effectué plusieurs participations depuis 1989), et à partir de 1998, il fonde sa propre structure : GLV-Brums. Avec une Ferrari 333SP, le natif d’Agusta court en FIA Sportscars (championnat réservé aux protos ouverts, les LMP) et obtient plusieurs podiums, dont deux victoires.
Après la disparition de ce championnat fin-2003, l’équipe est temporairement mise en sommeil et Lavaggi fait quelques piges par-ci par-là…
LS1
En fait, Lavaggi à un rêve : créer sa propre machine pour s’engager en endurance. Après tout, notre sympathique pilote italien a également un diplôme d’ingénieur mécanique au sein de l’Ecole polytechnique de Milan. Celui-ci est totalement focalisé sur son projet et met entre parenthèses sa carrière de pilote (ce qui explique ses rares participations). La conception a débuté courant 2005 dans les ateliers de son équipe, à Monaco.
Il est révélé durant le mois de septembre 2005 que l’équipe crée par le natif d’Agusta, désormais appelée Scuderia Lavaggi, effectuera ses débuts dans le championnat Le Mans Series (LMS, championnat principal d’endurance en Europe à l’époque, désormais nommé ELMS depuis 2013) en 2006. La voiture courra en LMP1, catégorie-reine des sports-prototype.
Il faudra attendre la troisième manche du LMS 2006, au Nurburgring et en plein mois de juillet, pour voir la création de Lavaggi et également de dénicher deux sponsors : Siram et Merlett.
La LS1 se distingue par sa robe blanche et rouge représentant les couleurs monégasques (où l’équipe courra sous le drapeau de cette principauté). Le proto dont le développement est supervisé par Giovanni himself a fait l’objet de plusieurs tests en soufflerie en Angleterre. Le moteur choisi est un Ford V8 de 6 litres. De conception quelque peu rustique, il développe un peu moins de 600ch et est développé par Pro Motor Engines, bien connu pour ses préparations moteur en NASCAR.
La boite de vitesses est d’origine Hewland, mais modifié par Lavaggi et les pneumatiques sont des Dunlop. Mais on fera plus attention aux lignes carrées et plutôt massives pour une LMP. L’aérodynamique a-t-elle été passé au second plan ? En tout cas, cette impression de « lourdeur » à travers cette machine fait un peu jaser. Mais saluons Lavaggi d’avoir accompli son rêve de concevoir sa propre machine, même si imparfaite sur le papier…et traduisant également un budget limité…
Baptême de feu
La LS1 ne fera pas ses débuts sur ce tracé du Nurburgring, la voiture n’est pas entièrement prête. Le proto devrait faire ses débuts lors de la manche suivante, à Donington. Mais il n’en est rien, la voiture rencontre plusieurs soucis de fiabilité lors des (quelques) tests effectués, notamment d’origine électrique mais aussi venant du moteur Ford (fuites d’huile répétées).
Il faudra attendre la fin du mois de septembre, soit l’ultime manche du championnat 2006 de LMS, à Jarama, pour enfin voir la Lavaggi LS1 débuter en compétition. Pour les pilotes, Giovanni Lavaggi en personne sera épaulé par Xavier Pompidou. Un équipage expérimenté pour débuter l’aventure, ça devrait être un atout. Le but n’est pas forcément de battre les Pescarolo ou autres Courage parmi le plateau LMP1 présent dans ce meeting, mais au moins d’avoir une course sans encombre.
Mais dès les premiers essais, la voiture est hors du coup et le Ford donne des signes de faiblesse durant les qualifications. Bilan : aucun chrono et départ depuis les stands. Et ce n’est pas fini, juste en sortant de cette voie, Lavaggi part en tête-à-queue dans le tout premier virage ! Finalement, la machine se retire après 27 petits tours (et 17 pitstops!!) après des soucis mécaniques, notamment de freins. Pas des débuts magnifiques…
La Scuderia Lavaggi et sa LS1 seront de retour dans ce championnat Le Mans Series pour 2007 (marqué par l’arrivée de Peugeot et sa 908), mais pas aux 24h du Mans car elle n’a pas reçu d’invitation.
Le proto n’a que peu évolué, les essais au Paul-Ricard montrent que les performances sont toujours insuffisantes. Pour la première manche, aux 1000km de Monza, Lavaggi sera épaulé par le jeune Marcelo Puglisi. Mais comme à Jarama, tout va de travers : sortie de piste en qualifications (25e rang, derrière les LMP1, LMP2 et quelques GT1) et abandon dans le premier tiers de l’épreuve sur un problème moteur (après avoir connu une fuite d’huile peu avant).
Après cette déception, Lavaggi décide de ne pas disputer la manche suivante à Valencia. Focus sur les 1000km du Nurburgring, troisième round du LMS. Cette-fois, Cristian Corsini sera aux côtés du pilote-patron-ingénieur. Une nouvelle fois, la LS1 n’est pas épargnée par divers pépins en qualifications et ne signe que le 23e temps, derrière tout le monde, sauf les GT1/GT2. Pour la course, rien à dire ou presque : un spin signé Lavaggi alors qu’il sortait de son arrêt au pit et soucis mécaniques (direction bloquée, freins HS, moteur Ford encore faiblissant…) après deux grosses heures de course…
Prochaine destination : Spa-Francorchamps et les 1000km à nouveau. Wolfgang Kaufmann sera désigné partenaire du weekend avec Lavaggi. La routine habituelle à part ceci : soucis en qualifs’, moteur défaillant durant l’épreuve et sortie de piste après la mi-course…
Ce sera la dernière apparition de la Lavaggi LS1 cette saison. Elle ne disputera pas les deux derniers meetings en LMS (Silverstone et Interlagos, où le patron du team fera ces deux manches avec la Lucchini LMP2 de l’équipe Ranieri).
Durant cette absence (en fait, en discussions depuis l’été), Giovanni Lavaggi profite pour se débarrasser du V8 Ford, pas fiable et visiblement pas adapté à la machine (d’autant plus qu’il contribue au léger surpoids de la voiture), pour récupérer un V8 biturbo de chez Advanced Engine Ressearch, ou AER.
Poursuivre ses rêves contre vents et marées
Le V8 AER possède plus de 600 chevaux dans ses échappements. Cet ajout s’accompagne également d’un aménagement dans le compartiment moteur de la LS1 ainsi que quelques essais en soufflerie. Suffisant pour enfin décoller en termes de résultats ?
La Scuderia Lavaggi ne fera pas toutes les manches pour la saison 2008 du LMS (qui fait son plein d’engagées en LMP1, avec le retour d’Audi notamment). Elle est tout de même présente pour la première épreuve, à Barcelone. Toujours avec le tandem Lavaggi-Kaufmann, le proto italo-monegasque est un peu plus performant, mais ça reste toujours insuffisant et ne signe que le 28e temps (sur 47), derrière plusieurs GT1 et à 13 secondes de la Peugeot 908 en pole. En course, rien n’a changé : abandon peu avant les 3 heures d’épreuve.
Zappant Monza, la LS1 AER ne sera pas plus fringante au Spa malgré des légers progrès en termes de performance. Mais on retiendra plus en course le capot avant qui se détachait après un freinage trop appuyé de Lavaggi que d’un énième abandon mécanique. Au Nurburgring, la voiture se comportait bien, pour une fois (à défaut de vraiment menacer ses rivales en LMP1), avant qu’un problème la retarde lourdement. Elle verra enfin l’arrivée, mais non-classé.
C’est sa dernière apparition en LMS cette année. La voiture fera une petite excursion hors-championnat pour les 6 heures de Vallelunga. Seule LMP1 engagée parmi les 22 voitures au total, le proto de l’équipage Lavaggi-Kaufmann prend logiquement la pole position.
Le proto semblait bien partie pour une victoire, avant que celui-ci rencontre un inévitable pépin mécanique, encore ! Au moins, la voiture est classée 10e.
Malgré le V8 AER, les progrès ont été insignifiants en raison de la fiabilité plus que problématique de la LS1. Même le bloc anglais donnait des signes de faiblesse dans le proto…
Cela n’empêche pas le sympathique Giovanni de continuer encore et toujours avec sa création, en restant en LMS pour 2009, toujours à temps partiel et croyant que sa machine est compétitive. Pas grand-chose à dire pour le reste sinon un aileron arrière redessiné et rétréci, conséquence de la nouvelle réglementation visant à réduire l’appui aérodynamique des machines.
De retour pour la seconde manche de cette série, à Spa, la LS1 tire toujours la langue face aux LMP1 et aux LMP2. La course s’avère plus passionnante avec des pépins électriques dès les premiers tours, Lavaggi et Kauffmann rejoindront l’arrivée, mais non-classée (seulement 49 tours couverts…).
L’ultime apparition de cette voiture aura lieu à la quatrième manche pour les 1000km du Nurburgring. Pas des festivités ni de champagne puisque le proto dit « stop » après moins d’une heure de trotte. Fin de l’histoire de la LS1 et du rêve pour Giovanni Lavaggi et son équipe, durement touchées par la crise économique depuis fin-2008.
Le patron-pilote-concepteur se tournera désormais vers les meetings historiques. Quant à « sa » LS1, elle sera de temps en temps présente à ce type d’évènement, bien évidement piloté par notre cher Giovanni !
Fiche auto (avec le moteur AER)
Moteur : AER V8 4000cc
Aspiration : turbocompressé, avec deux turbos Garrett
Implantation : central-arrière
Puissance : Plus de 600 ch à 6500 tr/min
Châssis : monocoque en carbone
Boite de vitesses : séquentielle 6 vitesses d’origine Hewland & redessiné par Lavaggi
Freins : disques en carbone d’origine Brembo
Poids : 925 kg
Dimensions : 4,650m (L) * 2m (l)
Pneumatiques : Dunlop
Résultats en compétition :
Exploitée par la Scuderia Lavaggi
A couru dans la série Le Mans Séries entre 2006 et 2009, en catégorie LMP1
Abandon aux 1000km de Jarama 2006
Abandon aux 1000km de Monza, Spa et du Nurburgring 2007
Idem aux 1000km de Barcelone et de Spa 2008. Non-classé au Nurburgring 2008
Une participation hors-championnat à Vallelunga en octobre 2008, 10e de l’épreuve (seule LMP1 engagée)
Non classé aux 100km de Spa 2009. Abandon au Nurburgring la même année.
Liens & sources
https://web.archive.org/web/20141019030019/http://www.endurance-info.com/fr/actualite-endurance-269/
https://www.racecar-engineering.com/articles/giovanni-lavaggi/
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Vidéos LMS sur Youtube et Dailymotion
K.N
Je vais essayer de la faire pour GTR2 pour le mod SCCA, j'ai récupéré de quoi faire les Skins. Sa place aurait plus était sur les courses de côtes qu'en ELMS au final vu sa durée de fonctionnement.