Quand Spyker brillait aux 24 heures du Mans...
- Goodstone 
- il y a 9 heures
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Dernière mise à jour : il y a 4 minutes

Ce n’est pas un titre racoleur, et encore moins une histoire fictive. Spyker a frappé un grand coup lors de la 74e édition des 24 heures du Mans au sein de la catégorie GT2, qui était jusqu’alors la chasse gardée des Porsche 911 GT3 à cette période. L'histoire est belle, top belle, et à la fin, elle a manqué une grosse opportunité de signer un résultat inédit...
Mais parlons tout d’abord de Spyker, pas le constructeur néerlandais qui a produit des automobiles entre 1900 et 1926, mais plutôt de sa réinterprétation moderne née en 2000 par Victor Muller et qui a fait faillite en 2014…avant de renaitre de ses cendres, il y’a moins d’un mois (après plusieurs tentatives de comeback ratés). Voulant construire des sportives au look original, performantes et luxueuses, la marque lance directement la C8 tout en projetant un programme sportif ! Les épreuves d’endurance et principalement, les 24h du Mans, sont dans le viseur.

A partir de 2002, la Spyker Squadron débute en compétition avec la C8 Double 12R inscrite dans la catégorie GT, aux côtés des Porsche 911 GT3. Débutant aux 12h de Sebring, la voiture affiche un certain potentiel, mais sa fiabilité sera son talon d’Achille, même sur les épreuves de courte durée. Au moins, elle a vu le drapeau à damiers aux 24h du Mans en 2003, mais elle n’est pas classée pour cause de distance parcourue insuffisante.
Après avoir pris une année de pause en 2004, Spyker revient en 2005 avec une nouvelle version de la C8 : la Spyder GT2R. Toujours inscrite dans la catégorie GT…pardon : GT2 (sa nouvelle dénomination), elle a la particularité d’utiliser la version découvrable comme base, d’où le fait que celle-ci a un toit ouvert ! Hormis ce détail original, un nouveau moteur a été installé. Il s’agit d’un V8 de 3,8 litres provenant de chez Audi contrairement à la version Double 12R qui avait un bloc BMW. Il développe 440 chevaux et est dépourvu de turbo. Sous son châssis en aluminium, la Spyker est mieux profilée d’un point de vue aérodynamique par rapport à la voiture de série et à la C8 Double 12R et est plus légère de presque cent kilos. La boite de vitesses séquentielle à six rapports provient de chez Hewland tandis que les freins viennent de chez AP.

L’équipe Spyker Squadron, qui reste toujours la structure officielle du constructeur basé à Zeewolde, est toujours de la partie. Elle courra principalement dans le championnat Le Mans Endurance Series (LMES, aujourd’hui l’European Le Mans Series). Mais d’abord, la C8 Spyder GT2R débute aux 12h de Sebring (comptant pour l’American le Mans Series) où elle déçoit en abandonnant rapidement en cours de route. Et les premières manches en LMES ne seront guère meilleures pour la GT2 orange dont les performances sont encore un ton en-dessous de la concurrence et la fiabilité reste aussi problématique que sa devancière. Aux 24h du Mans, Spyker échouera à voir le drapeau à damiers à cause d’une sortie de piste causée par une fuite d’huile au premier tiers de l’épreuve, provoquant un début d’incendie

Toutefois, la C8 s’améliore à partir de l’été. En dépit du fait d’avoir manqué la manche de Silverstone en LMES, l’équipe enregistre son premier résultat significatif dans ce championnat en terminant second de la catégorie GT2 aux 1000km du Nurburgring (18e au général) avec Jeroen Bleekemolen et Donny Crevels au volant. Les performances progressent et la C8 Spyder fait également deux apparitions dans les courses de FIA-GT à la fin de l’année. Elle terminera notamment deuxième des GT2 aux 500km de Dubaï.
Pour 2006, Spyker Squadron ne change rien en ce qui concerne le programme sportif. A l’instar de 2005, on continue de disputer les manches en LMES et on débute l’année en participant aux 12h de Sebring. Toutefois, et pour la première fois depuis les débuts de l’équipe, il y’aura deux C8 Spyder GT2R engagées pour toute l’année. L’ajout d’une voiture supplémentaire ne bouleverse en rien la structure menée par Hanz Van Rennes qui voit leurs machines s’améliorer en termes de fiabilité (tout n’est pas à 100% parfait certes), bien qu’il reste encore un tout petit peu de travail pour viser le podium à la régulière. C’est que même dans la plus petite des catégories parmi les GT et au général, la concurrence est relevée. Et le niveau a franchi une petite marche en avant en cette année 2006 au sein de la classe GT2. On y reviendra juste en-dessous.

Pour les 24 heures du Mans, il y’aura les deux C8 Spyder présentes pour cette fameuse épreuve d’endurance. Toujours engagées dans la catégorie GT2, le lineup est très intéressant, que ça soit dans l’une ou l’autre voiture, et il n’y a que des pilotes professionnels de (très) bons niveaux. Sur la #85, nous avons Donny Crevels, Tom Coronel et Peter Dumbreck qui fait son retour dans la Sarthe après ses débuts mouvementés chez Mercedes en 1999. Et sur la #86, il y’a Mike Hezemans, Jeroen Bleekemolen ainsi que Jonny Kane. En ce qui concerne la voiture, celle-ci est désormais dotée d’un toit fermé depuis cette saison. Le V8 Audi gagne un peu en puissance tandis que l’aileron arrière est légèrement agrandi et les suspensions ont été retravaillées. Enfin, les pneus proviennent de chez Michelin, comme pour les précédentes années.

Parmi les douze autres concurrents en GT2 sur cette 74e édition du Mans, il y’a bien évidemment les Porsche 911 GT3 (RSR ou les « anciennes » RS) qui occupent plus de la moitié du plateau dans cette catégorie. Parmi les favorites au sein du clan allemand, on peut citer l’équipe IMSA Performance Matmut, le Seikel Racing, le Flying Lizard Motorsports ou encore la White Lightning Racing. Il ne faut pas oublier les Panoz Esperante GTLM qui ne font pas que compléter le plateau tandis qu’une toute nouvelle GT2 fait son apparition avec une Ferrari F430 GTC pour la Scuderia Ecosse. Cette dernière se montre immédiatement très compétitive face aux Porsche et il faudra surveiller cette voiture dans les années à venir…Il n’a pas à dire, la classe GT2 est réellement intéressante et il n’est pas nécessaire de se focaliser uniquement en LMP1 avec les nouvelles Audi R10 TDI, en LMP2 ou en GT1.

Présente aux essais préliminaires au début du mois de juin, les GT orange et grises feront bonne figure bien qu’un chouia en retrait par rapport aux meilleures GT2. Deux semaines plus-tard, on retrouve toute l’équipe au complet avec les mêmes pilotes. Et comparé à l’an passé, la Spyker se montre plus véloce en termes de vitesse de pointe qu’en 2005 (vitesse maximale de 287 mh/h dans les Hunaudières, soit près de 15 km/h e plus qu’en 2005) et gagnent plus de cinq secondes en termes de temps au tour. Face aux autres GT2, les C8 ne sont pas ridicules, loin de là. Et même si on s’attendait à être un peu plus haut sur la grille de départ, les voitures orange signent le sixième et le huitième chrono dans cette classe, avec la #85 de Coronel (42e au général sur 50) qui est la meilleure représentante du clan batave. Face à la Porsche 911 GT3 de l’IMSA Performance qui a signé le meilleur temps de la catégorie (avec Romain Dumas), en 4 :03 :438, soit trois à quatre secondes de mieux que les Spyker. Cela reste néanmoins honorable et les deux C8 vont gagner une place au départ lorsque cette Porsche est rejetée en dernière ligne, pour changement de châssis (après un accident aux essais qualificatifs justement).

Pour la grande course, on est confiant au sein de la Spyker Squadron sur les capacités de la C8 Spyder GT2R à signer un bon résultat, et pourquoi pas ne pas s’inviter sur le podium ? Dès le départ, les deux voitures vont justement remonter vers les meilleures GT2 du lot.
Passons rapidement sur la prestation de la #85 qui abandonnera au tout début de la nuit sur un souci moteur (après avoir été signalée à l’arrêt en début de soirée, avant de rencontrer des problèmes avant son abandon après 40 tours bouclés) pour se focaliser uniquement sur la #86. Installée dans le quatuor de tête dès la deuxième heure de course, celle-ci ne faiblira jamais durant les heures suivantes et mènera la catégorie à plusieurs reprises ! Oui, vous ne rêvez pas, Porsche n’est plus toute seule en GT2 au Mans.

Certes, les changements de position étaient parfois dus à des arrêts-ravitaillements et à quelques soucis des adversaires, mais la Spyker peut légitimement frapper un grand coup aux 24h du Mans, après ses multiples déceptions depuis ses débuts en 2002. Une performance d’autant plus remarquable que la C8 reste toujours un poil en-dessous des meilleures en termes de performance. Les pilotes ont également effectué du très bon travail en conservant la voiture à la même position durant toute la nuit, généralement à la seconde position de la catégorie derrière la Ferrari F430 de la Scuderia Ecosse et sans jamais perdre un tour à celle-ci.
Au petit matin, et alors que le soleil se lève, la Spyker reste toujours ancrée à sa seconde place dans sa catégorie. Et alors qu’on s’approche de la seizième heure de course, la voiture va hélas retrouver ses vieux démons, comme si elle était destinée à ne pas signer un petit exploit…

Peu avant 8 heures du matin, Mike Hezemans rentre aux stands. La Spyker #86 est rentrée dans le garage. Les mécaniciens de l’équipe se penchent sur la partie central-arrière de la C8, la où est installé le moteur V8. Est-ce que ce dernier a des soucis comme ce fut le cas avec la voiture-sœur ? Et à observer la réaction de l’équipe, il faut hélas croire que la GT néerlandaise n’ira pas au bout de l’épreuve. L’abandon est officialisé vingt minutes plus-tard, sur panne de moteur alors que la #86 est toujours pointée à la deuxième place parmi les GT2 ! Plus précisément, c’est une soupape qui a grillé, rendant le V8 Audi et la voiture hors-service. 202 tours auront été bouclés. C’est ce qui s’appelle une opportunité manquée. Jamais Spyker n’aura été à pareille fête dans la Sarthe qu’en 2006. Et les deux éditions suivantes se traduiront par des performances en dents de scie et des abandons express.
Il faudra attendre 2009 pour que cette voiture franchisse à nouveau la ligne d’arrivée, et classée !

Liens/source
Archives Endurance-info, Dailysportscar...
Racingsportscars, Total Motorsport
Le Mans Racing Magazine, numéro 39, spécial 24h du Mans 2006.







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