Quand un meeting dans une formule de promotion part en pirouette cacahuète…
Crée en 2012 par la FIA, le championnat d’Europe de Formule 3 est l’une des nombreuses formules de promotion (ou feeder series) destinées aux jeunes pilotes aux dents longues. Bien que concurrençant également le championnat de GP3 ou de Formule Renault 3.5 à l’époque, cette série est attractive auprès de plusieurs équipes et pilotes…
Millésime explosif
Le cru 2015 est prometteur sur le papier : 14 équipes dont Prema, Carlin, Van Amersfoort ou encore Signature pour citer les références. Concernant les pilotes (34 inscrits au départ !), quelques redoublants répondent présents, à l’instar de Jake Dennis qui passe de Carlin à Prema, de Sergio Sette-Camara qui s’engage avec Motopark, du suédois Felix Rosenqvist (qui rejoindra Dennis chez Prema) ou encore Antonio Giovinazzi qui reste chez Carlin/ Jagonya Ayam.
C’est surtout du côté des nouveaux arrivants que ça devient intéressant : Alex Albon, Charles Leclerc, Lance Stroll, George Russell, Callum Ilott…voilà des noms bien connus aujourd’hui. Mais n’oublions pas d’autres qui ont un parcours intéressant au moment de s’engager dans cette série : Dorian Boccolacci, vice-champion en F4 FFSA, signe avec l’équipe française Signature aux côtés d’Albon. Mikkel Jensen et Maximlian Gunther, respectivement premier et second en ADAC F4, vont rejoindre Mucke Motorsport.
Quelques outsiders, à l’instar des Brandon Maisano, Ryan Tveter, Gustavo Menezes ou encore Markus Pommer, tenteront de bien figurer sans ce championnat.
Situation avant Monza.
Au terme de la troisième manche de cette saison, dans les rues de Pau, Antonio Giovinazzi remporte la troisième course de Pau (les deux premières reviennent à Jake Dennis) et prend la tête du championnat avec 164 points, quinze de plus que Charles Leclerc et 54 que Felix Rosenqvist. Autant dire que le pilote italien de Carlin a une certaine avance sur ses concurrents. La bataille en Formule 3 cru 2015 promet d’être passionnante.
Mais plus que ceci, ce début de saison est surtout marqué par une multitude d’accrochages et parfois, de manœuvres plus que douteuses de la part de nos jeunes loups. Résultat, on parlait davantage de cela plutôt que de l’incertitude au championnat sur les réseaux sociaux, ou du potentiel des jeunes pépites, ce qui est bien dommage…
Pour remédier à ceci, la commission monoplace de la FIA tente de raisonner nos jeunes compères avant les courses. Quelques anciennes gloires de la F1 (comme Emerson Fittipaldi) feront également leur apparition lors des briefings d’avant-course pour conseiller les jeunes loups.
« Calme » printanier
Nous voici pour la quatrième manche de la saison sur le circuit de Monza, en Italie. Il fait beau et les conditions en piste sont parfaites en cette fin du mois de mai. Trois courses sont programmées pour ce meeting comme c’est le cas en Formule 3.
Samedi 29 mai, 11h30, c’est le début de la première course sur le tracé milanais. Parti en pole, Felix Rosenqvist prend un départ sans encombre et gagne la course devant Mikkel Jensen, non sans que les deux pilotes se sont légèrement touchés à quelques tours de la fin. Hormis ceci, la voiture de sécurité est intervenue à deux reprises et on ne comptait pas moins de douze incidents (impliquant par exemple un certain Mahaveer Raghunathan dans le peloton). En vrac des tout-droit à chaque chicane, des accrochages, des freinages manqués, etc…Une course normale en Formule 3 cette année.
Pour la seconde course, prévue dans l’après-midi, on espère davantage de batailles (il y’en avait durant la première, notamment entre Leclerc, Giovinazzi et Dennis) que des « mauvais coups » sur la piste…
Formula Carnage
Toujours le samedi 29 mai, mais à 17 :55. Rosenqvist part à nouveau en pole, les 35 voitures (enfin, 34 vu qu’il y’a un qui n’a pu réparer à temps sa voiture) se préparent pour 19 tours endiablés …et ça se passe mal : Dès la première chicane, Leclerc touche Dennis. Capot endommagé et suspension pliée, le pilote monégasque de Van Amersfoort doit renoncer. A la sortie même de cette chicane Michele Beretta et Tatiana Calderon se touchent et cette dernière part en tête à queue. Première intervention de la voiture de sécurité.
Cette neutralisation sera le prélude à un véritable gang-bang matériel (pas humain, heureusement…).
La course reprend rapidement lors du second tour, et dans le peloton, ça se bagarre, notamment entre Maximilian Gunther et Gustavo Menezes alors que Rosenqvist mène toujours la partie. Au tour suivant, ça chauffe entre Giovinazzi et Lance Stroll, ce dernier ne laisse pas assez de place à son concurrent italien (mordant dans l’herbe) et à la Curva Biassono, les deux voitures se touchent et….
Plus de peur que de mal pour Stoll, mais la course est terminée pour le jeune pilote canadien de chez Prema (et accessoirement membre de la Ferrari Junior Academy), idem pour Giovinazzi. Seconde intervention de la Safety car.
Après plus de huit minutes de neutralisation, la course reprend à la fin du cinquième tour, mais il y’a peu de chances qu’on fasse 19 tours comme prévu si les incidents se multiplient (il reste 17 minutes de courses avant la fin)…En tout cas, rien à dire concernant Rosenqvist, l’autre pilote Prema, qui mène la course sans trop de tracas. Le passage à la première et seconde chicane se passent sans encombre…un miracle, si on omet que deux voitures ont coupé cette partie du circuit.
Les pilotes restent motivés : la bataille est intense pour la cinquième place avec notamment George Russell, Pietro Fittipaldi et Gustavo Menezes, une bataille marquée par des blocages de roue. Alors qu’on pensait que nos jeunots se sont un peu calmés, tout part à nouveau en cacahuète au tour 9. Encore une fois dans la première chicane, Dorian Boccolacci se manque au freinage en envoie Maximilian Gunther en travers. Ce dernier, suspension pliée, doit renoncer…Au même instant, on aperçoit une monoplace orange bien chiffonnée en dehors de la piste, c’est la voiture du Mucke Motorsport pilotée par Michele Beretta. Il semblerait qu’il ait fait un tonneau. Troisième intervention de la SC.
Le replay est assez clair, pendant que Boccolacci et Gunther s’accrochent, la Fortec de Matt Rao tasse légèrement Beretta en amont de la chicane, les roues décollent et ce dernier perd le contrôle de sa monoplace, faisant au passage deux tonneaux mais pas de bobo.
La course reprend à nouveau à l’entame du onzième tour, il reste moins de sept minutes avant le décompte final et ça commence bien : Menezes craque face à Russell et fait un passage dans les graviers à la sortie de Lesmo. Au tour suivant, il se passe quelque chose à la première chicane (décidément) : la Carlin de Callum Ilot tire tout droit et semble au ralenti, d’autant plus que que son museau a l’air un peu endommagé. Derrière lui, Matt Rao est arrêté : plus d’aileron avant, accrochage ?
Quatrième intervention de la SC, à moins de trois minutes de la fin. En fait, le pilote britannique a manqué son freinage et est allé percuter Alessio Lorandi. Ilott lui était juste devant ces deux-là et semblait déjà au ralenti…
Pendant que le leader de la course, Rosenqvist, est sous enquête des commissaires pour non-respect des track limits (personne ne l’a remarqué, vu qu’on se focalisait sur le peloton et les incidents.), le drapeau rouge est brandi à 2m38 de la fin. Les pilotes auront bouclé 12 tours sur les 19, donc seule la moitié des points est attribuée…
Felix Rosenqvist s’impose lors de cette seconde course (il est toujours sous enquête des commissaires), devant Jake Dennis et Mikkel Jensen. C’est d’ailleurs un doublé pour l’équipe Prema.
Mais plus que ce podium, ce sont bien évidement les incidents de course qui ont fait le plus parler. Le carton de Lance Stroll a fait le tour du monde (ou presque) et les commentaires ont été plus que sévères du côté des spécialistes que des amateurs sur les réseaux sociaux, comparant parfois à de la « Formula carnage ». Pas très glorieux pour les pilotes…Chez les officiels de la course et les représentants de la commission monoplace de la FIA, c’est également le mécontentement après cette partie de Destruction Derby.
Les résultats ne sont pas encore définitifs en cette fin d’après-midi. Il faudra attendre très tard dans la nuit (plus précisément à …1 heure du matin) pour entériner le résultat de la course 2 : Felix Rosenqvist conserve sa victoire. Mais pour Dorian Boccolacci et Matt Rao, c’est l’exclusion pure et simple pour la course 3, au motif d’avoir provoqué un incident (ou accrochage) majeur. Enfin, à la fois à l’origine et victime, Lance Stroll est sommé de partir depuis la voie des stands pour la dernière manche. Toutefois, et après réclamation, le pilote canadien de chez Prema pourra démarrer depuis la grille. Notons également que Michele Beretta ne pourra participer à la course du dimanche, sa voiture étant trop détruite…
Le dimanche 30 mai, quelques instants avant la course finale du meeting, le débriefing des officiels de course auprès des pilotes est clair : les accidents, ce n’est pas bien il ne faut pas recommencer, la F3 ce n’est pas une partie online dans Mario Kart ou de F1 2015 chez papy et mamie etc…
Formula carnage (bis)
En fin de matinée, les 30 (sur 35…) monoplaces démarrent, aucun incident n’est à déplorer durant le tour de chauffe, bonne nouvelle. Idem au départ et arrive la première chicane, la fameuse, et rien à dire concernant Felix Rosenqvist qui mène une fois de plus le peloton après avoir résisté à Charles Leclerc. On pense que les pilotes vont cette fois se tenir à carreaux. Raté : au même endroit, la Jagonya Aram/ Carlin de Ryan Tveter joue les rebelles et vient heurter la monoplace de Fabian Schiller.
Le conducteur de la voiture de sécurité ne risque pas de se tourner les pouces : première neutralisation de la course après une grosse boucle…
Le pilote de Jagonya/ Carlin n’ira pas loin, il sera même évacué sur civière et transporté dans une ambulance (la monoplace a quand même décollé des deux roues avant au moment de l'accrochage). Pour Schiller dont l’aileron arrière est détruit, l'aventure est également terminée…
Huit minutes plus tard et à l’entame du quatrième tour, la course reprend. Rosenqvist est toujours le leader. Derrière, Jake Dennis passe Leclerc pour la seconde place. Mais un peu plus loin, ça s’agite entre les voitures du Mucke Motorsport. Ça s’impatiente, ça s’élargit coté trajectoire…et ce qu’il devait arriva. Au sixième tour et à la première chicane (un lieu visiblement apprécié par les pilotes de F3 cette année…), quatre voitures se bataillent : les Mucke et la Carlin de George Russell, et Mikkel Jensen percute…son équipier de chez Mucke, Santino Ferrucci.
Suspension avant-gauche pliée, le danois, troisième de la course 2, s’arrête dans les graviers…et bien sûr, la voiture de sécurité intervient après 17 minutes d’épreuve, sinon ce ne serait pas très amusant…
La neutralisation dure un peu. Nous sommes au neuvième tour, on espère que la course peut repartir…En fait, le drapeau rouge a été abaissé, et la course est définitivement arrêtée. Rassurez-vous, pas de blessés, juste une décision des officiels de course d’éviter un énième carnage avant que quelqu’un pourrait se faire très mal. Ce n’est pas une farce, et c'est compréhensible au vu du pilotage 'sauvage" des pilotes…
9 tours ont été officiellement bouclés, donc seule la moitié des points sera attribuée une nouvelle fois. Felix Rosenqvist gagne les trois manches de l’épreuve de Monza. Il est suivi de Jake Dennis et de Charles Leclerc. Antonio Giovinazzi conserve la tête du championnat malgré un weekend sans. Mais tout ça n’a pas trop d’importance…
Fin du carnage
Au vu de ce weekend milanais, inutile de dire que la Formula 3 et ses jeunes poulains ont été la cible des spécialistes et amateurs de sport-auto. Du coté de la commission monoplace de la FIA (dirigée par Stefano Domenicali à l’époque), c’est tout sauf le sourire : dès la manche suivante, à Spa, les sanctions seront plus fortes et pas de pitié pour ceux qui fautent le plus.
Voila, ces derniers ont maintenant retenu la leçon, et sont parés pour le meeting de Spa, toujours motivés, mais désormais sages…et ça marche, jugez plutôt : un pilote qui s’envoie en l’air, un carton entre les leaders de la course ou encore disqualification en pleine épreuve pour avoir provoqué un accrochage…
K.N
