Opel en DTM ? Vous me direz que c’était le cas avec la Calibra ou l’Astra, mais aussi avec l’Omega. Quoi, vous ne connaissez pas ? Voici sa petite histoire :
Depuis les années 1970, les fans ouest-allemands du sport-auto pouvaient apprécier le spectacle proposé dans le championnat local appelé DRM (comme Deutsche Rennsport Meisterchaft). Celle-ci accueillait des véhicules de la catégorie Groupe 5, à savoir des GT-silhouette survitaminées. En 1982, celles-ci furent remplacées par les prototypes du Groupe C tout aussi spectaculaires que performantes. Mais l’apparition de ces dernières a également pour effet d’augmenter drastiquement les coûts. Conséquence : le plateau se réduit progressivement d’année en année jusqu’en 1985.
C’est à ce moment que la commission allemande du sport-automobile (ONS) crée en 1984, un nouveau championnat basée sur les voitures de tourisme : le DPM (Deutsche Produktionswagen Meisterchaft), renommée deux ans plus tard DTM (Deutsche Tourenwagen Meisterchaft). Les voitures autorisées doivent être proches de la production et homologuée en Groupe A : une catégorie moins coûteuse (mais restrictive en termes d'homologation) où le modèle en question doit être commercialement produite à 25 000 exemplaires par an (2500 par an pour les modèles spéciaux, 500 pour plus radical). Très vite, le DTM devient le championnat populaire dans le sport-auto allemand, et le public se régale en voyant les BMW M3, les Mercedes 190 ou les Ford Sierra Cosworth en bagarre sur la piste.
ÉCLAIR NON-FOUDROYANT
Durant les années 1980, Opel s’est essayée en Rallye avec la Manta 400 où elle jouera les seconds couteaux, puis la mort-née Kadett Groupe S. Après cela, la marque au Blitz s’attaquera au DTM en 1988 avec la Kadett 2-Litres, sans résultat notable. Pour 1990, il serait temps d’avoir plus d’ambitions afin d’aller titiller BMW ou Mercedes pour la victoire.
C’est ainsi que leur nouveau modèle de course aura pour base l’Omega (Vauxhall Carlton au Royaume-Uni), paisible berline routière commercialisée en 1986 qui remplit honnêtement son rôle de porte-drapeau de la gamme Opel. Toutefois, ce n’est pas sur une simple Omega de base que le modèle de compétition sera basé : la version 3000 24V servira comme point d’attaque. Mieux : Opel construit une version plus radicale (et encore plus rare que l’Omega Lotus), ce qui donne l’Omega 3000 Evo 500. En effet, 500 exemplaires doivent être construits afin de bénéficier de l’homologation en Groupe-A concernant les versions plus radicales.
Avec un moteur 6 cylindres développant pas moins de 230 chevaux, l’Evo 500 civile a déjà des arguments pour faire parler la poudre : spoiler avant et arrière, aileron arrière réglable, le tout en conduite « propulsion » pour une vitesse maximale donnée à plus de 250 km/h ! Avouez que ça vous tente également, pas vrai ?
Pour construire à la fois les modèles civils et de compétition, Opel s’adresse au préparateur Irmscher qui siège alors à Remschalden. Irmscher est en quelque sorte le préparateur historique d’Opel depuis plus de vingt ans (on peut même dire qu’il s’agit du département sportif de la marque au Blitz) et le choix s’avérait logique tant leurs produits ont toujours donné satisfaction, que ça soit dans les modèles sportifs ou de rallye (comme avec la Kadett C en 1975).
EN PISTE POUR LA NOUVELLE DÉCENNIE
L’Omega 3000 Evo 500 qui courra en DTM montre ses muscles : 360 à 380 chevaux annoncés sous le capot (sans turbo), la voiture serait capable d’atteindre 300 km/h en vitesse de pointe! Sur le papier, la grande Opel est la plus puissante parmi ses concurrentes, mais il y’a comme des problèmes…
Outre le fait que l’Omega est une grande routière, dans tous les sens du terme : 4,7 mètres de longueur, record absolu pour une voiture de tourisme en compétition à l’époque, celle-ci présente un poids plus élevée que ses rivales : 1150 kilos, soit entre 100 et 150 kg de plus qu’une BMW M3 ou une Mercedes 190-E. Les essais d’avant-saison ont montré que l’Omega souffre d’un sous-virage chronique et est désagréable à piloter. Cerise sur le gâteau, la voiture n’est pas réellement prête pour le début de saison 1990 du DTM…
Il faut attendre la quatrième manche du championnat pour voir les Opel Omega 3000 Evo 500 en piste, précisément sur le circuit de l’AVUS, enfin circuit est peut-être un grand mot car le tracé se résume juste à une portion d’Autobahn en ligne-droite (plus deux virages, dont un banking pour former une boucle).
Parallèlement à ceci, allons jeter un coup d’œil à l’équipe utilisant les Omega de course :
Le Team Irmscher, qui bénéficie de deux modèles et du soutien d’Opel. Elles seront pilotées par le très expérimenté et vice-champion DTM 1989 Klaus Niedzwiedz, puis par le jeune Markus Oestreich.
C’est donc sur des références solides qu’Opel va débuter ce championnat, bien qu’elle ait manqué les trois premières manches.
Face à elle, on retrouve de nombreuses BMW M3, notamment du Team Schnitzer, de Zakspeed ou de Bigazzi. Les Mercedes 190-E ne sont pas en reste puisqu’elles sont représentées par AMG ou par le Team Snobeck. Grande nouveauté de cette saison en dehors des Omega : les innovantes Audi V8 Quattro pilotées par Walter Rohrl, Hans Stuck et Frank Jelinski…Autant dire que la bataille promet d’être rude !
En DTM, un meeting se déroule en deux courses : la première le Samedi, et l’autre le Dimanche. Mais avant cela, il faut passer par la séance des qualifications. Profitant des longues lignes-droites et de leur puissance, les Omega s’en tirent très bien : Oestreich se qualifie quatrième derrière les Mercedes de Biela et Kreutzpointner ainsi que la BMW de Jacques Laffite. Niedzwiedz se qualifie à une belle huitième place.
La première course du weekend sera différent : Oestreich mange le mur après un contact avec une Mercedes et c’est l’abandon tandis que son partenaire finira retardé suite à un souci moteur (25eme, à 3 tours). Pas mieux le lendemain lors de la seconde course où les deux renoncent sur une casse de transmission. Pour des débuts, c’est pas trop ça, mais le potentiel est là, ou presque…
La manche suivante se déroule sur le petit circuit de l’aérodrome Mayence-Finthen. Cette-fois, c’est la douche froide en qualifs’ avec des voitures trop longues, extrêmement sous-vireuses (point qui n’a pas été résolu depuis les premiers tests) et des temps modestes. Idem lors des deux courses avec un double-abandon dans les deux cas (que ça soit un problème de différentiel ou électrique).
Cette mauvaise prestation conduit Irmscher à n’engager qu’une seule Omega, pour Niedzwiedz sur l’aérodrome militaire de Wunstdorf, septième manche du DTM. S’il ne termine pas la première course à cause d’une crevaison, il rejoindra l’arrivée sans encombre le lendemain, à une lointaine 12eme place.
AIR FRAIS DANS L’ENFER VERT
Ce sera encore mieux lors du prochain meeting, sur le très long tracé Nurburgring Nordschleife (surnommé "l'enfer vert") dont les épreuves DTM sont des courses-support peu avant les 24 heures du Nurburgring à cette époque. D’ailleurs, le Team Irmscher prévoit également de participer à cette longue épreuve d’endurance avec l’Omega Evo !
Toujours au volant de l’unique Omega inscrite, Niedzwiedz termine neuvième à l’issue d’une première course marquée par de multiples abandons (dont certains ne pourront pas courir pour la suite…) et surtout cinquième lors de la course 2, à moins de 30 secondes de la Mercedes victorieuse de Biela.
Quelques heures plus tard, la voiture rejoint la (vaste) grille de départ en vue des 24 heures. Niedzwiedz sera épaulé par Oestreich et Volker Strycek. Ensemble, ils réussiront l’exploit de terminer sixième de cette épreuve, malgré le comportement toujours aussi sous-vireuse de la machine.
Ce sera la seule et unique satisfaction de l’équipe avec cette Opel, la suite sera un brutal retour à la réalité : sur les rues du Norisring, huitième manche du DTM, Niedzwiedz (toujours seul) n’a pu réaliser de temps en qualification (moteur cassé) et renonce lors des deux courses de manière anonyme, sur casse de boite de vitesses.
La neuvième manche, sur l’aérodrome (encore !) de Diepholz, voit le retour de la seconde Omega/Irmscher pour Oestreich. Ce dernier réussira à voir l’arrivée lors des deux courses, respectivement à la 15eme et 10eme place. Son expérimenté coéquipier est moins heureux : casse moteur le Samedi et forfait le lendemain, la voiture n’a pu être réparée à temps…
La dixième manche se déroule à nouveau au Nurburgring, cette-fois sur le (court) circuit GP et non le tracé long de 22 kilomètres. C’est aussi le moment pour Irmscher d’engager une troisième Omega, chose qui ne se fera pas. Niedzwiedz se qualifie à une belle 5eme place, son jeune compère n’a pas pu signer de temps après une sortie de piste. En course 1, les Omega n’ont pas de rythme et termineront à des anonymes 17eme et 18eme places, avantage au plus jeune. Puis, les deux pilotes seront impliqués dans des accrochages dans le peloton, bien que Niedzwiedz a suffisamment bouclé de tours pour être classé.
Arrive la onzième et dernière manche du DTM 1990, située sur le circuit rapide d’Hockenheim, et des bruits courent qu’Opel se retirerait de la compétition après une saison fort-difficile. D’autant plus que les Omega 3000 Evo n’ont pas connu le moindre développement cette saison. Ça tombe bien, la voiture a subi une hausse de la puissance (plus de 380 ch) et une baisse du poids. De plus, Irmscher inscrit une troisième voiture pour Volker Strycek.
En tout cas, malgré les améliorations apportées et un circuit censé être favorable à l’Omega, les performances sont modestes. Strycek terminera tout de même huitième de la première course, loin devant ses partenaires, avant un triple abandon le lendemain (moteur et embrayage défaillants).
Une ultime épreuve, hors-championnat cette-fois, a lieu sur le circuit sud-africain de Kyalami, mais Opel a jugé ne pas faire ce déplacement…
A l’issue de cette saison, le bilan est terrible : l’Omega n’a pas progressé d’un iota, que ça soit en termes de fiabilité ou de vélocité. Vice-champion 1989, Niedzwiedz ne termine que 22eme au classement général, belle chute en l’espace d’une année !
UNE AUTRE ANNÉE, POUR PAS GRAND CHOSE
Malgré ces déboires, Opel continue son implication pour 1991. Cette-fois, d’autres équipes utiliseront l’Omega qui a évolué durant l’hiver : nouvelle baisse de poids, modification de l’aileron arrière (plus voyant)…
Outre le Team Irmscher (avec Franz Engstler et Strycek), le Team Eggenberger engage deux Omega pour le français Alain Ferté et le transfuge d’Irmscher Niedzwiedz. Une autre équipe court à temps partiel avec le Team Schubel pour Peter Oberndorfer.
Plutôt que de faire un bilan course par course, faisons juste un résumé rapide de cette saison. En qualifications, les Omega rentrent assez fréquemment dans le top-10 malgré des performances inconstantes. Mais en course, ce n’est pas la même chose. Meilleure position ? Sixième, pour Oberndorfer à Singer. Les points marqués au total pour l’ensemble des pilotes Opel ? Six ! La fiabilité ? Encore pire que la saison précédente, notamment pour le pauvre Niedzwiedz encore moins épargné qu'en 1990.
D’ailleurs, seuls Oberndorfer et Strycek réussiront à marquer des points (et donc, à figurer au moins dans le top-10 dans une course), les autres ont eu droit à des pannes mécaniques ou à des classements en courses anonymes. C’est ainsi que s’achève cette sale année 1991 pour Opel qui annonce dans la foulée son retrait dans la discipline pour retourner (brièvement) en rallye.
Quant à l’Omega 3000 Evo, elle fera une apparition aux 24 heures du Nurburgring 1992. Préparée par Irmscher et pilotée par Strycek, Klaus Thaler et Gunther Schmid (patron du fabriquant des jantes Rial), elle terminera à une surprenante quatrième place. Depuis, les Omega ont été revendues et courent parfois dans les meetings historiques ou dans les courses de côte.
Si cette « routière » de compétition a montré de bonnes dispositions aux longues épreuves d’endurance au Nurburgring (à une période ou le plateau était majoritairement composé de pilotes amateurs) , l’Omega a toutefois échoué à contrer ses rivales en DTM. Trop lourde, inconstante en course, pas fiable et insuffisamment développé, l'Omega 3000 Evo était une fausse bonne idée pour le très concurrentiel championnat DTM.
Néanmoins, le public se souvient de sa longue silhouette qui hantait les circuits allemands, et de son bruit qui régalait les spectateurs.
CARACTÉRISTIQUES VOITURE
Moteur : 6 cylindres 3000cc 24 soupapes
Aspiration Atmosphérique
Position du moteur : Avant
Puissance : 360-380 ch à 8900 tr/min.
Couple : 350 Nm à 6100 tr/min
Châssis : basée sur l’Omega 3000 Evo 500 de route, préparée par Irmscher
Boite de vitesses : Manuelle, à 5 vitesses
Transmission : Aux roues arrière
Dimensions : 4,71m (L) * 1,7 (l)
Poids : 1100 à 1150 kg.
RÉSULTATS EN COMPÉTITION
A participé au championnat DTM entre 1990 et 1991
Saison 1990 :
Exploitée par le Team Irmscher
A débuté sur le circuit de l'AVUS, quatrième manche du championnat
Pilotes :K. Niedzwiedz, M. Oestreich, V. Strycek
Meilleur résultat en course: 5eme au Nurburgring-Nordschleife (Course 2)
Saison 1991 :
Exploitée par les teams Irmscher, Eggenberger et Schubel
Meilleur résultat en course : 6eme à Singen (Course 2).
A également participé aux 24 heures du Nurburgring 1990, 1992 et 1993.
K.N
Comments