Subaru Vivio Super KK 4WD Groupe-A
- Goodstone
- il y a 22 heures
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On peut dire que Subaru a été très original lors de sa participation à la 41e édition du rallye du Safari, en 1993. La marque nippone choisit un modèle pratiquement inédit et insolite, à savoir une petite K-Car ! Gros coup de pub ou délire de la part de Subaru ? Il y’a un peu des deux en fait…Mais on ne sait pas trop si elle doit être classée dans le Fail-auto ou non...
Habituellement présente dans ce rallye réputé très exigeant pour les pilotes et la mécanique depuis l’aube des années 1980, Subaru engageait à titre officiel des Leone Turbo 4x4. Les résultats sont modestes malgré la présence de quelques stars au volant (comme Ari Vatanen en 1987). Mais cela ne va pas empêcher Subaru de s’impliquer davantage en rallye à partir de 1990.
On ne va désormais plus viser uniquement le Safari. On accroit davantage sa présence sur d’autres manches du championnat du monde. Pour cela, Subaru ne se débrouillera pas toute seule, via STI, (ou Subaru Tecnica International, le département compétition) puisqu’on fait appel à la société Prodrive pour engager et développer les voitures, avec l’aide de STI. Ça tombe bien, c’est également les débuts de la Legacy RS Turbo en rallye.

Les débuts seront délicats, les résultats progressent lentement. Mais il y’a du potentiel dans cette équipe et le podium arrive au rallye de Suède en 1992, grâce à un jeune écossais au nom de Colin McRae. Celui-ci deviendra également double-champion en Grande-Bretagne (1991 et '92) avec cette grande berline. Pour 1993, on garde toujours cette voiture. Mais le développement est quelque peu arrêté car on prépare l’avenir avec un nouveau modèle, plus compact par rapport à la Legacy et plus performant. Mais il va falloir attendre encore un peu avant de la voir débuter dans les spéciales.
Le début de saison est marqué par la troisième place de Colin McRae en Suède. La quatrième manche du championnat du monde de rallyes 1993 correspond au fameux rallye du Safari. Et Subaru sera évidemment de la partie…Mais contre toute attente, les bonnes vieilles Legacy RS ne seront pas de la partie. Non, ce sera quelque chose de plus exotique et mignon.
Mais d’abord, précisons que cet engagement presque officiel pour ce rallye provient uniquement de STI. Prodrive n’est en effet, nullement impliquée dans cette histoire. Le département compétition de Subaru, mené par Noriyuki Koseki (lui-même pilote-essayeur de la marque depuis bien longtemps), choisit la Vivio pour l’épreuve.

Quoi, vous ne connaissez pas la petite Vivio ? Celle qui succède à la Rex est lancée en 1992 est une Kei-Car (3,29m de longueur, pour information) plutôt classique en comparaison avec nombre de ses concurrentes. Mais STI va choisir la version la plus « sportive » de la gamme, à savoir la RX-R. Et en dehors de son look plus agressif (aileron arrière, caisse quelque peu élargie, prise d’air sur le capot…), la Vivio RX-R voit son petit moteur de 660cc désormais suralimenté développer au maximum 64 chevaux. Et à l’instar de certaines autres Kei-Car, la voiture est désormais équipée de quatre roues motrices. STI va réussir à l’homologuer en Groupe-A dès la fin de l’année 1992 et la carrière sportive de ce modèle a déjà commencé quelques semaines plus-tôt. Une Vivio RX-R est engagée dans un périlleux Rallye-Raid, précisément au Paris-Moscou-Pékin. Et elle réussira à rejoindre l’arrivée !

Pour le Safari ’93, STI ne va pas se contenter du minimum en ce qui concerne les modifications. Outre les équipements de sécurité comme l’installation de l’arceau, l’aéro a été quelque peu revu, des garde-boues sont installés, les suspensions sont ajustables tandis que le radiateur a été également changé. Sur le petit 4-cylindres de 660cc toujours suralimenté, la puissance est désormais de 85 chevaux, un joli bond en avant par rapport à la version de route même si le chiffre peut faire grandement sourire ! La boite de vitesses à 5-rapports est revue pour l’adapter à la compétition et le poids total de la voiture est de 740kg (peut-être un peu plus) ! Ah, et bien évidemment, la transmission intégrale est conservée.

Enfin, Bridgestone fournira les pneus pour l’occasion, alors que ce sont les Michelin qui équipent les Legacy RS sur les autres épreuves du championnat du monde. Le manufacturier nippon va développer des gommes spécifiques (et adaptées pour un rallye aussi délicat que le Safari) pour cette mini-voiture.
Comme écrit précédemment, la Vivio RX-R de rallye, ou nommée Special KKK sur les feuilles officielles d’homologation, répond au règlement du Groupe-A alors la catégorie principale en rallye. Mais la différence avec les Toyota Celica GT-Four, Ford Escort RS Cosworth ou la Legacy RS est que la Vivio ne courra pas dans la même classe que les reines du Groupe-A regroupées dans la classe « A8 ». Avec sa très petite cylindrée, ses caractéristiques atypiques et l’absence de turbo, elle sera en classe « A5 », avec les voitures de rallye de modeste cylindrée.

Trois Vivio Super KK sont engagées de manière quasi-officielle, sous la bannière du Subaru Motorsport Group (et non Subaru World Rally Team avec Prodrive sur les autres manches). Une de ces voitures abordent la livrée « officielle » en bleu, représentant le sponsor cigarettier 555. Elle est confiée à Colin McRae. Oui, Subaru a visiblement réussi à convaincre l’écossais à découvrir ce rallye avec cette Vivio. On n’ose imaginer sa réaction lorsqu’il a vu pour la toute première fois, cette curiosité…
Les deux autres Vivio sont peintes en jaune, aux couleurs du sponsor T-Bird. Elles sont pilotées par Patrick Njiru, spécialiste du rallye du Safari et local de l’étape (qui se déroule au Kenya), et le japonais Masashi Ishida, qui découvrira ce rallye.

Notons également que deux autres Vivio aux caractéristiques identiques (ou presque) que celles semi-officielles sont présentes sur ce rallye, pilotées par le mexicain Francisco Villasenor et le local Yosegh Patel. En face d’eux, on a Toyota qui engage quatre Celica GT-Four, Mitsubishi qui envoie une Lancer Evolution pour Ken Shinozuka, trois Dahiatsu Charade engagées par l’importateur kenyan de la marque et plusieurs autres privées. En classe A5, il n’y a pas grand-chose à dire puisqu’il n’y que les cinq Vivio présentes dans cette épreuve.
On ne savait pas trop quoi s’attendre avec ces Kei-Car pour cette grande épreuve qui propose au total, plus de 2110km répartis sur cinq jours, d’autant que l’équipe, majoritairement inexpérimentée, n’a pratiquement rien à voir avec celle de Prodrive dans les autres rallyes. Au moins, le buzz et le petit coup de pub’ a fonctionné : qui connaissait réellement la Vivio jusqu’alors…Non, vous ne la connaissez toujours pas ? Bon ben tant pis…

Dès le départ, Colin McRae semble faire du Colin McRae. C’est-à-dire attaquer et foncer. Et ça semble bien marcher car il pointait un moment quatrième au général après quelques spéciales réalisées ! Malheureusement, la Vivio n’aime visiblement pas les terrains difficiles du Safari et le pilotage de l’écossais. En traversant une rivière puis en touchant l’escarpement, la suspension et le différentiel sont endommagés. Malgré le travail des mécanos, la Vivio ne tiendra pas le coup quelques spéciales plus-loin et c’est l’abandon pour Colin McRae et son copilote Derek Ringer, visiblement pas mécontents que l’aventure se termine avant la fin de la toute première journée.

Pour Masashi Ishida, il réussira à survivre un peu plus longtemps, jusqu’à ce que son moteur le lâche. Seuls Villasenor et le local Patrick Njiru parviendront à rejoindre l’arrivée de ce rallye, à une honorable 12e position finale pour ce dernier (et bien sûr premier en classe A5) sur les 17 survivants. L’expérience avec la Vivio Super KK s’arrête là. C’était fun et tout n’était pas ridicule en termes de prestations, mais la petite Subaru n’était pas réellement faire pour cette rude épreuve. On aurait bien voulu la revoir sur d'autres épreuves pour véritablement évaluer son potentiel intéressant contrairement à ce que l'on peut lire par-ci ou par-là. Bref, ce n'est pas un Fail-auto contrairement à ce que l'on aurait pu croire.
Pour la suite de la saison 1993, on revient à la normale du coté de chez Subaru et Prodrive avec des Legacy RS qui seront remplacées par l'Impreza WRX à compter du rallye de Finlande. La grande berline familiale aura eu le temps de décrocher une victoire, la première pour Subaru, en Nouvelle-Zélande, grâce à Colin McRae.
On verra pourtant une de ces voitures en fin d’année, au RAC Rally (Grande-Bretagne) dans le cadre de l’ultime manche du championnat du monde. Visiblement engagée à titre semi-officielle et abordant une livrée blanche et mauve, le jeune Richard Tuthill (19 ans à l’époque) est au volant de cette Subaru qui se comporte correctement avant que le moteur rende l’âme au début de la deuxième journée. Dans ce même rallye, une Vivio aux caractéristiques quelque peu différentes de celle qui nous intéresse termine l’épreuve à la 38e position finale, et premier parmi les Groupe-N de faible cylindrée !

C’est l’une des très très rares apparitions de cette voiture en Europe. Il y’a eu trois Vivio présentes au rallye du Monte-Carlo en 1999. Mais celles-ci, pilotées par des noms connus dans le milieu (Jurgen Barth, Gabriele Cadringher et Jean Vinatier), sont purement des Groupe-N et ne partagent pas grand-chose avec la Super KK Grp.-A. Il faut surtout aller au Japon et dans quelques manches du championnat d’Asie-Pacifique (et parfois au Safari les années suivantes) pour voir ces voitures durant le milieu des années 1990.

Liens / sources
John Davenport & Reinhard Klein, Group-A: When rallying created road car icons, McKlein Publishing, 2021

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