Une supercar en endurance ! Malheureusement, la Pagani Zonda GR n'aura pas eu le même destin que la Mclaren F1 GTR. Reste que cette machine a connu une deuxième carrière assez surprenante.
Quand on parle de la Zonda, on fait souvent référence à la supercar crée par Horacio Pagani. Rêve ultime de son fondateur, cette voiture est présentée au salon de Genève en 1999 et constitue comme le point de départ à une belle histoire qui continue encore aujourd’hui.
Que vous l’ayez connu via les magazines et revues automobiles, par les jeux-vidéos ou encore en la croisant à tout hasard dans les rues (bande de veinards !), la machine construite près de Modène, en Italie, ne passe pas inaperçu avec son look d’enfer et ses performances sur la route en partie grâce à son moteur V12 de 7 litres provenant de chez Mercedes. Pas mal pour une supercar artisanale, mais très sérieuse sur le plan vélocité et construction. De quoi également faire une version de compétition ? Pas du tout, la Zonda n’a clairement pas l’intention de s’aventurer dans ce milieu…Bon, il y’a eu une version modifiée (la « R ») pour battre le record du tour sur le Nurburgring Nordschleife en 2010, mais ça, ça ne compte pas !
…Et pourtant, une équipe va faire le pari d’engager cette machine dans les épreuves d’endurance. La personne principalement à l’origine de tout ceci ? Toine Hezemans. Très bon pilote de tourisme et de sport-protos dans les années 1960-70, le néerlandais décide de créer sa propre structure après sa carrière de pilote, Carsport. Celle-ci deviendra une équipe de course et préparateur dans le monde de la compétition, en travaillant notamment avec pas mal d’autres équipes et parfois, avec des constructeurs comme Lotus.
Visiblement impressionné par la Zonda, il s’intéresse de près à cette supercar et envisage de la faire courir en compétition ! Pour l’aider dans ce projet, il sera épaulé par l’équipe belge du PK Racing, alors dirigée par Paul Kumpen, ainsi que du Viperacing de l’américain Tom Weickardt. Cette association va former une nouvelle entité nommée « Carsport America ». Bien que considérée comme une antenne nord-américaine de la structure d’Hezemans, elle repose essentiellement sur les bases de la désormais ancienne équipe Viperacing.
Ensuite, il convainc Pagani de l’accompagner dans ce projet. Ce dernier accepte de produire une version de course et de s’occuper de l’homologation, mais ne soutiendra que très mollement le programme. Basée sur la Zonda C12-S, la voiture sera inscrite dans la catégorie GT1, alors la chasse gardée des Ferrari 550, Viper GTS ou autres Saleen S7. Bien évidemment, pas mal de modifications seront nécessaires pour la rendre exploitable en compétition.
Pour le moteur, il est bien prévu d’installer un V12, pas celui qui propulse la Zonda de série, mais celui qui équipait les CLK-GTR / CLK-LM et CLR de 5 litres (toujours en atmo’), sauf que Mercedes refuse la proposition de Carsport et l’équipe doit se « contenter » du moteur de série…
Préparée dans les ateliers de Pagani, mais également finalisée chez Carsport et PK Racing (partiellement certes), la voiture de compétition, appelée Zonda GR, est quelque peu différente de la version normale. La carrosserie est toujours en fibre de carbone, mais les équipements de confort ont été enlevés et le poids total est désormais de 1170 kg, soit 60 de moins que la série. Les deux ailettes arrière ont été remplacées par un aileron arrière plus efficace tandis que la partie avant ainsi que le diffuseur arrière ont été retouchés pour une meilleure efficacité aéro. Pour le reste, et hormis la boite de vitesses séquentielle venant de chez Hollinger, les suspensions ou encore les freins, la majorité des pièces viennent de la Zonda C12-S de route.
En ce qui concerne le V12 atmo, la cylindrée passe de 7000 à 6000cc et la puissance a été réduite à un peu moins de 600 chevaux (560 à 580 selon certaines sources). Les modifications du bloc ont été confiées au préparateur belge Breuer Technical Development. Sur le papier, les chiffres sont alléchants malgré cette baisse, mais est-ce qu’il sera à l’aise dans le monde de la compétition ?
L’objectif pour Carsport America est de participer à plusieurs épreuves en endurance / GT, que ça soit en American le Mans Series, aux 24 heures du Mans, en FIA GT, voire à quelques autres courses locales. Le programme est prévu sur « plusieurs » saisons et l’équipe envisage de construire d’autres Zonda en vue d’attirer des clients en compétition.
Malgré les modifications énoncées ci-dessus, tout ceci reste assez limité faute de budget suffisant (d’autant qu’il n’y a pas de sponsor majeur..). Autre souci, prévu pour faire débuter la Zonda GR dès 2003, le programme n’a débuté qu’en décembre 2002 et malgré les roulages satisfaisants durant l’hiver, ceux-ci ne sont pas suffisants pour vraiment évaluer le potentiel et les limites de la machine…Est-ce que cette supercar impressionnera également le monde du GT malgré son look « imposant » ? Certes, la Zonda est quelque peu inspirée d’une machine de course, la Sauber-Mercedes C11 du Groupe-C à l’aube des 90s, mais quand même…
Les débuts de la Zonda GR se déroulent aux 12 heures de Sebring à la mi-mars. Pour cette première épreuve de l’American Le Mans Series, très délicate pour les voitures, Carsport America confie la machine à Mike Hezemans et à Anthony Kumpen, eux-mêmes fils des dirigeants de cette équipe (et bons pilotes au passage). Le troisième pilote sera Ricardo Gonzalez. Notons également que l’équipe engage également une Viper GTS-R (ex-Viperacing) avec notamment Jean-Philippe Belloc au volant.
Engagée en classe GTS (les GT1 de l’époque), la Zonda GR se confrontera donc, aux Corvette officielles, aux Ferrari 550 de chez Prodrive, à quelques Saleen S7 ainsi qu’à la Viper de la même structure.
De manière prévisible, la machine rencontre pas mal de soucis technique (moteur, boite) et ses performances ne sont pas au niveau des autres voitures de la catégorie. Meme si l’équipe a utilisé un moteur de série pour les essais et les qualifs’, la machine manquait principalement de pêche dans les lignes-droites et souffrait d’une aéro défavorable sur ce tracé. Elle signera le dernier chrono de sa catégorie, à plus de 5 secondes des Corvette et à plus de 2 sec. De la Viper engagée par la même structure. Pour l’épreuve, pas grand-chose à dire : casse moteur (la version modifiée a été montée pour la course justement…) après 7 boucles…
Un important travail de mise au point est nécessaire pour améliorer la Zonda GR. Carsport ne participera pas à d’autres épreuves en attendant ceci. L’équipe a reçu une invitation aux 24h du Mans, celle-ci accepte et la Zonda fait son retour en compétition dans la Sarthe.
Présente lors des essais préliminaires en mai, la Zonda GR sera toujours pilotée par Hezemans et Kumpen. Ils seront cette fois accompagné du gentleman-driver David Hart qui emmène avec lui sa compagnie immobilière comme sponsor. Ce sera l’unique machine engagée par Carsport America pour ces 24h.
Durant ces séances test, les performances resteront modestes, avec toujours quelques soucis de fiabilité et une sortie de route (sans conséquence toutefois). Le meilleur temps pour cette voiture est de 4 :11 :27, à plus de 13 secondes de la Ferrari 550 de chez Prodrive qui a signé le meilleur temps en GTS (GT1).
Pour la grande épreuve, la Zonda GR, pilotée par le même trio lors des essais préliminaires, est à nouveau améliorée : spoiler avant et aileron arrière ajustés, poids en baisse, boite revue et moteur un peu plus puissant et coupleux. Suffisant pour au moins s’approcher des Ferrari 550, des Saleen S7, des bonnes vieilles Viper ou encore des Corvette ?
Dès les premiers essais officiels, la machine s’est améliorée, mais ça reste encore insuffisant : l’aero reste perfectible et la fiabilité est toujours aussi problématique tandis que le moteur manque une fois encore de souffle dans les lignes-droites…Résultats des qualifications : un meilleur temps en 4min04, à dix secondes des Ferrari 550 de chez Prodrive, les plus rapides en classe GTS. Au moins la Pagani est devant une Viper privée…
Pour la grande course de 24h, on ne s’attendait pas à voir cette voiture flanquée du numéro 61 briller, et encore moins tenir la distance. Ce fut effectivement le cas puisque la boite de vitesses rend l’âme après dix petits tours. Ce sera le premier abandon de cette 71e édition du Mans après moins de 90 minutes d’épreuve…
Passé cette mésaventure, la Zonda GR effectuera des essais en vue de fiabiliser le moteur et la boite. Il est prévu de la faire participer aux 24h de Spa (manche de FIA-GT) et Carsport a d’ailleurs engagé la machine lors des essais précédant la grande épreuve belge. Mais la structure américano-néerlandaise préfère sagement se retirer. A la place, on ajoute quelques autres courses au programme dans le championnat belge de GT, la encore sans suite et l’équipe va passer le reste de l’année à peaufiner la Zonda GR ainsi que de trouver des partenaires pour financer le programme…
En 2004 justement, Carsport a trouvé un client via l’équipe française Force One Racing, structure fondée par Philippe Alliot et David Halliday (le fils de Johnny, gentleman-driver à ses heures également). Cette dernière emprunte la Zonda (la seule ou une deuxième voiture construite ?) pour cette année et l’engage en FFSA GT, championnat français de GT. Elle bénéficiera également du soutien technique de la part de Carsport pour chaque épreuve en plus des 24h du Mans.
Cependant, la Zonda se contentera juste de rouler lors des essais, pas plus. Il semblerait que la voiture manque toujours de mise au point malgré quelques améliorations cet hiver (incluant une nouvelle boite d’origine Xtrac et une cylindrée qui passe à 6,9 litres). Du coup, Alliot et Halliday (qui pilotent également) se contentent d’engager une Viper GTS-R. Choix payant car David Halliday se bat pour le titre jusqu’à la fin de la saison.
Invitée pour la 72e édition du Mans, la Pagani reçoit davantage de soutien de la part de Carsport. Coté pilotes, si Halliday est toujours là, il sera accompagné d’Anthony Kumpen et de Bruno Besson. Lors des essais préliminaires qui se déroulaient à la fin du mois d’avril, la machine toujours engagée en catégorie GTS tire toujours la langue face à ses concurrentes et signe un chrono plus que modeste, derrière pas mal de voitures de la catégorie GT tout court comme les Porsche 911 GT3…
Malgré ceci, la Pagani sera bel et bien présente au Mans…mais un accident en essais sur le circuit de Vallelunga (accrochage avec une autre voiture) endommage fortement la machine italienne. Le temps de réparer et de trouver de nouvelles pièces, il est trop tard pour venir dans la Sarthe et l’équipe Force One doit déclarer forfait…cette dernière va d’ailleurs délaisser la Zonda pour se concentrer sur la Viper en FFSA GT. Dans le même temps, Pagani, déjà pas vraiment impliquée, n’aide plus du tout Carsport pour ce programme en laissant tomber l’homologation de la machine (qui pose déja problème étant donnée qu'elle est construite en fibre de carbone, ce que l'ACO - les organisateurs du Mans - va désormais bannir ceci). Faute de budget et de soutien, tout ceci va être jeté aux orties…
Des supercars en compétition, certaines ont brillé, mais la Pagani Zonda ne fait pas partie de cette liste. Trop complexe à la développer, pas adapté au monde des GT et sans soutien majeur ni moyens, impossible de briller davantage. Cela n’empêchera pas la machine de connaitre une seconde vie…
En effet, un gentleman-driver tchèque au nom d’Antonin Herbeck achète une des deux Zonda GR et pilote lui-même dans le championnat tchèque de GT avec sa propre structure : Rock Media Motors. Il prévoit également de l’engager en FIA-GT, mais les modestes prestations de la voiture lors des journées test d’avant-saison (entre 2006 et 2008) le dissuade de participer dans ce championnat (d’autant que l’homologation posait problème).
Finalement, Herbeck se contente du championnat « local » avec quelques bons résultats, mais assez souvent, il subit le manque de fiabilité de sa voiture. Ce qui ne l’empêche pas de continuer pendant plusieurs saisons dans ce championnat, avec quelques modifications par-ci par-là à son propre compte.
La principale modification arrivera en 2011 avec un nouvel aileron arrière et surtout, une toute nouvelle robe rendant la Zonda assez méconnaissable (et pas très élégante pour certains).
En 2012, tout bascule: Un vilain carton avec une Audi A4 DTM, pilotée par Tomas Kosta, envoie la Pagani dans le rail alors qu’ils se battent pour la gagne. Résultat : gros choc et voiture détruite.
C'est un attentat de la part de l'Audi !
Reconstruite peu après, la Pagani reprend du service pour 2013, toujours avec Herbeck au volant et encore au sein de son équipe (désormais Rock Racing Motors). Cette-fois, il roulera dans le championnat allemand DMV GTC, acceptant des GT3 actuelles, des TCR ou encore des machines exotiques à l’instar de cette Zonda GR. Elle fera bonne impression dans le peloton et remportera même plusieurs courses avec jusqu’en 2017...avant de revenir quelques temps plus-tard. Aujourd'hui encore, et avec le même pilote, la Zonda arpente les pelotons du GT ESET Cup (série se déroulant sur les tracés d'Europe Centrale et de l'Est), parfois avec quelques victoires !
Une seconde vie inattendue, mais globalement fructueuse pour cette supercar italienne.
Fiche auto
Moteur : V12 de 6000 à 6900cc d’origine Mercedes
Aspiration :atmosphérique
Implantation : central-arrière
Puissance : de 560 à 600 chevaux à 5800 tr/min
Voiture : basée sur la Zonda C12-S de série, carrosserie en fibre de carbone
Freins : d’origine Brembo
Boite de vitesses : séquentielle 6 vitesses Hollinger, puis Xtrac
Transmission : propulsion
Poids : 1170 kg, puis 1100 kg
Dimensions : 4,39 m (L) x 2m (l)
Pneumatiques : Pirelli (durant son exploitation par Carsport/ Force One)
Remerciements à Modjo218 pour la voix !
Liens/ sources:
K.N
Article très intéressant et richement documenté pour cette magnifique Supercar. Merci pour la découverte ! 😉