Remontons le temps et faisons un tour dans la période dorée du championnat britannique de Touring-Car (BTCC). Le modèle en question ? Une voiture qui ne ressemblait pas vraiment à une véritable voiture de tourisme et qui ne connaîtra pas un succès, malgré deux victoires opportunistes.
Depuis le début des années 1980, le public pouvait apprécier le spectacle dans le monde des voitures de tourisme. Que ça soit à l’échelle locale ou dans le championnat européen (ETCC), toutes les voitures participant à ce type de championnat doivent répondre à la réglementation Groupe-A, une catégorie qui exige que les modèles doivent être proches de la série à condition qu’elles soient commercialement produites à 25 000 exemplaires en 12 mois, ou 2500 exemplaires pour une version spéciale d’un modèle dans le civil. D’ailleurs, pas mal de constructeurs participaient plus ou moins officiellement à ces festivités : Alfa-Romeo, BMW, Ford, Mercedes-Benz ou encore Toyota…
…Mais voilà, les années passent, les couts augmentent et l’intérêt commence à s’envoler, sauf pour les allemands qui persistent dans cette classe à travers leur championnat local (DTM). Quoique ces derniers vont également passer à autre chose dans les années à venir à cause de la domination d’Audi avec la V8 Quattro (à transmission intégrale).
Pour la FIA, on pense à autre chose et on introduit à partir de 1992, une nouvelle catégorie appelé « Super-Touring » ou « Class 2 ». Cette dernière se veut une alternative plus raisonnable financièrement parlant, mais également accessible tout en conservant les mêmes restrictions techniques vues dans le Groupe-A (cylindrée maximale : 2000cc, puissance ne dépassant pas les 300ch …) et d’homologation. Particularité : aucun appendice ou modification aérodynamique ne sera tolérée pour cette catégorie.
Dans le fond, les britanniques ont déja eu l'idée en 1990 avec les "Class B" dans le championnat local de tourisme le BTCC. Si cette saison initiale se résume à une horde de BMW M3 dégonflées pour répondre à la réglementation, la suite montrera que la TOCA (organisateurs de ce championnat) vient de créer la formule idéale pour les courses de tourisme durant les années 1990, notamment avec l’arrivée de plusieurs constructeurs généralistes. D’ailleurs, tous les autres championnats nationaux adopteront cette classe dans les années qui suivent.
Losange victorieux
Renault au début des années 1990, c’est un constructeur qui réalise des bénéfices et un chiffre d’affaire en hausse grâce au président de l’époque Raymond Lévy. Mais Renault, c’est également les victoires en Formule 1 avec l’écurie Williams, notamment avec Thierry Boutsen, Riccardo Patrese et surtout Nigel Mansell. Ce dernier sera d’ailleurs champion du monde en 1992 tout comme Williams-Renault…
Ce que certains ont probablement oublié, c’est que Renault a également une expérience dans les voitures de tourisme, notamment avec les R5 et R21 Turbo qui courraient en Supertourisme (ou Superproduction). A la fin des années 1980, elles dominaient ce championnat français.
A la fin de l’année 1992, la marque au losange se lance également dans le championnat britannique de tourisme (BTCC) pour l’année suivante. Et les techniciens ou mécanos de Renault auront du pain sur la planche afin de construire leur Touring-car puisqu’ils auront moins de six mois avant la première manche (à Silverstone) pour la réaliser ! La course contre la montre est en marche.
En parallèle, la TOCA a modifié les règles de la catégorie Super-Touring en imposant une longueur minimale de 4,20 mètres et en autorisant uniquement les véhicules à quatre portes. Vu les caractéristiques techniques, les berlines familiales conviennent très bien pour ce championnat.
Concernant Renault, le choix est vite fait : ce sera la R19 Chamade 16V, honnête berline compacte à 4 portes, qui sera choisie pour représenter le constructeur français en BTCC. Un choix plutôt étrange tant la R21 semblait un choix plus judicieux…Mais bon, on ne va pas critiquer ce choix vu que le temps passe.
Pour accroître ses chances de réussite, Renault s’offre les services du champion BTCC 1992: Tim Harvey, qui a précédemment gagné avec une BMW 318, va devoir cette-fois piloter une toute nouvelle machine et guider une équipe qui a tout à apprendre des rudiments du tourisme. Sauf qu’il ne s’attendait certainement pas à ce que cela soit aussi laborieux, et ce, avant même le début de saison.
Groupe-N ou Super-Touring ?
Dans un laps de temps réduit, rappelons-le, le staff technique a réussi à concevoir la 19 BTCC dans les ateliers de Renault Sport, à Viry-Chatillon. Le résultat est…médiocre. Quand Harvey vient en France voir sa nouvelle monture, il est très vite horrifié du produit final, jugez plutôt :
Il semble évident que la 19 n’exploite pas au maximum la réglementation permise par le Super-Touring, faute de temps et de budget alloué à ce programme (priorité à la F1, eh!). Extérieurement, elle fait penser à une voiture du Groupe-N, une catégorie où les modèles sont strictement de série, et encore, à en croire Harvey, ce n’est que le début des soucis :
"La première fois que j'ai vu [la R19], c'était au siège de Renault-Sport en France et j'étais horrifié. C'était une voiture de série. Je veux dire qu'elle avait des pédales de voiture standard et un frein à main! […] J'ai demandé pourquoi il y’avait un frein à main et ils m'ont répondu que Jean Ragnotti [pilote d'essais de Renault à cette période] aimait négocier les virages au frein à main ... "]
Tim Harvey, interview accordée à Motorsport Magazine, 1998
Parlons technique: le moteur a été développé par Sodemo (atelier localisé à Magny-Cours). Conformément à la réglementation, celui-ci est un 2 litres 16 soupapes développant 280 chevaux. Une boite de vitesses a été réalisée par Renault-Sport, elle a la particularité d’être séquentielle. Les pneumatiques Michelin équiperont les Renault pour la saison entière.
Enfin, pour épauler Harvey, on fait appel à un suisse ayant montré de belles performances lors de la saison 1992 de BTCC : Alain Menu.
Etant donné que les quelques tests avec la 19 n’étaient en rien satisfaisants. Renault a eu la sage décision de confier le développement et l’exploitation à GB Motorsports pour la saison et de former le Renault Dealer Team GB Motorsports, histoire d’améliorer les choses avant le début du championnat, c’est-à-dire pas grand-chose, sinon améliorer le comportement de la voiture et la boite séquentielle.
TOCA Touring Cars Championship
Circuit national de Silverstone, 27 Mars 1993, première manche du BTCC 1993. C’est également les débuts officiels de la R19 dans le monde des voitures de tourisme, faisons un point sur ce qui est certainement l’un des plus beaux plateaux de ce championnat britannique de Touring-car :
Deux BMW 318i sont exploitées par le Team Schintzer, avec notamment Steve Soper et Joachim Winkelhock. Les japonais Nissan et Toyota sont également de la partie avec des Primera et Carina engagées officiellement. Vauxhall persiste avec sa vénérable Cavalier (Vectra chez nous) tandis que Peugeot répond présent avec trois 405 Mi16. Autre nouveauté en plus de la Renault, Mazda s’engage à travers sa marque de luxe : Xedos. Autant dire que la frêle R19 n’aura pas intérêt à trop se traîner en cours de route face à la concurrence !
Durant les essais qualificatifs (sur deux séances, on retient ensuite le meilleur chrono parmi ces sessions), la Renault confirme ses mauvaises dispositions vues précédemment : faute de bons réglages et d’un comportement pataud, Menu et Harvey ne se qualifient qu’au 18eme et 22eme rang sur la grille (pour 24 voitures au total), au milieu des voitures privées. Idem le lendemain en course, après une prestation transparente, ils finiront 10eme et 11eme, avantage au Suisse. La suite annonce tout, sauf de l'optimisme...
La suite sera prochainement publiée sur Fail-Auto. On parlera du reste de la saison avec cette R19, merci de votre patience! :)
K.N
NB: Je tiens à remercier Guillaume "Crash71100" pour quelques "tuyaux" utiles contribuant à l'article.
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