Derrière les Maserati, tel fut le bilan général des Grands-Prix automobiles en 1932 et 1933 dans le camp Bugatti. La France s’incline face à l’Italie, comme c’est le cas depuis le début de la décennie. Tout ceci couplé à la prochaine arrivée des constructeurs allemands (Auto-Union et Mercedes-Benz qui fera son retour) font que la tache de Bugatti va être extrêmement difficile pour la suite. Le constructeur basé à Molsheim va d’ailleurs refuser e vendre leur dernière machine, la Type 59, à des équipes et pilotes privés. Une situation plus que problématique pour ce derniers…
Faut -il passer à la concurrence (étrangère) et s’acheter une Maserati ou une Alfa-Romeo par exemple ? Chose impensable pour certains et un petit groupe se forme pour concevoir eux-mêmes leur propre voiture. Plus précisément, ce sont quatre personnes qui vont créer une nouvelle entité : la Société d’Etude et de Fabrication d’Automobiles de Course, ou S.E.F.A.C.
Ses fondateurs sont Raymond Sommer, André Parant, Raymond Brault et Emile Petit. Les deux premiers nommés sont pilotes tandis que les deux derniers sont concepteurs et ingénieurs. L’objectif est clair : il faut que la machine soit prête à temps pour le GP de France 1934. Sachant que la S.E.F.A.C n’existe que depuis quelques mois, il faut se dépêcher !
La voiture sera essentiellement développée et dessinée par Emile Petit, bien que le châssis est réalisé par Edmond Vareille. C’est une monoplace intéressante qui présente des originalités sur le plan technique en dépit de son design traditionnel. Sous le châssis en acier se cache des suspensions à ressorts hélicoïdaux et une boite de vitesses électromagnétique Cotal, élément présent sur de véhicules haut de gamme u sur certains autorails à l’époque. Ce système, bien que lourd et complexe, permet un changement rapide de chaque vitesse via le courant électrique.
Sous le capot à l’avant, c’est également intéressant. Il y’a deux bloc de 4-cylindes chacun qui propulsent la voiture. Installés de manière parallèle, l’ensemble du moteur a une cylindrée de 2800cc et la puissance est annoncé à 240 chevaux. Certaines sources décrivent la disposition des moteurs en forme de « U », d’où le fait qu’il est parfois considéré comme un « U8 ».
Voilà les principales lignes e la fiche technique de la S.E.F.A.C, car en 1934, personne ne savait grand-chose de cette voiture ou de cette structure. Tout était secrètement gardé…
Comme écrit au-dessus, tout doit être prêt pour qu’elle débute en compétition au GP de France 1934, sur l’autodrome de Montlhéry. Mais entre le manque de temps et la mise au point plus que laborieuse, il faut se rendre à l’évidence : la machine n’est pas apte à rouler. Il va falloir encore attendre une année supplémentaire. Cependant, tous les soucis précédents s’accompagnent également d’un manque criant de moyens financiers et techniques (car à part les fondateurs de la marque, il n’y a pratiquement personne…).
Au début de l’année 1935, une souscription publique appelé « Comité de la Souscription Nationale pour les Fonds de Course » est crée afin de soutenir les constructeurs Français en compétition automobile. Cette idée initiée par l’Automobile Club de France permettra à la S.E.F.A.C de récolter un peu d’argent pour le développement et les (rares) essais.
Les vrais débuts en compétition commencent à la fin du mois de juin sur l’autodrome e Montlhéry. Pour ce GP de l’Automobile Club de France qui ne compte pas pour le championnat européen des Grands-Prix automobiles, onze voitures sont présentes pour l’évènement. Si on retrouve bien évidemment les Maserati et les Alfa-Romeo, les trois Mercedes officielles sont également de la partie, de même pour Bugatti avec une T59 engagée. Du coté de la S.E.F.A.C, la voiture n’a, semble-t-il, pas évolué depuis un an hormis la puissance du moteur qui passe à 250 chevaux (avec une légère hausse de la cylindrée). Raymond Sommer ayant déserté l’équipe depuis ce temps, ce sera Marcel Lehoux qui sera au volant.
Les soucis commencent avant meme les premiers véritables tours de roue. La machine est extrêmement lourde : 930 kg alors que le poids des autres voitures dépassait à peine 750 kg (le poids minimum en Formule libre). Son aspect massif, sa complexité technique, son manque de puissance, son comportement imparfait et sa fiabilité (coté freins) sont également les problèmes recensés sur cette S.E.F.A.C.
Après des essais plus que modestes, l’équipe ne participera finalement pas à l’épreuve, poussée par les organisateurs à déclarer forfait selon certaines sources. Après ceci, la S.E.F.A.C disparaitra pratiquement aux yeux du public, se bornant néanmoins à continuer le développement de sa propre machine malgré le manque de fonds.
On entendra ce nom reparler de lui deux ans plus-tard sur le même circuit, cette-fois pour la course du Million de Franc. Organisée par le Front Populaire afin de soutenir les constructeurs français, le vainqueur de cette épreuve se déroulant sur deux journées (fin-aout) recevra comme son nom l’indique, la somme d’un million de franc (en réalité moins) pour le constructeur qui arrivera à parcourir 200km (16 tours) tout en étant capable d’atteindre la vitesse moyenne de 146 km/h. (C’était la performance réalisée par la Mercedes de Rudi Caracciola en 1935). Un bon moyen pour encourager les constructeurs français (Bugatti, Talbot ou Delahaye) à s’aventurer dans les Grands-Prix importants face au redoutables allemands à terme. La S.E.F.A.C devait être de l’aventure, mais faute de préparation et surement à cause d’une voiture encore trop imparfaite, elle ne sera pas présente.
Finalement, son retour sera attendu en juillet 1938, toujours dans le cadre du GP de ‘Automobile Club de France qui se déroule cette-fois sur le tracé de Reims-Gueux. En trois ans, la réglementation a changé avec les moteurs suralimentés qui ont désormais une cylindrée maximale limitée à 3000cc.
La machine n’a pas vraiment évolué pendant tout ce temps. La carrosserie a été modifiée et la partie avant est plus arrondie. Le moteur voit sa cylindrée frôler les 3000cc (la puissance reste toujours de 250 chevaux) tandis que le poids total de la voiture est légèrement à la baisse.
Des évolutions certes, mais insuffisantes face aux rouleaux compresseurs allemands plus « modernes » et puissants. Pilotée par Eugène Chaboud, la S.E.F.A.C, déjà bien dépassée, est à la traine et se contente du 8e et avant-dernier rang au départ. La course sera très brève pour l’équipe car une fuile d’huile causera l’abandon de la voiture après seulement deux tours (sur 64).
Après Reims, il faudra une fois encore patienter un bon moment pour que la S.E.F.A.C refasse son apparition. Cette-fois, c’est dans les rues de Pau qu’elle hantera le circuit urbain pour ce GP éponyme qui ne compte pas pour le championnat d’Europe. En plus des Mercedes et des Auto-Union, on retrouve également Bugatti et Delahaye pour un plateau qui compte 15 voitures pour cette course.
Avec Jean Trémoulet au volant, il n’y a aucune amélioration en termes de performances (plus de 25s derrière en qualifications). Et la S.E.F.A.C va comme à Reims, renoncer en cours d’épreuve pour un souci technique, au 35 des 100 tours.
Ensuite, la voiture disparaitra à nouveau, et avec le conflit de la Seconde Guerre Mondiale qui débutait, celle-ci sera discrètement cachée dans les caves de l’autodrome de Montlhéry. L’histoire de S.E.F.A.C et de sa machine semble être définitivement terminée…Mais pas tout à fait. To be continued.
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