Fail ou pas fail ? Sur le papier, cette Super 1600 méconnue, hormis pour les anciens joueurs de V-Rally 3, ne semblait pas etre une référence...

Alors…où en sommes-nous dans le parcours d’Opel/Vauxhall en rallye ? Après la Manta 400 Groupe-B, les projets mort-nés de la version 4x4 ou de la Kadett Groupe-S, on a eu une petite présence à la fin des années 1980 avec la Kadett GSI 16S. Visiblement impliquée dans le programme DTM avec l’Omega 5000, la branche européenne du groupe General Motors ne semble pas investir dans le monde du rallye. On a bien eu la Calibra 4x4 turbo qui devait se battre avec les Toyota, Subaru ou Mitsubishi, mais sa présence aura été aussi furtive qu’infructueuse en 1993. Alors il reste quoi ? L’Astra GSi 16V qui se débrouillait bien dans la classe des Groupe-A « non-atmo » (et qui faisait office d’une des premières voitures de la coupe F2, qui accueillera les Kit-Car par la suite) avant que la marque stoppe le programme à la fin de l’année 1994.
Et puis quelques années plus-tard, c’est le retour dans cette discipline avec l’Astra Kit-Car. Apparue à la fin de l’année 1998, la voiture intégralement développée par le Ray Mallock Limited (RML) se montre globalement compétitive face aux autres voitures de sa catégorie. Après plusieurs victoires de classe (voire absolues) au niveau national, que ca soit en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Norvège, on arrête le programme et le soutien à la fin de l’année 2000.

On peut penser que les ressources sont majoritairement tournées vers le DTM, avec l’Astra Coupé ? Non, pas vraiment. En fait, on prépare une nouvelle voiture qui répond à la nouvelle réglementation du Super 1600, catégorie qui succède aux F2/Kit-Cars et qui va servir de base au Junior WRC au sein du championnat du monde, à partir de 2001. Le concept n’est pas compliqué : pas de transmission intégrale, puissance maximale limitée à 230 chevaux, moteur atmosphérique avec une cylindrée ne dépassant pas les 1600cc (d’où le nom de la classe) et voitures proches de la série.
Pour ce programme, le constructeur allemand investit, mais pas trop : General Motors ne verse pas d’argent et Opel à peine. En réalité, le projet est davantage mené par Opel Performance Center (OPC) qui s’occupe également de la branche compétition de la marque. Pour le développement et la préparation, on fait à nouveau confiance à l’entité britannique Ray Mallock Limited comme ce fut le cas avec l’Astra Kit-Car. Dernier petit point : Vauxhall n’est aucunement mentionnée dans l’histoire, puisque le projet vient surtout d’Opel et non de la cousine Outre-Manche.

La voiture est révélée à la fin de l’année 2000 à Essen. Elle se base sur la Corsa de troisième génération apparue la même année dans les concessions. Par rapport au modèle de série, elle s’est élargie, et le moteur 4-cylindres Ecotec développe 215 chevaux et est préparé par Swindon Engines.
La boite de vitesses séquentielle provient de chez Ricardo, le poids est de 950kg comme toutes les autres S1600 et il est prévu de la faire débuter en compétition à partir de 2002. En attendant, il faut continuer à finaliser la Corsa S1600 et les premiers essais ont débuté au cours de l’été 2001, d’abord en Grande-Bretagne, puis en Grèce. L’objectif était de tester la fiabilité de la voiture ainsi que d’optimiser le comportement sur les terrains les plus difficiles. Chose qui a semble-t-il, donné satisfaction aux équipes.
Pour 2002, Opel suivra discrètement du programme alors que RML s’occupera de l’exploitation, de l’entretien de la Corsa S1600 ainsi que du soutien technique et humain des équipes qui engageront cette voiture. Pour la structure qui est également présente en endurance/GT et en ASCAR (la NASCAR sauce anglaise en somme), on s’engage en Junior WRC (six manches, uniquement en Europe à l’exception de certains rallyes comme la Corse ou Chypre par exemple) avec Niall McShea, qui a était déjà présent dans cette coupe l’année précédente sur Ford, puis Citroën. Ailleurs et à une échelle nationale, Christoph Schleimer sera dans le championnat allemand avec une voiture engagée par le Team Holzer alors que Haris Kaltsounis sera en Grèce, incluant l’épreuve mondiale de l’Acropole. Enfin, deux Corsa S1600 disputeront également le championnat polonais avec Jaroslaw Pineles et Sebastian Frycz, avec des livrées « officielles ».

Venons-en au plateau 2002 du JWRC. Pas moins de 27 Super 1600 sont présentes pour le rallye du Monte-Carlo avec au menu, du Francois Duval, Daniel Carlsson, Andrea Dallavilla, Giggi Galli ou encore Dani Sola. Et concernant les voitures, nous avons pas mal de Citroen Saxo, de Fiat Punto, de Ford Puma, quelques Peugeot 206 ainsi que pas mal de nouveautés telles que la la Suzuki Ignis et la MG ZR de Gwyndaf Evans. Seul Opel engagée, McShea n’aura pas eu le temps de dévoiler le potentiel de la Corsa puisqu’il glisse sur une plaque de verglas et sort de la route, dès la première spéciale !
Le rallye de Catalogne ne sera pas plus satisfaisant pour le jeune britannique, qui devra renoncer sur une casse de suspension. A l’Acropole, deux autres Corsa est engagées, une pour le norvégien Martin Stenshorne et l’autre pour le local Kaltsounis , sans réussite puisque les trois voitures renonceront à nouveau pour cause de soucis mécaniques. Certes, la Corsa S1600 est encore neuve, mais à l’instar d’autres JWRC et voitures de cette classe, la fiabilité est mise à mal sur chaque épreuve (c’était un peu une constante avec des voitures engagées à titre entièrement privée ou bien lorsque celles-ci ne sont pas intégralement développées par les constructeurs, seule la Saxo semblait bien s’en tirer). Quant aux performances, elles alternent entre le moyen et le tout juste correct.

Au niveau local, la situation n’est pas forcément meilleure. En Allemagne, Schleimer est pratiquement dans l’ombre de la Saxo de Sven Haaf parmi les S1600 et ne terminera que deux rallyes sur les sept au calendrier. Parmi ses deux arrivées, il finira sixième du Rallye de Thuringe et premier de sa classe.
Restons en Allemagne pour le Rallye éponyme du championnat mondial. Les deux Corsa engagées semblent bien viser un joli résultat parmi les autres JWRC. Si celle de Stenshorne abandonne assez rapidement, McShea lui brille. Auteur de plusieurs meilleurs chronos dans la classe, le podium semble largement jouable dans ce rallye sur asphalte quand le troisième du JWRC en 2001 sort violemment de la route. Bilan, une voiture détruite et un petit passage à l’hosto pour l’anglais.
L’épreuve suivante sera à nouveau sur asphalte, au Sanremo. McShea arrivera pour la première fois de la saison à terminer un rallye, à une lointaine 25e position finale et 11e en JWRC. Alors évoluant sur la Saxo justement, Sven Haaf est au volant de la seconde Corsa et abandonnera sur accident. L’allemand disputera également le Rallye du Yorkshire et la manche mondiale de Grande-Bretagne, sans jamais réussir à voir l’arrivée.

Sur ce même rallye de Grande-Bretagne, ultime manche du championnat du monde et de JWRC, McShea s’accroche à la deuxième place de la catégorie (23e au scratch), à près de trois minutes de la Saxo de Dani Sola, champion de la coupe cette saison-là.
Ce fut une saison frustrante pour toute l’équipe, qui a certes progressé, mais il reste encore du travail pour fiabiliser la Corsa. Et en termes de performance, ce n’est pas tout à fait ça. L’arrivée de la nouvelle Renault Clio S1600 en cours d’année rend les choses encore plus compliquées pour Opel et RML et se contenter des malheurs des adversaires ou des coups d’éclat ne suffit plus…Seule consolation, les résultats en Pologne sont plus que convaincants puisque Sebastian Frycz est champion de sa catégorie.
Durant l’hiver, le moteur gagne en puissance et en couple. On passe notamment de 215 à 224 chevaux à partir de 2003. RML se contentant désormais de soutenir et d’entretenir les Corsa, le programme en JWRC (qui impose désormais des pilotes ayant 28 ans et moins) est confié à deux teams. L’une pour Rubicone Corse x SAB Motorsports avec Alessandro Broccoli au volant, et de l’autre, le Team Palmer (avec les couleurs officielles d’Opel, qui suit toujours de loin les résultats de la Corsa) avec un pilote originaire d’Irlande du Nord au nom de Kris Meeke.

Au niveau local, Haris Kaltsounis est toujours présent pour le championnat grec, Evandro Bernardes fera le Portugal, Michal Kosciuzko la Pologne tandis qu’Horst Rotter effectuera le championnat d’Allemagne avec sa propre structure (et soutenue par OPC). Notons enfin que Meeke fera en parallèle, les rallyes en Grande-Bretagne en complément du JWRC.
La première manche du championnat mondial de rallye 2003, JWRC inclus, commence traditionnellement au Monte-Carlo. Les deux Corsa engagées se débrouillent bien dans les conditions mixtes. Et même si Meeke finira retardé à cause d’une sortie, l’équipage Broccoli / Simona Girelli montera sur la troisième marche du podium du JWRC (15e au général, 4e parmi les S1600 puisque Simon Jean-Joseph, vainqueur dans la catégorie, est non-éligible à la coupe JWRC).
Ce bon résultat sera toutefois suivi par un double-abandon en Turquie. Même scénario à l’Acropole où une troisième Corsa est présente avec Kaltsounis. Dans ces deux épreuves, les pannes mécaniques en sont la cause. Au rallye de Finlande, les deux Corsa ne semblaient pas à l’aise et Meeke connait un nouvel abandon sur problème électrique alors que Broccoli finit l’épreuve à une lointaine 27e position, et sixième parmi les JWRC.

Les spéciales goudronnées du Sanremo conviennent très bien à l’unique Corsa S1600 présente, Kris Meeke (étant donné que Broccoli préférera disputer ce rallye avec une Clio S1600) enchaine les performances à chaque spéciale et tient la seconde place en JWRC. Malheureusement, il sortira de la route au début de la troisième et dernière journée. C’est un nouvel abandon pour le britannique…
Il aura l’occasion de se rattraper au rallye de Catalogne, toujours disputée sur asphalte. Alors que le revenant Broccoli renonce sur casse moteur, le pensionnaire du Team Palmer (et soutenu par RML) voit enfin l’arrivée d’un rallye en JWRC depuis le Monte-Carlo et décroche la seconde place dans cette coupe (19e au général). Cette performance ne sera pas confirmée pour l’ultime rallye de la saison, aux Pays de Galles. Meeke se crashe et Broccoli doit se contenter d’une cinquième et avant-dernière place en JWRC (oui, il y’avait pas mal de casses), 29e au général.

Ce fut une saison globalement frustrante pour les deux pilotes inscrits dans cette coupe en 2003. Beaucoup d’opportunités de briller ont été gâchées faute de fiabilité encore perfectible et d’erreurs de pilotage. Dommage car en termes de performance, la Corsa S1600 n’est pas ridicule et se montre à peu près polyvalente sur toutes les conditions. Ce n’est pas totalement brillant, loin de là, face à certaines Super 1600 comme la Clio par exemple, mais ça a bien progressé en un an.
S’il n’a connu une grande réussite en JWRC cette année-là, Kris Meeke s’est bien rattrapé dans le championnat britannique où il signe de jolies performances et remporte la classe des S1600 (bon, c’était pratiquement le seul à disputer toutes les manches du championnat). En Allemagne, Horst Rotter s’est également bien débrouillé en terminant notamment troisième au général au Rallye de l’Eifel. Au Portugal, c’est plus mitigé pour Evandro Bernardes sur une Corsa engagée par Peres Competicoes Team.

A la fin de l’année 2003, Opel arrête de suivre le programme de la Corsa Super 1600 après tout juste deux années, comme ce fut le cas avec l’Astra Kit-Car. De toutes manières, le constructeur n’était pas très intéressé d’investir dans cette voiture qui semble avoir un bon potentiel, mais qui n’a jamais bénéficié d’un gros développement en dépit des efforts de RML qui doit désormais gérer seul le développement et l’entretien des Corsa pour 2004.
Cette année, RML a porté le travail sur la fiabilité et sur les suspensions avant. En JWRC, Kris Meeke sera de retour dans cette coupe, toujours avec le Team Palmer (toujours avec la lvirée « officielle », du moins pendant la première partie de l’année). La réussite ne sera pas vraiment au rendez-vous et seule une deuxième place dans sa classe au Pays de Galles sauve son année. Le protégé de Colin McRzae fera d’ailleurs l’ultime manche du championnat, en Catalogne, au volant d’une Citroen C2. Quelques invités sont également venus sur certaines manches à bord d’une seconde Corsa, avec Kaltsounis à l’Acropole, Tarik Otkem en Turquie et enfin, Conrad Rautenbach sur trois épreuves, sans résultats notables.

Sur le plan national, le bilan est contrasté. Comme en 2003, Horst Rotter signe des jolies performances en Allemagne, les quelques apparitions des Corsa dans les rallyes comptant pour le championnat d’Europe donnent des résultats moyens, tout comme en Turquie. Présent dans trois épreuves au sein de l’Ile de la Réunion, Olivier Payet terminera à chaque fois second au général.
A la fin de l’année 2004, c’est au tour de RML de cesser tout développement et suivi de la Corsa S1600. Ces dernières seront toutefois présentes au niveau national pendant plusieurs années. En France, Gilles Faure en a utilisé une pendant plusieurs saisons, de 2008 à 2012. Kaltsounis tentera chaque année de disputer le Rallye de l’Acropole dans le championnat du monde. Cela durera jusqu’en 2014 ( !!) lorsque l’épreuve comptait uniquement pour le championnat d’Europe.

Au final, la Corsa Super 1600 n’est pas un pur Fail au regard des résultats et des performances, mais comme toujours avec Opel, on ne va jamais au bout de son potentiel et après des programmes courts ou infructueuses en rallye depuis les années 1980, celui de la Corsa ne fait pas exception.

Fiche auto
Moteur : 4-cylindres en ligne 1598cc
Position : à l’avant
Puissance : 224 chevaux à 8500 tr/min (à partir de 2003)
Voiture basée sur la Corsa de troisième génération, préparée par RML
Boite de vitesses : séquentielle 6 rapports d’origine Ricardo et amélioré par OPC
Transmission : à l’avant
Poids : 950kg
Dimensions : 3,187m (L) x 1,7m (l)
Liens / Sources
EWRC

Commentaires