Revenons à la fin des années 1990 et plus précisément avec les pétillantes Kit-cars, nous allons découvrir celle qui, à ce jour, est la toute dernière Nissan qui a couru en rallye sous les couleurs officielles de la marque japonaise.
En 1993, la FIA accorde une coupe réservée aux voitures de 2L atmosphérique dans le monde du rallye. Un bon moyen pour les constructeurs ou pilotes parfois privés de s'engager dans le championnat du monde des rallyes sans avoir forcément recours aux grosses Groupe-A (la catégorie principale à l'époque) dotées des quatre-roues motrices et un peu couteuses. Durant cette année-là, c'est Opel (avec Bruno Thiry notamment) qui domine cette coupe, suivi de Skoda avec sa petite Favorit.
Puis à l’automne 1993, la Fédération Internationale de l’Automobile valide un point intéressant pour les voitures de rallye dites de 2-litres, ou "F2". Ces dernières doivent respecter plusieurs choses : moteur atmosphérique limitée à 2 litres bien sur, puissance maximale limitée à 300 chevaux, interdiction de la transmission intégrale, poids minimal fixé à 960 kg et la voiture choisie doit être commercialement produite à 25 000 exemplaires à l’année (et 2500 pour le moteur choisi). Enfin, le modèle doit également être homologué dans la classe « A5 », « A6 » « A7 » (Comme Groupe-A, 5 est la classification de ceux qui ont une cylindrée de moins de 1400cc, A6 entre 1400 et 1600cc, et enfin A7 pour les cylindrées comprises entre 1601 et 2000).
En plus de ceci, il est possible de modifier la carrosserie du modèle, à condition d’élargir celle-ci de 14cm maximum par exemple, et de préparer des assemblages portant sur la carrosserie justement mais également sur la partie mécanique, à l’instar de la boite de vitesse ou du système électrique. Ces préparations peuvent être issues des constructeurs ou des préparateurs indépendants. C'est le début de ce qu'on pourrait appeler "Kit-Car", le terme apparaitra véritablement à la fin de l'année 1994 .
Les premières véritables Kit-car sont probablement la VW Golf GTI ou la Ford Escort RS2000, bien qu’elles n’exploitent que peu le règlement Kit-Car…Il faut aller voir chez nous, en France, pour voir Renault et Peugeot préparer quelque chose de radical...
Avec la coupe 2-litres apparue en 1993 pour les voitures de classe A7 ou moins comme on l'a écrit au dessus, pas mal de constructeurs s’intéressent à celle-ci, mais finalement, peu participeront de manière assidue. Seules Opel/Vauxhall (du moins en '93), Skoda, Seat et, plus tard, Hyundai joueront pleinement le jeu. Pour les autres, les apparitions sont essentiellement ciblées au sein des championnats locaux. Par exemple Peugeot et Renault se bataillent dans les rallyes de France. Mais le championnat britannique regorge également d’engagements plus ou moins officiels à la fin des années 1990, citons VW, Seat, Skoda, Renault UK, Ford ou encore…Nissan.
Soleil vacillant
Nissan et le rallye, c’est une histoire qui a véritablement commencé à la fin des années 1960, avec des hauts et des (très) bas. Le constructeur nippon, qui s’appelait Datsun à l’étranger jusqu’au début des années 1980, visait particulièrement les rallyes africains (Safari, Cote d’Ivoire…) afin de promouvoir leur marque dans ce continent. Mission réussie car elle remportera plusieurs succès dans ce type de rallye avec la 510, la 240Z ou la Violet.
Avec l’apparition du Groupe-B en 1982, Nissan dévoile sa nouvelle arme : la Silvia 240RS, plus performante que les modèles précédents, elle ne sera toutefois pas une réussite, se faisant balayer dans les rallyes européens et même africains face à la Toyota Celica TCT. La fin du Groupe-B au profit des Groupe-A marque l’apparition de la Silvia 200SX. Celle-ci remportera le rallye de Cote d’Ivoire en 1988 face à une faible concurrence.
Pour 1990, il est temps d’avoir un peu plus d’ambitions : implantation d’une antenne européenne nommée Nissan Motorsports Europe basée à Didcot, en Angleterre, et mise en place d’un programme plus complet au mondial des rallyes. Pas de bol, la Sunny GTI-R, censée être le porte-drapeau de la marque japonaise au championnat mondial entre 1991 et 92, est un échec cuisant. Après cela, Nissan optera pour un programme plus que réduit au profit d’autres disciplines. Au moins, la version Groupe-N aura plus de réussite.
Cela n’empêchera pas le sixième constructeur mondial (à l’époque) de concevoir une autre voiture de rallye : la Sunny GTI Kit-Car, développée par Nissan Motorsports Europe et apparue en 1994. Elle répond à la réglementation des 2L.
A l’instar des autres voitures de l'époque et de premières vraies Kit-Car, elle n’exploite que peu le règlement assez permissif . Ayant couru principalement en Angleterre et rarement au mondial, la Sunny est malgré tout performante, assez en tout cas pour permettre aux pilotes de la Nissan, à savoir Alister Mcrae et Mark Higgins de remporter le championnat britannique de rallye, respectivement en 1995 et 1997.
C’est durant cette même année 1997 que Nissan réfléchit à un programme un peu plus important en rallye. Ça tombe bien, le constructeur nippon est actif sur pas mal de disciplines en sport-auto : le BTCC avec des Primera exploitées par Ray Mallock et au 24 heures du Mans avec les R390 GT1 développées par le Tom Walkinshaw Racing.
Almera, par amour du gout
Nissan prévoit de construire non pas une, mais deux Kit-Car. Le premier modèle concerne un modèle de très petite cylindrée (1300cc) destinée aux pilotes privés et-ou amateurs : la Micra Kit-Car.
Le second, et ce qu’il nous intéresse, devra remplacer la Sunny GTI et effectuera ses débuts fin 1997. Mécaniquement, elle reprendra une très grande partie de cette dernière avec quelques changements mineurs. Le modèle choisi pour la nouvelle Kit-Car sera l’Almera N15, paisible berline compacte sortie en 1995 chez nous. Plus précisément, la base est une Almera GTI, commercialisée depuis 1997.
La Kit-Car a été homologuée en classe « A7 » le 1er Novembre 1997, l’Almera Kit-Car peut débuter dans le monde des rallyes à la fin de l’année. L’anglais Mark Higgins, pilote Nissan depuis 1996, sera le pilote qui sera chargé d’effectuer le développement des nouveaux modèles (en parlant également de la Micra).
Parlons de l’Almera un peu plus en détail : si il y’a bien quelque chose qui nous tape à l’œil au premier abord, c’est son aspect bodybuildé ou surgonflé, surtout de largeur. Jouant sur le règlement, l’Almera est, avec la Citroen Xsara et la Renault Maxi Megane (plus de 1,8m), l’une des Kit-Cars les plus larges du lot. La voilà qui ressemble véritablement à une voiture de cette catégorie contrairement à la Sunny qui ressemblait un peu à une Groupe-N sans véritables modifications extérieures. Les suspensions et la boite de vitesses ont été développées par Nissan Motorsports Europe, toujours située à Didcot. Mécaniquement, c’est le même moteur 2 litres qui propulsait les Sunny qu’on retrouve sous le capot de l’Almera. La puissance et portée à 265 chevaux et le couple a été légèrement amélioré pour plus de souplesse. Elle sera équipée de pneus Yokohama, déjà en place depuis 1996.
Les premiers essais se déroulent essentiellement en Angleterre et plus précisément sur les pistes gravillonnées ou terreuses…
Une voiture certes plus ambitieuse que la Sunny, mais il semblerait que Nissan a décelé un problème sur l’Almera : des performances modestes lors de ces essais. Difficile de savoir quelle est le souci rencontré à ce moment-là, faute de sources disponibles. On peut considérer que l’allure « massive » de l’Almera, combinée à l’aspect break 3-portes doit certainement pénaliser l’aéro…
Les débuts de la voiture s’effectuent lors de l’ultime manche du championnat mondial des rallyes, plus précisément au RAC Rally en Angleterre. Avec Mark Higgins, tout juste champion d’Angleterre, Nissan Motorsports Europe aura fort à faire dans la catégorie des 2-Litres « Kit-Car » avec la présence de trois Seat Ibiza officielles, une VW Golf préparée par SBG Sport et deux Mégane Maxi de Renault UK. Avec une Almera à peine dégrossie, la partie est loin d’être gagnée.
Ce qui n’empêchera pas Higgins de jouer d’emblée les premiers rôles dans cette classe. L’anglais mènera même brièvement la catégorie des 2L avant de renoncer peu avant la fin de la deuxième journée, victime d’une casse de suspension. Pour des débuts, c’est encourageant.
Durant l’hiver ’97-’98, l’Almera évolue peu, la puissance a également été revue à la hausse, ce qui nous donne à peu près 275 chevaux. Suffisant pour aller chercher la gagne au sein de la coupe 2-Litres F2 ?
Programme à la carte
Pour la saison 1998, Nissan Motorsports Europe annonce un programme sportif plus chargé que d’habitude : Quelques manches du championnat britannique, du championnat européen et surtout, une participation plus régulière au mondial des rallyes, toujours avec Mark Higgins. Curieusement, Nissan ne s’inscrit pas dans la coupe des 2 Litres (Kit-car), alors que même une participation partielle peut suffire à bien se positionner au classement…
On retrouve toute la team fin-mars au Portugal, quatrième manche du championnat du monde des rallyes. C’est également l’occasion pour Nissan d’engager pour a première – et unique – fois une seconde voiture pour le local José Araujo. Coté concurrence, on retrouve les Seat Ibiza et une nouvelle voiture : la Hyundai Coupe.
Après une prestation discrète, Higgins sortira des routes gravillonnés durant la neuvième spéciale. De toute manière, il naviguait assez loin des autres Kit-Cars officiels. Araujo réussira à terminer « son » rallye, à la 26e place et lointain 7eme de sa catégorie. Pour l’histoire, c’est un autre pilote local, Adruzilo Lopes, qui remporte cette victoire en catégorie 2L sur sa 306 Maxi privée, et avec plus de 11 minutes d’avance sur l’Ibiza d’Oriol Gomez !
Prochain rallye prévu plus de deux mois plus tard à l’Acropole (Grèce), sixième manche du mondial. Seul Higgins est présent au volant de l’Almera. L’histoire se répète, sauf que les deux Hyundai de Kenneth Ericsson et Wayne Bell ont rapidement abandonné. Comme la concurrence en 2L était plutôt marginale dans ce rallye, le natif de l’ile de Man peut espérer viser la troisième place de cette catégorie derrière les Seat Ibiza. D’autant plus que les quelques pilotes locaux et la Skoda Octavia de Pavel Sibera sont tout, sauf des menaces. Manque de bol, la boite de vitesse casse en début de deuxième journée et c’est l’abandon.
Après cette déception, Nissan s’offre un petit voyage en Belgique fin mai pour le rallye d’Ypres, manche pour le championnat d’Europe. Pas grand-chose à dire si ce n’est que le moteur part en fumée assez tôt dans l’épreuve.
Il faudra attendra la fin du mois d’aout pour revoir la Nissan Almera F2, désormais parée d'une nouvelle face avant pour mieux coller à la version de série fraichement restylée, plus précisément lors de la dixième manche du mondial, en Finlande. Cette fois, la concurrence répond présent, si on excepte que Seat, occupée à faire débuter la Cordoba WRC ici même, n’engage qu’une seule Ibiza pour Toni Gardemeister. Pour le reste, notons la présence de plusieurs Golf GTI (dont celle d’Alister Mcrae), des Hyundai, de la Skoda Octavia ou encore de la Renault Maxi Mégane pilotée par Tapio Laukkanen.
Sur ce rallye rapide et gravillonné, la pluie va quelque peu changer la donne. Higgins domine, à la surprise générale, sa catégorie grâce à un bon choix de pneus. Les conditions revenues à la normale, l’anglais va un peu rentrer dans le rang, mais au final, il parviendra à se classer 3e de la classe 2L (et 15e au général). Première fois que l’Almera voit l’arrivée, et sur le podium ! Cela dit, n’oublions pas que Nissan ne s’est pas inscrite dans cette coupe, donc pas de points !
Après cela, Nissan retrouve les joies du championnat britannique début-septembre en s’engageant dans la toute dernière épreuve de l’année, au Manx Rally, située sur l’ile de Man. Sur une épreuve qu’il connait bien, le « local » Higgins bataillait ferme pour une place sur le podium…jusqu’à ce la suspension casse à mi-épreuve.
Une semaine plus tard, retour au mondial pour le rallye de Sanremo, en Italie. Après des chronos modestes lors des premières spéciales faute de compétitivité sur l’asphalte, Higgins remontera lentement, mais surement dans le classement, profitant surtout des déboires de ses camarades en 2L. Il finira 18e au général et 4e de sa classe après un rallye jugé « pas très fun » pour Higgins au micro de la BBC. Il faut dire qu’il termine très très loin derrière les Kit-Car françaises comme la 306 Maxi de Gilles Panizzi (vainqueur de la coupe 2L, 5e au général !) ou de la Xsara de Patrick Magaud.
La treizième et dernière manche du mondial 1998, au RAC Rally (Angleterre) se déroulant fin novembre, ne permet pas à Mark Higgins et l’équipe Nissan de clore en beauté, faute d’une panne de pression d’essence juste en fin de première journée.
Que dire après cette saison plus que médiocre pour le Nissan Motorsports Europe, la fiabilité de l’Almera à plus d’une fois été prise en défaut tout au long de la saison, rien a été résolu en un an ?
Il s’avérait également que l’Almera n’est pas aussi polyvalente que sa devancière, la Sunny GTI. De toutes manières, ce n’est plus un problème pour le constructeur japonais puisqu’elle annoncera son retrait dans le monde des rallyes dès la fin de l’année ! Officiellement, Nissan souffrait de pertes financières à cette période (aggravées par la crise économique en Asie) et devait reconsidérer son programme sportif en se débarrassant du rallye. Cela dit, pas impossible que le constructeur nippon n’ait jamais vraiment voulu de ce programme avec l’Almera en « torpillant » ce projet : est-ce que la branche européenne, alias Nissan Motorsports Europe, a reçu suffisamment de moyens pour concevoir l’Almera F2 et de participer à davantage d'épreuves ? Qui sait…
C’est sur cet épisode peu glorieux que se referme le chapitre de Nissan en rallye. A ce jour, aucun retour dans cette discipline n’a été évoqué. Quelques temps après l'annonce, la branche européenne de Nissan Motorsports et dissoute.
Les quelques exemplaires de l’Almera ont été revendues à des pilotes privées. Quant à Mark Higgins, il retournera dans le championnat d’Angleterre dès 1999, sur une VW Golf IV préparée par SBL.
Caractéristiques voiture :
Construite et développée par l’équipe Nissan Motorsports Europe, à Didcot
Moteur : Atmosphérique 1995cc 16 soupapes
Injection électronique fournie par JECS
Implantation : à l’avant
Puissance : 265 à 278 chevaux, de 8500 à 8700 tr/min
Couple : 237 NM à 6850 tr/min
Châssis : basée sur la Nissan Almera GTI
Freins : ventilés à l’avant
Boite de vitesses : Séquentielle, à 6 vitesses, développée par Nissan et Hewland
Transmission : aux roues avant
Dimensions : 4,1m (L) * 1,83m (l)
Poids : 960 kg
Pneumatiques : Yokohama
Résultats en compétition :
Engagée officiellement sous les couleurs de Nissan Motorsports Europe
Voiture homologuée en catégorie A7 "F2"
A débuté au RAC Rally 1997 (abandon)
5 épreuves au mondial disputées en 1998
Meilleur résultat en Finlande : 15eme au général et troisième de la catégorie 2L / F2 *
Une pige en ERC, au rallye d’Ypres. Idem au championnat britannique, au Manx Rally, en 1998.
Pilote principal : Mark Higgins (copilote : Phil Mills)
(* Non inscrite dans la coupe des 2L, Nissan ne marqua pas de points)
SOURCES PRINCIPALES :
Champion Magazine, numéro 3, dossier consacrée aux Kit-cars, Mars 2017.
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