Dans la continuité des sponsors/investisseurs louches passés dans le monde merveilleux du sport-auto, intéressons-nous à un fabricant de sauce qui a mis un petit bordel dans certaines teams en NASCAR.
Quelque part dans la ville de Yukon, dans l’Oklahoma (USA), un homme au nom de Daniel Lloyd se lance dans la fabrication de sauces salées : la compagnie se nomme Big Daddy’s et est créé en 1998. Mais les fans de NASCAR connaitront essentiellement cette marque via sa fabrication de sauce barbecue, Big Daddy’s BBQ Sauce.
Celle-ci ne va pas se contenter de faire uniquement de la sauce et le distribuer à travers divers supermarchés, elle va également se faire un peu de pub’ et notamment en sponsorisant des teams et des pilotes dans différentes séries ! Que ça soit en drag ou en NASCAR (notamment en Truck Series ou dans les séries inférieures comme en Pro Series), le nom de Big Daddy’s apparait de manière ponctuelle sur plusieurs voitures. Mais son nom est présent en Southeast Series et plus précisément avec Ronnie Burkett, dont le père est un des cadres importants de Big Daddy’s, juste pour info.
Problème : certains se plaignent que ce sponsor donnait tout, sauf l'argent promis. Gênant pour les structures les plus démunies et surtout pour celles qui courent dans les petites séries…Mais cela ne dérangea pas Big Daddy’s de continuer sur sa lancée et de monter en gamme, pour ainsi dire, l’année suivante.
Pendant ce temps, en cette fin d’année 1998, une team présente en NASCAR depuis 1950 perd presque tout : son pilote Dick Tricke, une partie de son personnel et le sponsor Heilig-Meilers. La vénérable équipe de Junie Donlavey va cependant rebondir en vue de la prochaine saison de la Cup Series (division principale de NASCAR): il va trouver un nouveau pilote qui a auparavant brillé dans les séries régionales de Short-Track et qui court depuis 1997 en Pro Series. Son nom ? Mike Harmon. A 41 ans, celui-ci aura l’opportunité de faire ses débuts dans la Nascar Winston Cup Series malgré son expérience limitée dans les divisions supérieures (quelques piges en Busch Series, actuelle Xfinity, en 1996).
L’arrivée d’Harmon au sein du Donlavey Racing n’est pas tombée ciel : le pilote natif de l’Alabama apporte avec lui Big Daddy’s BBQ comme sponsor ! L’accord est rendu officiel en décembre. Parallèlement à ceci, le fabricant de sauce barbec’ ne compte pas en rester là et compte bien parrainer d’autres teams dans les divisions inférieurs. Citons par exemple le Charlie Henderson Racing en Busch Series avec Kelly Denton comme pilote, plusieurs teams contactés en Truck, en ARCA, en West Series, en Midget, dans les épreuves de Hot-Rod ou encore en renouvelant le partenariat avec le pilote Ronnie Burkett en Southeast Series.
A la base, Big Daddy’s devait payer une certaine somme à Donlavey, mais rien ne se passe jusqu’en janvier où l’équipe signe tout de même un accord avec ce sponsor pour l’ensemble de la saison 1999. En plus de ceci, d’autres partenariats sont signés avec le TRIX Racing Team pour les Daytona 500, puis en Indy Racing League (IRL, futur Indycar) avec le Cahill Racing ainsi que le Galles Racing pour cette saison.
Sinon, signer un partenariat avec l’une des plus anciennes teams de NASCAR (en 1999), c’est sympa, mais encore faut-il respecter les promesses et les payements…chose qui posera énormément problème. A peine quelques jours après l’accord entre les deux parties, Donlavey n’a toujours pas reçu le moindre dollar de la part de Big Daddy’s (qui doit plus d’un million) et les news commencent de plus en plus à s’intéresser sur ce cas. On apprend également que ce dernier doit encore de l’argent à plusieurs autres structures en Pro Series. L’affaire ne sent pas bon…
Il semblerait que Big Daddy’s a eu les yeux plus gros que le ventre, le fait de sponsoriser à peu près partout a rapidement rendu la situation délicate auprès du fabricant de sauces. Plus encore, la jeune compagnie s’était lancée dans des placements hasardeux/malheureux : Lloyd a vendu une partie des actions de la marque à une société de commerce et de courtage/placement en bourse : JB Marc & Associates. D’après plusieurs sources, n’ont pas tenu leurs engagements (promesses de six millions de $ en échange d’actions de Big Daddy’s), ce qui a pour conséquence ces soucis de paiement. Plus fort, son patron et un de ses conseillers sont à la fois accusés de fraude boursière, d’escroquerie et de liens avec le milieu du grand banditisme.
C’est pas de bol (et ces faits ne seront révélés que plus tard) pour Big Daddy’s qui tentera de "réparer" ces gros soucis, en vain : à la veille des premiers essais du Daytona 500 (qui est la manche d’ouverture de la NASCAR Cup) , la Donlavey Racing retire son nom sur les flancs de la Ford Taurus numéro 90 et met fin au partenariat avec le fabricant de sauces ainsi qu’avec Mike Harmon (pour rappel, il apportait ce sponsor). L’équipe trouvera un sponsor (Kodiak) et un pilote (Mike Wallace) à la dernière minute. Ils réussiront à se qualifier et à terminer l’épreuve à une 23e place. Mais il va falloir trouver s’autres commanditaires pour la suite de la saison, déjà que la vénérable équipe de Junie Donlavey a des difficultés depuis pas mal de temps déjà…
Big Daddy’s n’a pas seulement perdu Donlavey, ses partenariats avec plusieurs équipes prennent également fin de manière prématurée, comme avec celle avec le TRIX Racing après Daytona (non-qualifié), le Charlie Henderson Racing en Busch Series (où le pilote Kelly Denton échouera à décrocher une place sur la grille), ou encore d’autres accords qui se terminent avant même d’avoir commencé, à l’instar du Galles Racing et de son pilote Davey Hamilton, avec une fin similaire à celle de Donlavey…
Reste que Big Daddy’s reste toujours présent sur la monoplace du Cahill Racing avec Donnie Beechler en IRL durant toute l’année, dans la voiture de Ronnie Burkett (aucun souci d’argent n’est à recenser) en Southeast Series, etc. où visiblement, les paiements ne posent pas problèmes dans les séries moins médiatisées .
Durant l’année, le nom de ce sponsor refait surface à quelques occasions, comme en Truck Series avec Lance Norick lors des premières épreuves de la saison, avant que le partenariat prenne fin au printemps au motif que Big Daddy’s n’a pas respecté ses promesses (argh !). Ce dernier sera toujours présent dans cette série lors des dernières courses, cette-fois avec Terry Cook et la Thorsport Racing.
Pour 2000, notre gros papa faiseur de sauce BBQ continue ses multiples partenariats malgré les problèmes de l’année passée. Peut-être que tout ceci est arrangé et que la compagnie repart sur des bases saines. Dans le même temps, une équipe du fond de tableau en NASCAR Winston Cup perd son sponsor principal (Kodiak) fin-99 et cherche un nouveau pour courir l’année suivante : la Larry Hedrick Motorsports. Celle-ci trouvera un accord en janvier avec Big Daddy’s pour l’ensemble de la saison 2000, ignorant sa réputation ternie l’an passée. En plus de ceci, le sponsor continue ses multiples partenariats avec des teams dans d’autres séries (en nombre moindre par rapport à 1999 certes).
Revenons à l’équipe de Larry Hedrick. Le pilote choisi pour piloter la Chevrolet #41 est Rick Mast. Après six épreuves et des résultats médiocres, il est libéré par l’équipe pour rejoindre le AJ Foyt Racing. Les raisons ne sont pas liées au manque de performances, mais tout simplement parce que Hedrick ne peut continuer de lui verser son salaire.
Le problème est simple : Big Daddy’s n’a pas, oh surprise, apporté l’argent (qui se chiffre en plusieurs millions de $) contrairement à ce qui était prévu, ce qui met l’équipe en grande difficulté malgré l’apport d’autres sponsors secondaires tels que Universal ou Manheim Auctions. Après avoir trouvé un nouveau pilote en la personne de Garry Bradberry, Hedrick met la clé sous la porte après que Bradberry n’a pu se qualifier à Talladega (avec la Chevy #41 toujours sponsorisée par Big Daddy’s) en avril. Fin de l’histoire et Big Daddy’s ne remettra plus un pied en Cup Series, réputation bousillée.
Dans le même temps, le Cahill Racing met fin à son partenariat avec Big Daddy’s (ou l’inverse ?) au terme de la seconde manche de l’IRL, à Phoenix (où Donnie Beechler finit 3e !) ainsi qu’en Southeast Series avec Burkett. Les raisons ne sont pas connues, mais il est possible que les défauts de paiement en soit la cause.
Pour le reste de l’année, Big Daddy’s se fait très discret, se contentant de sponsoriser à plusieurs occasions, des pilotes dans les séries mineures telle que le Late Models ou le Pro Series et ce, jusqu’en 2001. Plus curieusement, la compagnie parrainait également des concours de barbecue ou de buveurs de bière !
Enfin, Big Daddy’s fut le sponsor-titre de la course d’ARCA sur le short-track de South Boston, en Virginie. Ceci durera deux saisons, en 2002 et 2003 avant de quitter pour de bon le monde du sport-auto. Ensuite, la compagnie se consacrera uniquement à son activité principal (fabriquer des sauces) avant de disparaitre pour de bon en 2005…
Sources
Tabasco Be Like hein
Avec Tabasco ce fut la guerre des sauciers. On est sûr que Big Daddy n'était pas sponsor du Texas 600 en CART en 2001, tellement cette course fut foireuse.