Durant la fameuse ère du Groupe-B en rallye, on peut dire qu’Opel alternait entre performance et présence discrète au championnat du monde ainsi qu’une opportunité manquée. Certes, la Manta 400 n’est pas une mauvaise machine est a remporté plusieurs succès à une échelle nationale et dans une moindre mesure, européenne. Mais face à Audi, Peugeot et Lancia, impossible de bien figurer avec une voiture de conception « basique », sans turbo ni quatre roues motrices. Un projet de Manta 4x4, puis d’une Kadett Groupe-S (qui devait succéder au Grp. B) étaient dans les tuyaux, mais celles-ci ne courront jamais en compétition.
La fin du Groupe-B en 1986 ne signifie pas l’arrêt du programme Rallye Chez Opel (Vauxhall en Grande-Bretagne) puisqu’on verra des Kadett GSI, puis GSI 16v, évoluer sur la scène du rallye à l’époque du Groupe-A. Avec ses petites dimensions, son moteur atmo’ développant 220 chevaux et sans transmission intégrale, cette voiture ne peut rivaliser avec les Lancia Delta, Mazda 323 ou autres Toyota Celica. Mais elle obtient plusieurs bons résultats dans les rallyes européens et nationaux. En Allemagne et en Autriche, Sepp Haider signe quelques victoires et places d’honneurs tandis qu’en Grande-Bretagne, Malcolm Wilson en fera de même (sur une auto badgée Vauxhall). Haider signera même la victoire absolue au rallye de Nouvelle-Zélande en 1988 au sein du championnat du monde.
Le souci, et c’est un peu une constante chez Opel/Vauxhall, est que la marque ne s’investit que modérément en rallye. Malgré des engagements sous le nom de General Motors Euro-Sport dans les rallyes en Europe ou mondiaux, on laisse toujours le soin d’engager et de préparer les voitures chez les préparateurs fidèles ou au sein des filiales de chaque pays.
A la fin de l’année 1990, la branche européenne de General Motors réduit encore plus son implication dans le monde du rallye pour se concentrer sur d’autres programmes (Opel pour le DTM, avec l’Omega 3000 déjà présente cette année-là). Toutefois, un accord est signé avec Motor Sport Developments (MSD) pour engager des modèles de la marque dans les rallyes britanniques. Encore mieux, le préparateur basé à Milton Keynes (qui représentera ensuite Hyundai en WRC au début des années 2000, voir ici et la) va développer un nouveau modèle capable d’affronter les reines du Groupe-A.
Pour cela, il faut inévitablement avoir recours à la transmission intégrale et un moteur turbocompressé, chose que n’a pas Opel. Toutefois, il existe bel et bien une voiture de la marque dotée d’une de ces deux technologies en rallyes. Il faut aller dans le championnat d’Espagne sur gravier pour apercevoir une Vectra 4x4 privée, enfin plutôt engagée par Meeke Motorsport, et pilotée par Borja Moratal depuis 1990. Ceci est probablement l’élément qui a donné des idées à MSD & Opel car on verra même une Vectra 4x4 pilotée par Jimmy McRae au Sierra Cordoba Rally en 1992, manche du championnat espagnol sur graviers. Ce one-off avec cette Vectra spéciale n’ira pas plus loin, la voiture n’est pas homologuée en Groupe-A.
Qu’importe pour MSD et Opel, le modèle choisi pour représenter la marque en rallye est la Calibra. Ce grand coupé basé sur la Vectra est plus connu pour sa version DTM, mais ce modèle a bel et bien couru brièvement en rallye. Ses performances aérodynamiques intéressantes (Cx de seulement 0,26 !) semblent être une bonne idée. Surtout, il existe depuis 1991, une version 4x4 Turbo dans la gamme ! Autant utiliser cette version comme base , d’autant que l’homologuer en Grp-A ne pose absolument pas problème (5000 exemplaires produites de série minimum à l’année pour la Calibra « basique »). Les premiers essais de la voiture ont débuté en avril 1992 aux mains de Jimmy McRae et celle-ci est véritablement révélée au public pour la première fois en novembre, dans le cadre de l’Hellendorn Rally, épreuve néerlandaise comptant pour le championnat européen. Toutefois, le pilote écossais est engagé uniquement en tant qu’ouvreur. Il s’agit juste de tester la Calibra.
Des Calibra, il y’en a d’autres qui sont apparus la même année, le danois Jorgen Nielsen pilote une 16v classique (discrètement soutenu par MSD) dans le championnat local avant de la convertir en Turbo 4x4. Ce n’est pas le sujet qui nous intéresse et il en est de même concernant celle de Bruno Thiry qui alternera entre manches européennes, belges et mondiales avec quelques victoires de classe, mais également pas mal de casse avec la 16v atmo et sans transmission intégrale. Cette Calibra était engagé et préparée par Opel Team Belgique.
Revenons à notre Calibra 4x4 Turbo de chez MSD. Le travail sur la carrosserie semble plutôt limité. C’est surtout sur le plan mécanique que l’essentiel du travail a été fait. Le 4-cylindres de 2 litres développant 280 chevaux et les turbos provenant de chez KKK ont été revus et adaptés à la fois pour l’homologation et l’efficacité dans les spéciales de rallye. Les pneumatiques choisis sont des Michelin.
Point intéressant et chose inédite en rallye à l'époque, cette Calibra est dotée de différentiels actifs l'avant et à l'arrière! Pratique pour négocier les virages sans subir le sous-virage ou le sur-virage...
Mais il y’a des soucis : avec ses 1200kg sur la balance, la Calibra Turbo 4x4 Groupe-A est lourde face à ses rivales, et sa puissance est en-dessous des autres. Plus problématique encore, la fiabilité mécanique est le principal point faible de la voiture, notamment du côté du turbo, un élément qu’Opel ou MSD ne maitrisent pas vraiment…
Les débuts officiels s’effectuent en octobre ’92 au Rally de Tierra de Lugo, manche du championnat d’Espagne sur graviers. Engagée sous les couleurs d’Opel Espagne, la Calibra est en fait supervisée à la fois par le Meeke Motorsport (qui exploite la Vectra 4x4 dans ce championnat) et MSD. Borja Moratal se chargera de la piloter. Il terminera ce rallye en 6e position.
La seconde apparition de la voiture se déroule en février 1993 au rallye de Suède, deuxième manche du championnat du monde. Pour l’occasion, on fait appel à un pilote très expérimenté et septuple vainqueur de l’épreuve enneigée : Stig Blomqvist. Supervisée par MSD, la voiture est engagée sous la bannière du Opel Team Suède et les pneus sont cette-fois des Pirelli.
Connaissant parfaitement le terrain, le local de l’étape doit composer avec la présence des Toyota Celica, Subaru Legacy RS et Ford Escort RS Cosworth officielles. Et on ne compte pas les autres Groupe-A privées qui peuvent obtenir un résultat probant. Il va falloir que la Calibra se mette immédiatement au niveau de ces voitures pour ne pas manquer ses débuts.
Les performances sont moyennes, et Blomqvist signe des chronos qui le placent généralement aux portes du top-10. Les soucis interviennent au fil du rallye et la voiture semblait perdre de la puissance en avançant dans l’épreuve (souci de turbo ?). Les choses s’aggravent au tout début de la troisième et dernière étape de ce rallye quand Blomqvist déclare aux mécaniciens de l’équipe qu’il y’a un vrai problème du coté du moteur. Ces derniers ne voient ou n’identifient pas le problème malgré les avertissements du pilote suédois. Il continue son chemin pour terminer les dernières spéciales…et le moteur casse !
Après ceci, il semblerait qu’Opel et MSD aient perdu toute motivation à la suite du programme avec cette Calibra. On ne la reverra plus en championnat du monde et il n’y a plus aucun développement. Et puis pour Opel, principalement concentrée sur le DTM, il y’a la toute nouvelle coupe des 2L (qui va accueillir les Kit-Cars) qui permet à la marque de s’imposer dans la « deuxième division » avec l’Astra F2 de Bruno Thiry (via GM Team Belgique). Par ailleurs, le partenariat entre Opel et MSD se termine à la fin de l’année, le préparateur se tournera ensuite vers le tourisme.
Malgré tout, les Calibra Turbo 4x4 de chez MSD seront encore présentes dans les championnats locaux pour le reste de l’année. Le néerlandais Erwin Doctor remporte une victoire dans le championnat au pays de l’autre fromage et effectue également une pige au mondial, au rallye d’Espagne, où il abandonnera dans la dernière étape sur souci de pompe à huile. Il renoncera également au Golden Tullip Rally qui comptait pour le championnat d’Europe.
La présence de cette Calibra se fera encore plus rare en 1994. Entièrement engagée par MSD la voiture n'évolue pas bien que la boite est désormais séquentielle. Jimmy McRae participe à une manche du championnat britannique en terminant 5e du Pirelli International. Puis, c’est un de ses fils, Alister, qui fera une apparition au rallye d’Indonésie qu’il ne terminera pas.
En 1995, le danois Henrik Lundgaard récupère la voiture et participe à l’intégralité du championnat danois. Il manque de peu le titre malgré trois victoires. Cependant, ses rares tentatives hors de ses frontières (Monte-Carlo, 24 Heures d’Ypres) se terminent par des abandons.
En 2002 et 2003, le hongrois Otto Michna pilote à son tour la Calibra ex-MSD/ex-Lundgaard et participe à plusieurs rallyes de son pays.
Fiche auto
Moteur: 4-cylindres 1998cc
Aspiration: turbocompressé, d'origine KKK
Implantation: à l'avant
Puissance: 280 chevaux à 6500 tr/min
Voiture: basée sur la Calibra de série
Boite de vitesses: manuelle 6 vitesses, séquentielle en 1994
Transmission: intégrale
Poids: 1200 kg
Dimensions: 4,49m (L) x 1,68m (l)
Pneumatiques: Michelin ou Pirelli
Sources:
John Davenport, Richard Klein. Group A: When rallying created road car icons, McKlein Publishing, 2019
EWRC
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