Après avoir aperçu la LMP1 de chez Ginetta qu'au 24 heures du Mans en 2018 et une un retour plusieurs mois plus-tard pour quelques essais, nous retrouvons ces prototypes de retour dans le championnat du monde d'endurance (WEC) en septembre 2019...
Les Ginetta G60-LT-P1 seront en essais sur la plupart des tracés britanniques et européens (Aragon, Spa, le Paul-Ricard) durant le printemps et l’été 2019, confiées aux pilotes-essayeurs de la marque (Charlie Robertson et Mike Simpson). Le petit constructeur n’hésite d’ailleurs pas à partager des clichés et des mini-vidéos sur les réseaux sociaux tout en teaseant quelque chose …
En marge des 24h du Mans, la liste des participants pour la super-saison du WEC 2019-2020 est publiée. Et bonne nouvelle, les deux Ginetta seront présentes ! Mais quelle équipe engagera ces machines ? On annonce que c’est la Team LNT qui les engagera. La Team LNT ? On ne connait pas…enfin si, elle a eu une certaine expérience dans le monde de l’endurance au milieu des années 2000. Elle a même remporté la classe GT2 du Mans en 2006 avec une Panoz Esperante !
Mais à part ça, la structure britannique est restée très discrète ces dernières années. En fait, le fondateur et président de LNT n’est d’autre que…Lawrence Tomlinsson, lui-même le boss de Ginetta Cars ! Pour tout dire, c’est un engagement direct de la part de la marque, mais chut, il n’est pas autorisé à un constructeur de s’engager officiellement et directement en LMP1 privé/non-hybride. On fait mine de croire que c’est une structure privée qui va engager ces G60-LT-P1 bien qu’aucun réel client ne semble intéressé pour les exploiter…
Notons que Ginetta/LNT se débrouillera toute seule pour cette future supersaison, sans aucune assistance de la part d’une autre structure ou d’une équipe. Ce qui est surement une erreur car le team en place n’a pas l’expérience de la course ni la connaissance exacte du championnat WEC.
Parlons du proto : la G60-LT-P1 n’a que peu évolué depuis sa dernière apparition aux 24h du Mans 2018. Seules quelques retouches aérodynamiques ont été réalisées. Pour le moteur et comme évoqué dans la première partie, c’est le V6 AER biturbo qui propulse désormais la LMP1. Ses 733 chevaux donnés permettront à la Ginetta d’être plus véloce qu’avec le bloc Mecachrome. Comme toujours, Michelin fournit les pneumatiques dans la catégorie-reine du WEC, le LMP1.
Les deux voitures sont présentes pour le prologue de la saison, sur le circuit de Barcelone. Pour ces deux journées d’essais officiels avant la première manche, plusieurs pilotes vont piloter ces Ginetta. En vrac on retrouve Charlie Robertson, Mike Simpson, Egor Orudzhev, Stéphane Sarrazin, Mathias Beche, Guy Smith, Luca Ghiotto, Stéphane Richelmi, Ben Hanley et enfin Chris Dyson. Parmi les autres LMP1 on retrouve les deux Toyota TS050 évidemment favorites et la seule Rebellion R13 engagée à l’année. Oui, il n’y aura que cinq LMP1 engagées au total même si une seconde Rebellion sera présente pour la première manche. Cela dit, les attentes envers Ginetta et LNT sont basses, essayer de s’accrocher à l’équipe suisse à la régulière et réussir à trouver un client intéressé sera déjà pas trop mal. Au moins, l’équipe peut espérer jouer quelque chose avec l’équivalence de performance (EOT) qui leste les meilleures voitures après chaque course on sait déjà que les Toyota commenceront la saison avec 40 kg supplémentaires ! Pour comparer, la Ginetta pèse environ 840 kg alors que la Toyota dotée du système hybride et du poids en plus fait plus de 930kg).
Les performances des protos seront convenables en se montrant tout aussi fiables que performantes. La première course du WEC, au 4h de Silverstone, arrive début septembre et les lineup sont officialisés : la #5 sera confiée au russe Egor Orudzhev (ex SMP), Ben Hanley et à Robertson. La #6 sera avec Simpson, G. Smith qui sort de sa retraite et Chris Dyson qui fait son retour en endurance. Toutefois, il ne sera pas présent après un accident en Trans-Am et c’est l’excellent Oliver Jarvis qui le remplace. Des équipages au niveau plutôt hétérogène et qui semble un ton en dessous des autres sur le papier.
Dès les essais, on sent que les Ginetta ont un certain potentiel, mais l’équipe a semble-t-il du mal à l’exploiter pleinement. Elles se qualifient à une bonne seconde des Toyota et ferment la marche en catégorie LMP1. Durant les 4 heures de course, la pluie qui arrive en cours de route va plus que paniquer l’équipe « officielle » : arrêts aux stands manqués, provoquant même une perte de roue sur la #6, stratégies hasardeuses et erreurs de pilotage résument bien leur course. D’ailleurs Jarvis s’accrochera avec la Ferrari 488 GTE de Miguel Molina et sera pénalisée peu après…
Les deux G60-LT-P1 verront l’arrivée, bien que la #6 finira loin derrière (28e général) et que la #5 est hors du coup face aux autres LMP1 (4e à 5 tours). Point positif, les voitures sont les plus rapides en ligne-droite, avec près de 297 km/h en vitesse de pointe, 3 de plus que les Toyota. Surtout, Ginetta pointant deuxième au championnat derrière le constructeur nippon. La raison ? La seconde Rebellion engagée et qui a terminé 3e est "invisible" au classement, et comme la voiture engagée à l'année est retardée par quelques ennuis, c'est le petit constructeur britannique qui récupère les points ! Bon, tout ceci ne durera pas longtemps.
Pour les 6h de Fuji, les équipages sont remaniés. La 5 récupère Ghiotto à la place de Robertson qui passe sur la 6 en compagnie de Simpson et Smith. En essais, et « épargnées » par l’EOT contrairement aux Toyota et à la Rebellion, les Ginetta se rapprochent du proto suisse et ont montré une belle vitesse de pointe une nouvelle fois grâce en partie au moteur AER. Mais si la #5 manque de peu de la battre, la #6 ne signe aucun chrono suite à une sortie et part depuis la voie des stands pour la course.
Au départ, Orudzhev arrive à faire illusion au départ en dépassant la (lourde) Toyota de Kobayashi. Mais la suite sera une série de galères pour les deux voitures : arrêts aux stands hasardeux, erreurs de pilotage (encore !), grossière erreur stratégique et d’interprétation du règlement sur la #6 en dépassant le nombre maxi de changements de pneus durant une épreuve (pénalité de six minutes !!) et enfin, souci sur la #5 à moins d’une heure de la fin qui la retarde énormément (Ghiotto s’est un moment arrêté sur la piste, coupure électrique). Il n’y a rien d’étonnant que les deux voitures terminent à 14 et 16 tours des Toyota (et 12 de la Rebellion) en plus d’être devancées par plusieurs LMP2…
La deuxième tournée est-asiatique se poursuit le mois suivant pour les 4h de Shanghai. Pas de bouleversements coté lineup sinon Jordan King qui relaie Ghiotto sur la #5. Qualifiés derrière la Rebellion qui a signé la pole (avec une seconde d’avance) mais devant les Toyota encore plus lestées que précédemment, Robertson va rapidement prendre le dessus sur le poleman passé le premier virage tandis que Ben Hanley va littéralement déposer la Toyota de Kobayashi dans la ligne droite. Après une boucle, les Ginetta mènent la danse ! Les pilotes profitent de la bonne performance du moteur AER et de l’excellent équilibre du proto pour se maintenir devant pendant une heure. Mais les deux protos seront pénalisés d’une Drive Through pour avoir volé le départ !
Tout part en éclat pour la suite car les Ginetta cesseront d’exister pour le reste de l’épreuve. Des arrêts aux stands plus lents que leurs rivaux suivis d’une nouvelle pénalité pour la #6 (non-respect du Full course yellow) font qu’elles terminent hors du podium et à un tour (pour la #5) ou à deux tours (pour la #6) de la Rebellion qui a remporté la course. Points positifs : Charlie Robertson (bon durant ses relais) a signé le meilleurs temps au tour en cours de route, la G60-LT-P1 s’est bien comportée sur ce circuit (moins lestées que les autres LMP1 certes) et une fois encore étaient les plus rapides en termes de vitesse de pointe (on frolait les 315 km/h, un petit plus que la Rebellion et…20 que les Toyota !) et la voiture ne souffrait pas de défauts majeurs. Par contre, il reste encore pas mal de travail à toute l’équipe pour pouvoir être compétitif sur la durée d’une course.
La quatrième manche se déroule en décembre pour les 8h de Bahrein. Quelques changements sont effectués sur les lineup avec Chris Dyson qui arrive enfin dans la voiture et sera derrière la #6 avec Simpson et Smith. Robertson retourne dans la #5 à la place d’Orudzhev. Comme sur les autres courses, les Ginetta sont à l’aise en ligne-droite grâce au V6 AER et le proto se comporte bien. La #5, qui subit cette-fois l’EOT, manque de très peu la pole en étant à un peu plus d’un dixième derrière la Rebellion.
Au départ, tout commence mal avec Robertson qui heurte la R13 de Bruno Senna après le premier virage et les deux partent en tête-à-queue. Le britannique et pilote officiel de Ginetta ne s’est visiblement pas remis de cet incident car il s’accroche avec la Ferrari 488 de Motoyaki Ishikawa 50 minutes plus-tard. La suite sera dans la continuité pour l’équipe entre inconstance, arrêts au stands hasardeux et performances insuffisantes des pilotes sur la #6. Néanmoins, le podium est potentiellement jouable car si les Toyota sont intouchables au final, la troisième place est à portée de la #5 malgré un début chaotique : la Rebellion est au garage pendant un petit moment. Les excellents Ben Hanley et Jordan King, bien aidés par la vitesse du proto et de l'efficacité des pneus sous la chaleur, font tout pour rattraper le temps perdu…jusqu’à ce dernier s’arrête sur la piste : panne électrique après 5 heures de course. Il aura au moins signé le meilleur tour en course.
Pour la #6, totalement transparente sur la piste, elle rentrera au box à moins d’une heure de l’arrivée et ne ressortira plus jamais, la boite est bloquée. Un double abandon pour clôturer les épreuves de 2019, ce n’est pas le scénario idéal.
Et la suite ? Eh bien on apprend que les Ginetta ne seront pas présentes pour la manche suivante (et première épreuve de l’année 2020), au Lone Star le Mans (6h de COTA). Grosso-modo la présence de cette épreuve nord-américaine qui remplaçait au pied levé les 6h d’Interlagos initialement prévu créait des soucis d’ordre logistique et que les deux protos ont besoin d’une maintenance accrue après quatre épreuves. On ne le savait pas encore, mais le covid va énormément bouleverser le petit monde du WEC et Ginetta sera bien évidemment affectée par cette longue pause.
Dans le même temps il est annoncé que le Ginetta cessera d’exploiter les G60-LT-P1 la saison prochaine et ne sera pas de la partie pour la course post-covid, les 6h de Spa programmés en aout. En plus de ceci, un seul proto sera présent pour les 24h du Mans reportés à septembre, avec Smith, Dyson et Simpson (donc pas un lineup extraordinaire). Finalement, on ne verra pas la machine britannique dans la Sarthe et ceci marque la fin des G60-LT-P1 en compétition. Aucune autre équipe n’était intéressée pour exploiter ces protos en WEC et comme le règlement va changer en 2021 (fin des LMP1 qui seront remplacées par les Hypercar), le destin des machines anglaises étaient scellées.
Performances du LMP1 pratiquement impossible à juger en raison de trop nombreuses erreurs humaines et parfois techniques (bien que la fiabilité ne posait pas de problème, sauf à Bahrein), moyens limités, pas de soutien de la part d’une autre structure qui connait bien les championnats d’endurance, la Ginetta G60-LT-P1 aura été un vrai gâchis et c’est franchement dommage car il est désormais certain que ces dernières avaient largement le potentiel pour faire mieux que d’autres LMP1 privées/non-hybrides.
Liens/sources
Endurance-info, Dailysportscar, endurance24, Auto-Hebdo, Ginetta Cars...
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